Passé par Monaco où il s’est très souvent produit, Mr Luke vient de sortir un nouvel album.

Radiography propose 15 titres électro, dans lesquels ce DJ a pris davantage de liberté, en s’ouvrant notamment à des sonorités ethniques. Interview.

L’origine de ce nouvel album ?

C’est un album assez dense, puisqu’il comporte 15 morceaux. J’ai voulu explorer à fond tout ce que je m’étais peut-être interdit de faire avant. Comme j’étais sur un créneau très “groovy”, très disco, très house, je n’allais pas trop vers des choses plus pointues, plus proches de la techno. Peut-être parce que ça aurait été une cassure un peu trop violente avec ce que les gens qui me suivent ont l’habitude d’entendre.

Comment le contenu de cet album a été organisé ?

Environ un tiers de ce disque comporte des titres sur lesquels les gens m’attendent. Cette base me permet d’insérer progressivement d’autres choses, sans décevoir. Ma patte et mon style sont là, mais, en même temps, je fais découvrir d’autres facettes de la musique que j’aime.

Comme quoi, par exemple ?

Notamment des sonorités ethniques. J’aime mélanger des sons électroniques avec des choses très ancestrales, comme des cithares ou des voix de chamans. C’est le cas sur le morceau Shiva, qui est assez représentatif de cette approche. Des voix du folklore arabe très aériennes accompagnent ce titre qui est aussi le premier single de ce nouvel album.

Sur quels supports Radiography est disponible ?

Aujourd’hui, c’est trop risqué de sortir un album en vinyle. Donc Radiography est uniquement disponible sur les plateformes de téléchargement, comme iTunes, Beatport ou Spotify, par exemple. De toute façon, depuis quelques années, la musique est devenue un produit consommable avec un smartphone ou avec une clé USB. Après, peut-être est-ce qu’on fera une petite série de 50 vinyles pour les amateurs, mais rien n’est sûr.

Le téléchargement pirate pose toujours problème ?

Oui et non. Internet rend la musique accessible à tout le monde. Des dizaines d’artistes se font connaître grâce à Internet. De mon côté, j’ai commencé à vendre ma musique parce qu’Internet était là. Le revers de la médaille, c’est que ce qui a permis à un artiste de se faire connaître reprend par la suite un peu de ce qu’il a donné. Evidemment, il faut éduquer les gens et continuer à leur expliquer que derrière une chanson il y a un artiste, un producteur, un manager, du temps passé à travailler… Et que tout ça a de la valeur.

Ceux qui n’ont pas d’argent ou qui refusent de payer pour de la musique se tourneront toujours vers le téléchargement illégal : que faire ?

Je préfère recevoir un message sur les réseaux sociaux me demandant si je pourrais offrir mon album, ce que je fais en général et en très bonne qualité. C’est toujours mieux que de voir la personne récupérer la bande son d’une vidéo de mauvaise qualité sur YouTube. D’ailleurs, pour tenter de se protéger du piratage, de plus en plus d’artistes insèrent dans leurs vidéos postées sur YouTube des bruits, comme des bruits de pas ou une porte qui claque, par exemple.

Le piratage a aussi pour conséquence d’obliger les artistes à jouer sur scène ?

Absolument. De mon côté, je suis DJ, c’est mon métier, je viens de là. Donc j’ai toujours été habitué à jouer en public. Du coup, le piratage n’a pas changé ma vie de ce point de vue là.

Internet a aussi des aspects positifs pour les musiciens ?

Oui, c’est un canal de diffusion qui permet à tout le monde de pouvoir proposer sa musique au monde entier. Mais le revers de la médaille, c’est que sur les plateformes de musique, comme Beatport par exemple, environ 5 000 morceaux de musique électronique sortent chaque jour. Sur ces 5 000 morceaux, il y a de très bonnes choses. Le problème, c’est que même en étant très bon, on peut très vite être noyé dans la masse. Du coup, en plus du talent, le facteur chance devient important pour départager ceux qui réussiront et les autres.

Vos objectifs de ventes avec Radiography ?

Je ne m’en suis fixé aucun. J’aimerais seulement que ce disque soit aimé, écouté et partagé. Se fixer des objectifs, c’est risquer d’être très déçu. Pour que le succès soit au rendez-vous, il y a tellement de paramètres à remplir : le facteur talent bien sûr, mais aussi la promotion faite autour du disque, la chance…

« Comme j’étais sur un créneau très “groovy”, très disco, très house, je n’allais pas trop vers des choses plus pointues, plus proches de la techno »

Sortir un disque, c’est aussi une prise de risques ?

Je ne joue pas ma vie avec ce disque, car je suis mon propre producteur, avec mon label, Moving Head Records. Ce qui me donne un maximum de liberté. Personne n’a investi sur moi, à part moi-même.

Mais il y a tout de même des coûts, notamment avec les clips vidéo qui accompagnent certains des titres de cet album ?

Aujourd’hui, pour un budget très acceptable, on peut réaliser un clip vidéo. On trouve d’ailleurs des outils de montage suffisants sur Internet. De plus, on a vu dans le passé des clips vidéo cartonner, alors qu’ils n’avaient pas coûté grand-chose. Et on a aussi déjà vu des clips à plus de 400 000 dollars se planter complètement…

Vous faites quoi quand vous ne composez pas de musique ?

Quand je ne compose pas, je m’ennuie. Donc je compose tout le temps. Dans mes ordinateurs, j’ai des centaines de morceaux achevés. Je pourrais sortir un album tous les deux mois !

Comment c’est possible ?

Je suis toujours à l’affût. Un bruit que j’entends dans la rue peut se transformer en base pour un morceau. Aujourd’hui, on a les outils nécessaires pour enregistrer ce qu’on veut, où qu’on se trouve. Moi qui adore le violon, aujourd’hui la technologie me permet d’en mettre dans presque tous mes morceaux. Alors qu’avant, il fallait faire appel à un orchestre philharmonique… Avec le violon, le piano est mon instrument préféré. D’ailleurs, je sais jouer un peu de piano et de batterie.

Vous travaillez donc déjà sur la suite ?

J’ai toujours l’impression que le meilleur de mes albums, ce sera le prochain. Parce que j’ai toujours envie d’avancer et de me lancer de nouveaux défis.

1) Radiography, Mr. Luke (Moving Head Records), 10,73 euros (disponible sur iTunes, Beatport, Spotify, Deezer…).