jeudi 25 avril 2024
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Culture Sélection de mars 2022

Publié le

Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et musique.

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Julie (en 12 chapitres)

de Joachim Trier

Trajectoire. À 48 ans, Joachim Trier signe son cinquième film. Le réalisateur de l’excellent Oslo, 31 août (2011) nous raconte cette fois la trajectoire de Julie (Renate Reinsve). On suit cette trentenaire, alors qu’elle se construit au gré de rencontres qui lui permettent à chaque fois d’expérimenter une nouvelle vie. Se tromper et recommencer à partir de rien, en faisant table rase, ne l’inquiète pas. Médecine, puis psychologie, puis photo… Elle cherche un métier qui fait sens pour elle. Elle hésite. Et puis, elle rencontre Aksel, auteur à succès de BD, et Eivind, serveur dans un café. Joachim Trier et Eskil Vogt, coscénariste de tous ses films (Reprise (Nouvelle Donne) (2006), Oslo, 31 août, Back Home (2015), et Thelma (2017)), proposent un film à la fois mélancolique et tendre. Prix d’interprétation à Cannes en 2021, Renate Reinsve est parfaite.

Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, avec Renate Reinsve, Anders Danielsen Lie, Herbert Nordrum (DAN, 2021, 2h08), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).

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Memory Box

de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas

Beyrouth. Le couple de cinéastes et plasticiens libanais, lauréats du prix Marcel Duchamp 2017, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, se sont fait remarquer avec Memory Box. Leur quatrième film raconte l’histoire de Alex (Paloma Vauthier), une adolescente qui vit au Canada avec sa mère, d’origine libanaise, Maia (Rim Turki). Le jour de Noël, un paquet envoyé par La Poste fait resurgir ce passé qu’elles tentent d’oublier. Photos de Beyrouth, enregistrements, et journaux intimes : autant d’objets que Maia a envoyés de 13 à 18 ans à sa meilleure amie, Liza, qui avait fui le Liban pour s’installer à Paris. Le décès de Liza a poussé ses parents à envoyer ces souvenirs à Maia, qui ne parvient pas à les regarder. Ce qui n’est pas le cas d’Alex, qui découvre ainsi la vie de sa mère. Memory Box évoque autant la jeunesse que la transmission. Avec quelques jolies inventions visuelles.

Memory Box de Khalil Joreige, Joana Hadjithomas, avec Rim Turki, Manal Issa, Paloma Vauthier (FRA/LIB/CAN/QUA, 2022, 1h42), 19,99 euros (DVD). Sortie le 19 avril 2022.

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The Card Counter

de Paul Schrader

Fascinant. Le nouveau film de Paul Schrader est centré sur William Tell (Oscar Isaac), un ancien militaire solitaire et taciturne, devenu joueur de poker. Un jour, il rencontre Cirk (Tye Sheridan), un jeune homme qui ne pense qu’à se venger d’un gradé de l’armée, avec qui Tell a eu des problèmes. À 75 ans, Paul Schrader, notamment scénariste de Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976) et Obsession (Brian De Palma, 1976), nous rappelle qu’il n’est pas si simple de s’affranchir de son passé. Entre Le Samouraï (1967) de Jean-Pierre Melville (1917-1973) et Pickpocket (1959) de Robert Bresson (1901-1999), The Card Counter trouve sa voie. Ce film fascinant, d’une beauté visuelle sidérante, est magnifié par la musique de Robert Levon Been, du groupe de rock Black Rebel Motorcycle Club. La prestation hors-normes d’Oscar Isaac est aussi à signaler.

The Card Counter de Paul Schrader (USA, 2021, 1h52), avec Oscar Isaac, Tiffany Haddish, Tye Sheridan, 14,99 euros (DVD), 16,99 euros (Blu-ray). Sortie le 20 avril 2022.

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Ego

De Hanna Bergholm

Œuf. Le 30 janvier 2022, le festival du film fantastique de Gérardmer ne s’est pas trompé. Il a décerné son Grand Prix au premier film finlandais Egō de Hanna Bergholm, qui a aussi remporté le Prix du jury jeunes. Tinja (Siiri Solalinna), 12 ans, est poussée par sa mère (Sophia Heikkilä) à faire toujours plus de gymnastique. Lorsqu’elle découvre un étrange œuf, elle décide de le garder, et de le couver. En attendant de voir ce qu’il va en sortir… Le film de Hanna Bergholm, qui n’exclut pas l’humour, est une métaphore qui montre comment le manque d’amour peut engendrer un monstre. Amplifiée par les réseaux sociaux, la dictature de la perfection physique est aussi abordée, sans que Egō ne joue les moralisateurs. Si le récit est assez convenu, il n’en demeure pas moins que le long-métrage de Hanna Bergholm rit de tout. Y compris de nos obsessions les plus contemporaines.

Ego de Hanna Bergholm, avec Sirii Solalinna, Sophia Heikkilä, Jani Volanen (FIN, 2022, 1h26). 16,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 27 avril 2022.

Culture sélection mars 2022 the wire

The Wire

de SoFilm

Baltimore. Imaginée par David Simon, la série The Wire a marqué le monde de la télévision. Filmée comme un documentaire, elle s’est imposée comme « la plus grande fresque politique et criminelle de l’Amérique moderne », ainsi que l’indique cet ouvrage collectif, proposé par l’équipe du magazine Sofilm. En 160 pages, on plonge ainsi dans le monde de la corruption et du trafic de drogue à Baltimore, de la « genèse d’un mythe », à l’étude du casting, en partie amateur, au parcours de David Simon. À noter aussi la présence d’une interview du romancier George Pelecanos, qui a travaillé pendant cinq saisons à l’écriture de The Wire. Même l’ancien maire de Baltimore entre 1987 et 1999, Kurt Schmoke, qui a tenu un petit rôle dans cette série, s’est prêté au jeu de l’interview. Le résultat est passionnant.

The Wire, Sofilm (Sofilm/Capricci), 160 pages, 20 euros.

Culture sélection mars 2022  Romy Schneider

Romy Schneider. Les actrices se brisent si facilement

de Faustine Saint-Geniès

Parcours. L’actrice actrice allemande naturalisée française, Rosemarie Magdalena Albach, dite Romy Schneider (1938-1982), a très vite rencontré le succès. Au milieu des années 1950, elle a à peine 18 ans, et elle s’impose, suite à ses prestations dans la saga Sissi. Tout s’enchaîne très vite : Sissi (1955), Sissi impératrice (1956), puis Sissi face à son destin (1957). Dans cet essai publié par Capricci, Faustine Saint-Geniès nous livre le portrait de cette actrice amoureuse du cinéma, qui a multiplié les collaborations dans plusieurs dizaines de films. Elle a été dirigée par les plus grands, notamment Luchino Visconti. On se souvient aussi de L’Enfer (1964) d’Henri-Georges Clouzot, de La Piscine (1969) de Jacques Deray, ou de son travail suivi avec Claude Sautet. Au travail de Faustine Saint-Geniès, on peut ajouter la visite à la Cinémathèque de Paris d’une exposition consacrée à cette actrice iconique.

Romy Schneider. Les actrices se brisent si facilement de Faustine Saint-Geniès (Capricci), 104 pages, 11,50 euros.

Microfictions 2022

de Régis Jauffret

500. Le dernier livre de Régis Jauffret est un ouvrage de poids. Cinq cents textes de moins de deux pages viennent poursuivre l’expérience proposée par Microfictions (2007), et Microfictions (2018). Dans ce tome III, personne n’est vraiment fréquentable. Au sein de ces histoires courtes, entre les vols, les viols, et autres immondices en tous genres, il n’y a presque rien, ni personne, à sauver. En creux, on sent dans Microfictions 2022 la trace de la pandémie de Covid-19, mais aussi de tous les autres maux que connaît notre société. La pauvreté, le terrorisme, le racisme, la haine, les violences contre les femmes… Parfois, l’accumulation d’horreurs est telle, que l’on finit par sourire, et même, rire. Avec un total de 1 500 vies et trajectoires (très) sinueuses dressées en trois volumes, Régis Jauffret séduit, une fois encore.

Microfictions 2022 de Régis Jauffret (Gallimard), 1 040 pages, 18,99 (livre numérique) 26 euros (livre imprimé).

Les Cabanes de Nylso

de Nylso

Hachures. En 2016, Nylso a publié Cabanes, aux éditions Michel Lagarde. En 2022, il crée une suite, avec une préface dans laquelle il explique sa démarche. Lorsqu’il dessine, cela se produit « dans un état semi-conscient », pendant lequel il se souvient de ces « images mentales, souvenirs plus ou moins exacts de cabanes aperçues une demi-seconde par la fenêtre d’un train, souvent de vieilles cabanes, plus ou moins abandonnées au milieu d’un champ, qui servent encore à préserver la paille pour les bêtes ». Avec de fines hachures, Nylso parvient à donner corps à ses cabanes, toujours en noir et blanc. Elles sont toutes uniques, chacune avec ses particularités et son charme. Nylso parvient ainsi à créer des lieux aussi paisibles qu’isolés, que ce soit en Bourgogne, en Corse ou en Bretagne. Et ça fait drôlement du bien.

Les Cabanes de Nylso, de Nylso (Misma), 224 pages, 20 euros.

Le Soleil des mages

de Mortis Ghost

Prodon. Le Seigneur des Anneaux (1954-1955), comme vous ne l’avez jamais lu. C’est ce que propose Mortis Ghost avec son Soleil des mages. Il nous propulse dans un univers où l’on retrouve des noms (presque) connus : Prodon, Goudalf, Sarmoumane, Samouel, Aragornna, Gouloum, ou Yegolas, pour ne citer qu’eux. Si l’objectif est toujours le même, détruire l’anneau, les moyens de transport sont plus modernes, puisqu’il est désormais question de rejoindre le Mourdor non seulement à pied, mais aussi en voiture ou en train. Il faut bien ça, parce que, comme tout le monde travaille lundi, le petit groupe chargé de cette mission compte partir vendredi soir, et revenir dimanche en fin de journée. En dépouillant son Seigneur des Anneaux de sa dimension “heroic fantasy” et de ses envolées lyriques, Martin Ghost nous livre une irrésistible BD, pleine d’humour, qui se dévore d’un trait.

Le Soleil des mages de Mortis Ghost (L’Employé du Moi), 96 pages, 18 euros.

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Once Twice Melody

Beach House

Rêverie. La Française Victoria Legrand et l’Américain Alex Scally ont créé Beach House en 2004, à Baltimore. Once Twice Melody est leur huitième album, le précédent, 7, étant sorti en 2018. Quatre chapitres composent ce nouveau disque : Pink Funeral, New Romance, Masquerade, et Modern Love Stories. D’un bout à l’autre de ces 18 titres, la dream pop de Beach House fonctionne à plein régime, et le plaisir est total. Le titre Superstar illustre l’équilibre quasi parfait trouvé par ce duo, entre mélodie, douceur. Plus que jamais, le timbre de voix de Victoria Legrand invite à l’évasion et à la rêverie. En 84 minutes, on peut entrer dans Once Twice Melody par plusieurs portes, toutes différentes. On pense parfois aux Cocteau Twins, ou à Giorgio Moroder, pendant que certains titres sonnent comme la bande-son d’un film imaginaire. Et c’est somptueux.

Once Twice Melody, Beach House (Rough Trade/Bella Union), 13,96 euros (MP3), 14,99 euros (2 CD), 29,99 euros (vinyle).

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Never Let Me Go

Placebo

Son. Neuf ans après Loud Like Love (2013), ils sont de retour. Le désormais duo composé du chanteur Brian Molko et du guitariste Stefan Olsdal, vient de nous livrer Never Let Me Go, un album qui ne surprendra personne, surtout pas les fans de la première heure. Il suffit d’écouter le premier single, Beautiful James, et ses nappes de synthé portées par des guitares aériennes, pour retrouver le son, si particulier, de Placebo. Mention spéciale à The Prodigal, avec des cordes qui viennent donner à ce titre un relief particulier. La noirceur et l’élégance de Surrounded By Spies sont aussi remarquables, tout comme la légèreté de Try Better Next Time. Néanmoins, pas question d’expérimentation ou d’ouvrir de nouvelles portes, Brian Molko et Stefan Olsdal continuent de faire ce qu’ils savent si bien faire : vous faire bouger la tête en rythme, au bout de seulement quelques secondes d’écoute. Et c’est très bien comme ça.

Never Let Me Go, Placebo (Silva Screen Records), 10,99 euros (MP3), 19,99 (CD, visuel lenticulaire, édition deluxe limitée Amazon), 35,99 euros (vinyle).

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Alluvion

Emily Jane White

Poétique. Nous avions ici déjà adoré Immanent Fire (2019), son précédent album. Elle y affichait notamment son inquiétude pour la planète, malgré les multiples alertes des scientifiques. Cette fois, avec Alluvion, Emily Jane White évoque le deuil comme conséquence des inégalités écologiques et sociales. Imaginé pendant la pandémie de Covid-19, cet album doux et poétique a été réalisé avec l’appui du multi-instrumentiste Anton Patzner. Les problématiques abordées sont très concrètes. Le single Show Me the War évoque des sujets de société actuels, comme la série d’assassinats contre des femmes à Juarez, au Mexique, et l’avortement en Pologne, qui n’est plus autorisé depuis 2020 qu’en cas de « grossesse résultant d’un acte illégal », ou de « risque pour la vie ou la santé de la femme enceinte ». La folk sombre d’Emily Jane White fait le reste.

Alluvion, Emily Jane White (Talitres), 9,99 euros (MP3), 20 euros (CD), 27,84 euros (vinyle).

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