vendredi 19 avril 2024
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Le prince Albert  Ier était aussi un chasseur d’images

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Le saviez-vous ? Le prince Albert Ier était photographe, cinéaste et preneur de son, par passion. L’institut audiovisuel de Monaco (IAM) y consacre une exposition libre, entre ses murs, pour présenter ses travaux précurseurs, témoins d’une époque en plein bouleversement technique.

Pionnier de l’image et du son. Ce n’est pas sur ces terrains-là que l’on attendait le prince Albert Ier (1848-1922). Mais, après tout, où doit-on vraiment attendre le prince souverain ? Diplomate, navigateur, explorateur, homme de science, il était tout cela à la fois. Le centenaire de sa disparition, honoré à Monaco en cette année 2022, à travers une pléthore d’événements et de manifestations, permet de se pencher sur la multitude d’œuvres initiées par Albert Ier, qualifié, en son temps, de « prince savant ». C’est ce que fait l’institut audiovisuel de Monaco, avec son exposition Cinémato !, ouverte librement au public jusqu’au 31 décembre 2022, dans son hall d’entrée (1), et qui présente une partie des œuvres et des appareils du souverain.

Photographe

Le prince Albert Ier était féru de photographies en tout genre. Des photos d’expéditions, qu’on qualifierait de photo-reportage aujourd’hui, jusqu’à la prise d’image artistique, tant il savait mêler les styles. En témoigne cet intrigant cliché de la princesse Alice Heine (1889-1922), pris au milieu d’un bois Outre-Atlantique, qui révèle un sens certain de la composition et de l’esthétique. Entouré de ses collaborateurs et compagnons de route, comme Henry Bourée (1873-1940), Louis Tinayre (1861-1942), et Jules Richard (1863-1945), l’institut audiovisuel de Monaco raconte dans Cinémato !, comment le prince réalisait ses photos pour documenter ses voyages et illustrer ses travaux scientifiques. Équipé d’un laboratoire de développement à bord de ses navires, le souverain utilisait également le procédé « autochrome », inventé par les frères Lumière, qui permettait de prendre des photographies en couleur. Le prince Albert Ier a aussi été primé pour ses clichés d’expéditions océanographiques, en recevant la médaille de bronze du jury “Épreuves et appareils de photographies” en 1889, lors de l’Exposition universelle de Paris, au pavillon de Monaco. Parmi les appareils que le prince Albert Ier a pu utiliser, le musée océanographique a conservé une chambre photographique Hermagis, datant des années 1910, utilisée pour les prises de vues posées, comme on le ferait aujourd’hui avec un trépied.

© Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo.

Équipé d’un laboratoire de développement à bord de ses navires, le prince Albert Ier utilisait également le procédé « autochrome », inventé par les frères Lumière, qui permettait de prendre des photographies en couleur

Preneur de son

Comme un reporter radio, le prince Albert immortalisait aussi les sons. Pourtant, les outils d’enregistrement en étaient encore à leurs balbutiements à l’époque où le prince s’y est initié. Le premier appareil capable d’enregistrer et de reproduire le son avait en effet été mis en place officiellement par Thomas Edison (1847-1931) en 1877, mais il a fallu attendre dix ans pour obtenir une version un peu plus perfectionnée, et plus solide. C’est donc en 1898 que le prince Albert Ier fait l’acquisition d’un phonographe Edison Class M, avec lequel il mènera des expériences phonographiques lors de ses voyages, mais aussi avec l’orchestre de Monte-Carlo. Le souverain a enregistré des chanteurs d’opéra de renommée, qui se produisaient à Monaco. Au total, 228 cylindres de cires ont été sauvegardés, grâce à un partenariat entre les archives du palais de Monaco, la bibliothèque nationale de France et l’institut audiovisuel de Monaco. Ses travaux sonores ont même servi à la diplomatie monégasque : comme le veut l’anecdote racontée par l’institut audiovisuel de Monaco, le prince a remis des partitions du compositeur français Jean-Baptiste Lully (1632-1687) à l’empereur Guillaume II d’Allemagne (1859-1941), le 6 juillet 1899, après avoir enregistré son orchestre lors d’un dîner à bord de la seconde princesse Alice. À noter que cet épisode s’est déroulé en plein procès Dreyfus [l’affaire Dreyfus a débuté en 1894, et a pris fin en 1906 — NDLR]. Autant dire que de bonnes relations méritaient d’être entretenues entre ces deux chefs d’État.

« Je suis retourné devant le glacier de Smeerenburg pour cinématographier le front du glacier, en passant devant, avec le canot à vapeur lancé à allure moyenne. » Le prince Albert Ier, le 22 juillet 1906 © Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo.

Cinéaste

À cela s’ajoute le cinéma. L’art de l’image mise en scène émerge à peine quand Albert Ier se lance derrière la caméra, qui ne s’appelait pas encore comme ça. Faute de pouvoir obtenir un appareil “Lumière”, du nom des frères Lumière qui en sont inventeurs, car ces rares machines étaient réservées aux exhibitions, le prince a tourné ses prises de vue dès 1897, avec un chronophotographe Demenÿ, commercialisé par la firme Gaumont. Une machine qui prenait en rafale de très brèves photographies, afin de les faire défiler comme une prémisse de vidéo. Le prince a ainsi immortalisé son périple au Spitzberg parmi les cinq films qu’il a réalisés entre 1897 et 1907. Il le raconte d’ailleurs dans l’un de ses carnets de voyage, le 22 juillet 1906 : « Je suis retourné devant le glacier de Smeerenburg pour cinématographier le front du glacier en passant devant, avec le canot à vapeur lancé à allure moyenne ; le résultat paraît bon, d’après l’essai d’un fragment de la bande. J’avais mis le diaphragme presque à la petite ouverture, et diminué l’ouverture du disque. Un peu trop de pose, malgré cela. » Albert Ier a également participé à six tournages, entre 1910 et 1922, dont un documentaire avec Buffalo Bill (1846-1917), pendant son périple américain, dont on peut admirer quelques séquences de cette exposition.

1) Exposition Cinémato !, à voir à l’institut audiovisuel de Monaco, 83-85 boulevard du Jardin exotique. Du lundi au vendredi de 10h à 17h30. Entrée libre.