vendredi 19 avril 2024
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« La lutte contre le bruit est une urgence »

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Monaco Hebdo a décidé de donner la parole à l’ensemble des présidents de commission du Conseil national. Cette semaine, c’est Jean-Louis Grinda qui s’exprime. Le président de la commission environnement et cadre de vie évoque ses pistes concrètes pour lutter contre les nuisances sonores à Monaco. Cet élu de l’opposition Union Monégasque évoque également le pacte de vie commune, l’usine d’incinération, mais aussi sa volonté de créer un poste de conseiller de gouvernement à la culture à Monaco.

 

Globalement, la qualité de vie est bonne à Monaco ?

Il est évident que les résidents viennent s’installer à Monaco pour diverses raisons cumulées : la stabilité politique, la stabilité économique, l’absence de dettes et, bien sûr, le cadre de vie qui est agréable en Principauté. Mais ce cadre est troublé par plusieurs contingences.

 

Lesquelles ?

Les nuisances sonores, la circulation, les travaux… Le statu quo est impossible. Nous sommes dans une course de fond et une course d’obstacles. C’est un grand dossier politique, au sens le plus noble : celui du bien de la cité.

 

Il faut agir vite ?

J’estime qu’il y a véritablement urgence sur le bruit. Je parle évidemment des nuisances sonores liées aux chantiers et à la circulation, mais aussi de la pollution sonore des établissements de nuit. Notamment sur la darse sud. Tous les riverains s’en plaignent. Je les ai reçus au Conseil national. Des pétitions ont même circulé. Ceux qui résident sur le quai Albert 1er vivent clairement un cauchemar, car le son monte jusqu’à leurs appartements.

 

Vous voulez obliger les patrons de ces établissements à baisser le son ?

Il ne faut braquer personne. La darse sud est un succès et elle doit le rester. Mais je crois que l’on peut tout à fait entrer dans un dialogue constructif avec ces professionnels. En tant que directeur de l’opéra de Monte-Carlo, j’ai quelques connaissances en matière de son. Et je peux vous dire qu’il existe des solutions peu contraignantes.

 

Lesquelles ?

Par exemple, une simple inclinaison des enceintes acoustiques situées sur les terrasses extérieures permettrait de moins diriger le son vers le haut. Il existe aussi des parapluies insonorisant… Bref, il y a des améliorations à trouver à la marge. Des améliorations qui, en plus, ne pénaliseraient pas les établissements de nuit. Cherchons-les !

 

Vous voulez aussi agir sur les troubles auditifs, en particulier chez les jeunes ?

Absolument. C’est un véritable problème de santé publique. Tous les spécialistes l’affirment. Le volume sonore excessif, notamment dans ces bars, a des effets très néfastes sur l’audition. D’autant que les lésions qui touchent les oreilles sont irrémédiables… Lorsque vous perdez 10 % d’audition, vous les perdez à vie. Je pense en particulier aux employés qui travaillent de façon permanente dans ces lieux.

 

Qu’est-ce que vous suggérez ?

Il est temps de légiférer ou de réglementer le bruit dans tous ces établissements de nuit. Je ne veux pas être un « père la pudeur », ni « un père fouettard ». Je suis moi-même un bon vivant. Mais on peut adopter des mesures raisonnables.

 

Lesquelles ?

Prenons l’exemple des radars pédagogiques pour les automobilistes. Lorsque l’appareil signale que l’on circule « trop vite », automatiquement, on lève le pied. C’est un réflexe. Je propose le même dispositif dans les établissements de nuit.

 

C’est-à-dire ?

Je propose d’installer dans ces bars, y compris en plein air, un sonomètre, qui affiche les décibels. L’idée serait de définir un certain seuil sonore à ne dépasser. Si le seuil est franchi, il faut en informer le DJ ou le patron de la boîte de nuit. C’est une mesure de bon sens qui n’aurait pas un coût excessif.

 

Vous proposez aussi un « droit à la tranquillité » : de quoi s’agit-il ?

J’estime que la population a un droit à la tranquillité. Et ce droit à la quiétude n’est pas nécessairement un frein à l’expansion économique de la Principauté.

 

Que proposez-vous concrètement ?

Par exemple, lorsqu’un quartier a vécu des bouleversements importants en termes de travaux, les habitants pourraient bénéficier d’un droit à la tranquillité. C’est-à-dire que pendant une durée déterminée, par exemple 3 ans ou 5 ans, aucun chantier sauf, travaux d’urgence, ne serait autorisé. C’est aussi une façon d’obtenir du gouvernement une planification par quartier, lissée dans le temps.

 

Cela risque d’être compliqué à mettre en place ?

Je sais ce que l’on va me répondre… Que je suis un doux rêveur. Mais que ceux qui pensent que c’est impossible aient la gentillesse de laisser travailler ceux qui essaient ! En tout cas, il n’est pas interdit d’y réfléchir. Par ailleurs, je suis en désaccord avec la majorité Horizon Monaco (HM) qui érige comme un dogme le fait de consacrer 30 % du budget de l’Etat aux grands travaux.

 

Pourquoi ?

Le budget a dépassé le milliard d’euros… 30 % d’un milliard, cela conduit à l’asphyxie. Il n’y a pas assez de rue, pas assez d’espace. Eriger ces 30 % comme une orthodoxie budgétaire n’a aucun sens sur un territoire de 2 km2.

 

Que faire pour améliorer l’accès à Monaco ?

Il va falloir prendre des mesures ultra-volontaristes. Car on ne peut pas se passer des travailleurs extérieurs. Cette main d’œuvre, c’est aussi notre richesse. On parle de parkings de dissuasion, d’un téléphérique… Pourquoi pas ? Mais la Principauté doit aussi relancer la construction d’immeubles dans les villes limitrophes pour loger ses salariés. Il existe déjà des appartements financés par l’Etat monégasque à Roquebrune-Cap-Martin ou à Cap d’Ail. Il faut aller plus loin dans ce domaine.

 

Et pour la circulation dans Monaco ?

Je note tout d’abord la contradiction énorme de la majorité HM qui prône en même temps des états généraux de la circulation, tout en défendant la règle des 30 % d’investissement pour les grands travaux. Il faut choisir et le dire clairement : c’est cela le courage politique ! Par ailleurs, il faut que sortir sa voiture coûte cher…

 

C’est-à-dire ?

A l’heure actuelle, les automobilistes qui sortent peu leurs voitures de leur parking bénéficient d’un rabais de quelques euros sur le prix de leur abonnement. Il n’y a là aucun effet dissuasif !

 

Que faire alors ?

Mon idée serait la suivante : il faudrait évaluer un nombre de sorties normales du parking par jour par semaine ou par mois. Et, au-delà de ce nombre, cela coûterait de plus en plus cher à l’automobiliste. Ce qui aurait un véritable effet dissuasif. Je tiens à préciser que ce n’est pas une proposition de notre groupe politique Union Monégasque (UM), mais une position personnelle.

 

Mais cela risque d’être impopulaire !

Oui, de prime abord. Mais cette mesure inciterait les automobilistes à s’interroger sur leurs déplacements : « Ce trajet, je pourrais peut-être l’effectuer en bus ou à pied au lieu de prendre la voiture… » C’est une sorte de « tri sélectif » des déplacements.

 

D’autres solutions existent ?

Une autre piste avait été évoquée : la mise en place de la circulation alternée à Monaco, avec les numéros de plaques pairs et impairs. Pourquoi fermer cette piste ? Mais je reconnais que c’est plus contraignant.

 

Depuis 2008, on parle d’un code de l’environnement à Monaco : ça avance ?

C’est un texte fleuve qui nécessite un travail extrêmement pointu. Il est censé protéger l’environnement dans toutes ses composantes en Principauté. Cela va de la protection des espèces aux nuisances sonores, de la protection des sols à l’émission de Co2. Les membres de la commission ont réétudié l’entièreté du texte et envoyé des remarques au gouvernement. Nous sommes dans l’attente de réponses.

 

Ce texte sera voté quand ?

Mon ambition est qu’il soit voté avant la fin de la législature.

 

Qu’est-ce qui vous gêne dans ce texte ?

Il a perdu beaucoup de sa force, car il est peu normatif. Et s’il n’est pas normatif, cela laisse un grand champ de liberté, aussi bien aux entreprises, à la population qu’au gouvernement. L’Etat se garde toute latitude pour apprécier les situations et prendre des mesures ad hoc. En revanche, il y a une belle avancée : les dommages causés à l’environnement devront être indemnisés.

 

Un conseil de l’environnement sera créé ?

C’est prévu dans ce texte. Le problème réside dans sa composition. Le conseil de l’environnement, pour être véritablement autonome, doit être une autorité indépendante du gouvernement. Cela n’est pas prévu dans le texte actuel. Mais c’est sans doute un vœu pieux… Ce code de l’environnement est donc une bonne chose, mais il est certainement insuffisant car peu normatif. Il se veut surtout comme un effet d’affichage.

 

Que faire alors pour aller plus loin ?

Nous avons un Prince qui a des convictions personnelles depuis toujours en matière d’environnement. Nous avons un de voir d’exemplarité. Je pense qu’il faut agir sur la Constitution.

 

Comment ?

Je propose de créer un préambule à la constitution. Il s’agirait donc d’un texte déclaratif, car il ne faut pas que cela devienne un droit opposable. Dans ce préambule seraient inscrits de grands principes : le droit à une éducation de qualité, le droit à un accès à la culture, ou encore, le droit à un environnement sain.

 

C’est plutôt ambitieux…

Je le reconnais… c’est une modification himalayenne. Mais l’effet d’affichage du code de l’environnement serait décuplé, voire centuplé, par un tel texte. On ne se situe pas dans l’amendement budgétaire qui requiert une modification constitutionnelle. Il s’agit-là d’un texte déclaratif. Ma conviction est que ce serait un marqueur important du règne.

 

Vous allez avoir des opposants ?

Les forces de résistance vont être grandes. Je le sais. Mais j’aime nager à contre courant. C’est stimulant… Et on rencontre beaucoup de monde ! Contrairement à ce que dit le président du Conseil national, Laurent Nouvion, je ne suis pas dans la posture, mais dans la réflexion.

 

Avec UM, vous avez déposé combien de propositions de loi ?

Cinq. La création d’un pacte de vie commune à Monaco, la sauvegarde de justice et le mandat de protection future, la création d’une commission du respect des priorités d’accès à l’emploi, la réévaluation du traitement indiciaire de base de la fonction publique, et enfin un texte qui permet aux femmes monégasques de devenir chef de foyer. Ce sont donc des propositions de loi sociétales. La majorité HM de son côté n’en a fait aucune dans ce domaine. Ce sont de bons textes que nous avons, je le rappelle, financés nous-mêmes.

 

Pourquoi vouloir créer un pacte de vie commune à Monaco ?

C’est un texte qui concerne tout le monde. En particulier les jeunes, qui ne veulent pas forcément se marier, mais qui décident de vivre sous le même toit. Nous estimons que les personnes qui vivent en concubinage ont droit à une reconnaissance officielle. Ils ont des devoirs, mais aussi des droits.

 

Vous avez étendu ce texte aux couples de même sexe ?

Absolument. La sexualité des gens ne nous regarde pas… Nous avons donc tout naturellement décidé d’ouvrir ces droits aux couples de même sexe. Mais soyons clairs : il n’a jamais été question de mariage. Sur les textes sociétaux proposés par UM, nous cherchons à avoir des positions du XXIème siècle. C’est également le cas pour notre proposition sur les femmes chefs de foyer. Nous sommes dans un pays où la femme n’est pas l’égale de l’homme. En 2015, c’est tout de même regrettable.

 

Pourquoi pas de mariage entre personnes de même sexe ?

Parce que nous sommes dans un Etat qui est presque concordataire. Respecter la vie des gens, c’est respecter tout le monde, pas une seule catégorie…

 

Concrètement, quels droits auront les couples qui vivent en concubinage ?

Il s’agit de faire passer une situation de fait dans le giron du droit. C’est pourquoi ce pacte sera un contrat offrant stabilité et sécurité. Il répondra aux questions d’organisation patrimoniale mais aussi, par exemple, aux problèmes liés au décès de l’une des parties.

 

C’est-à-dire ?

Le conjoint vivant pourra rester dans le lieu de vie jusqu’à échéance du bail, ce qui est impossible aujourd’hui s’il n’est lui-même signataire. Il est essentiel de bien comprendre que le pacte de vie commune ne contraint personne et créé des droits, sans en supprimer pour autrui.

 

Vous êtes soutenus par la majorité HM sur ce texte ?

Je vous suggère de leur poser la question. Mais je m’étonne que ce texte ne soit pas encore à l’étude en commission des droits de la femme et de la famille. Deux années d’attente… C’est une façon assez hypocrite de ne pas vouloir prendre position. Quel courage !

 

Qu’en disent les instances religieuses ?

J’ai présenté le texte à Monseigneur Barsi. A partir du moment où l’on ne parle pas de mariage, il ne trouvait pas d’inconvénient à ce texte. Il l’a d’ailleurs très clairement exprimé chez l’un de vos confrères.

 

Pourquoi êtes-vous contre la reconstruction de l’usine d’incinération là où elle se trouve ?

Nous pensons qu’il est déraisonnable de continuer à produire du C02 au XXIème siècle, en centre-ville et à 20 mètres d’un collège. C’est inacceptable. Brûler des poubelles en centre-ville… Il y a tout de même plus vendeur en termes d’image ! Surtout pour un pays qui se revendique en pointe en matière d’environnement. L’incinération n’est pas une solution d’avenir. J’aurais préféré exporter ces déchets à Nice Est, d’autant plus que l’on aurait ainsi libéré des m2 essentiels à notre développement économique.

 

Sauf que vous n’avez pas du tout été entendu par le gouvernement…

Sur la localisation du traitement des déchets, le gouvernement a maintenu sa position. Je considère que c’est une erreur historique ! Par contre, nous avons obtenu, secondés par quelques collègues de la majorité HM, que l’appel d’offres soit ouvert à toutes les technologies, les plus récentes et les plus écologiques. Nous avons été entendus sur ce point. Mais nous restons extrêmement vigilants quant au respect de cet engagement. Je ne désespère donc pas que le bon sens l’emporte contre le conformisme le plus paresseux.

 

Vous avez fait le deuil du Sporting d’Hiver ?

« Ne me secouez pas, je suis plein de larmes », disait le grand écrivain Henri Calet (1904-1956). En tant que citoyen, j’étais opposé à sa destruction. Dans ce dossier, il y a eu cet éternel conflit entre l’économique et l’éthique. L’économique l’a emporté. Soyons pragmatiques et faisons donc en sorte de réussir ce nouveau quartier.

 

Et pour la destruction du Palais de la plage ?

Le Conseil national n’avait aucun pouvoir. Un propriétaire a le droit de faire ce qu’il veut sur son terrain. De plus, cet immeuble ne figurait pas sur la liste des bâtiments remarquables… Ce qui, en soi, est déjà remarquable ! Visiblement, sont considérés comme remarquables les bâtiments qui ne gênent pas… Cette définition ne saurait convenir à la population. Le comble, c’est que l’on n’ait pas présenté le projet de substitution avant la destruction. Il y a des choses que la loi autorise, mais que la morale réprouve.

 

Le lancement des doggy-bag à Monaco en 2016, c’est une mesure efficace contre le gaspillage alimentaire ou un simple gadget ?

Pourquoi pas… Je souhaite beaucoup de succès à la jeune entreprise qui s’y attèle. Mais le problème du gaspillage alimentaire ne sera pas réglé pour autant. Dans nos pays ou règne l’abondance, c’est avant tout une question d’éducation familiale.

 

Pourquoi militer pour la création d’un poste de ministre de la culture à Monaco ?

Je ne milite pas, mais je mène une réflexion la plus honnête possible. La situation actuelle est objectivement bonne. Néanmoins, notre pays a toujours placé la culture au centre de ses préoccupations. L’inscription budgétaire pour la culture est conséquente. Mais, bien au-delà, c’est un élément essentiel de notre attractivité, du plaisir que l’on a de vivre à Monaco. Il y a déjà un ministre de la culture officieux : la Princesse de Hanovre. Mais il faudrait asseoir davantage son autorité par la création d’un poste spécifique de conseiller de gouvernement à la culture. La charge symbolique serait forte. Là aussi, j’y verrais un marqueur important du règne.

 

Vous serez à nouveau candidat en 2018 ?

Je ne me considère pas comme un homme politique. Je suis un citoyen monégasque comme les autres. Mon nirvana n’est pas une réélection en 2018… La différence entre un homme politique et un serviteur de l’Etat, c’est qu’un homme politique regarde les élections suivantes. Alors qu’un serviteur de l’Etat regarde… la génération suivante. Je m’inscris plutôt dans la deuxième logique. Le président du Conseil national, lui, est déjà en campagne pour 2018. Il ne s’en cache pas. Il a résolument choisi d’appartenir à la première catégorie.

 

Il faut professionnaliser la politique à Monaco ?

Ce serait une grave erreur. Nous sommes un petit pays et cela n’est pas dans nos traditions. Nous devons représenter la société civile. Ici, tout le monde se connaît. C’est aussi pourquoi ceux qui veulent supprimer le panachage de nos listes électorales me trouveront sur leur chemin. Quand on a peur de ne pas être élu, il ne faut pas se présenter !

 

Pourquoi êtes-vous contre la suppression du panachage ?

Cela conduirait à créer des listes inéluctablement dominées par des professionnels. Professionnaliser, c’est vivre de la politique. Or, on a besoin d’élus qui sont en prise au quotidien, avec la réalité. N’importons pas les pratiques politiciennes et leur cortège de désillusion.

 

UM se fait suffisamment entendre dans le débat public ?

Il y a trois dossiers sur lesquels l’opposition UM a courageusement pris ses responsabilités et a remporté deux victoires morales et politiques. Premièrement, l’Europe. On a tenu un discours d’ouverture et de calme. Quand Laurent Nouvion a de son côté exprimé des positions passéistes et ultra-nationalistes : « J’ai été élevé dans l’anti-européisme » ou « On veut rester chez nous, avec nos sous. » Une phrase qui est devenue son slogan de campagne.

 

Qu’est-ce qui vous dérange dans ces discours ?

A quoi bon agiter les peurs ? A quoi bon dresser les uns contre les autres ? C’est totalement contre-productif, notamment en période de négociations vitales pour notre pays. Le Prince a d’ailleurs tenu un discours d’apaisement et d’ouverture. Sur ce dossier européen, le président du Conseil national a donc connu un important revers qu’il essaie aujourd’hui de faire passer pour de la stratégie. Cela me fait sourire. Idem avec la Société des Bains de Mer (SBM).

 

C’est-à-dire ?

Encore une fois, le président Nouvion a eu des mots excessifs. Notamment ses propos de décembre dernier, relayés dans la presse. Une SBM « au bord du gouffre », « incompétente », qui frôle « l’amateurisme. » Ces mots, très agressifs, n’ont été prononcés que pour déstabiliser l’entreprise… Certains élus de la majorité HM ont été des pompiers pyromanes. Ils auraient mieux fait de mesurer leurs propos et d’économiser les coups de menton et les effets de manche. Quand on fait du théâtre… il vaut mieux avoir un bon texte !

 

Et qu’a fait UM ?

La minorité UM s’est battue pour que le dossier de la SBM soit dépolitisé et que l’on laisse travailler l’équipe en place. Aujourd’hui, Laurent Nouvion fait comme s’il n’avait rien dit. Si on l’écoute, comme sur l’Europe, il était dans une stratégie. On peut retourner sa veste, à condition d’avoir une jolie doublure. Or, ce n’est pas le cas !

 

Mais la SBM était tout de même dans une situation critique !

Certes. Mais in fine, le statut unique a été voté, les problèmes avec le personnel de l’hôtel de Paris ont été résolus, les loyers des boutiques dans les pavillons également. Sans oublier l’augmentation de capital… Les choses ont avancé positivement, selon la feuille de route établie. La SBM n’est pas pour autant tirée d’affaire. Le chemin sera long et nécessitera calme, sérieux et dialogue. Ce dont je suis sûr, c’est que sans tout ce travail mené à bien, les conditions du redressement auraient été définitivement compromises.

 

Pourquoi avez-vous associé certains propos de la majorité HM à l’extrême droite ?

Le président du Conseil national nous a tout de même traités « d’eurobéats. » Dans le monde politique français, il n’y a qu’une personne qui a utilisé ce terme : c’est Marine Le Pen. J’ai dénoncé cette rhétorique, car je pense qu’elle est malsaine. Les mots ont leur importance.

 

Pourquoi financer des juristes pour écrire vos propositions de loi ?

Le problème c’est que les permanents du Conseil national, qu’en théorie, nous serions en droit de consulter, n’ont pas de temps pour nous. Car ils ne travaillent, quasi exclusivement, que pour les élus de la majorité HM. Et encore, si j’écoute ceux-ci, beaucoup ont les mêmes griefs que nous ! Je ne peux que conclure que les permanents du Conseil national ne travaillent de facto que pour la présidence.

 

Que devez-vous faire donc ?

Si la minorité UM veut exister et déposer ses propositions de loi, nous n’avons pas d’autre choix que de les financer nous-mêmes. Ce qui créé une brèche colossale dans l’égalité du travail parlementaire. C’est pourquoi on exige depuis des mois que la présidence ait son propre cabinet. Ce qui créera ainsi de la disponibilité pour les permanents et rétablira l’égalité.

 

Pourquoi êtes-vous favorable à l’amendement budgétaire ?

Le rôle du Conseil national est de voter le budget de l’Etat. Mais il ne peut que voter pour ou contre. S’abstenir est une absurdité. Le refus d’un budget dans son ensemble serait extrêmement grave pour le gouvernement et pour l’Etat tout entier. Alors que refuser des crédits pour une opération précise, avec des raisons clairement exprimées par une majorité qualifiée, ce pourrait être les 2/3 ou même plus, permettrait au Conseil national d’agir de façon chirurgicale et éviterait les risques d’un refus global.

 

Un exemple ?

L’exemple type est celui du tunnel descendant : les élus avaient unanimement voté contre, sans aucun effet sur la décision finale du gouvernement. Ce qui est quand même invraisemblable ! Pour couper court à toute critique de parlementarisme abusif, je rappellerai qu’il ne s’agit pas de créer l’amendement budgétaire, mais de le rétablir puisqu’il existait dans la Constitution depuis 1911 jusqu’à sa disparition en 1962.

 

Comment vivez-vous votre premier mandat d’élu ?

C’est prenant, chronophage, mais exaltant. Mais comme je l’ai dit, je ne me sens pas véritablement comme un homme politique. D’ailleurs, je ne suis pas membre de l’Union des Monégasques (UDM). Je suis indépendant. Tout comme Bernard Pasquier. Cela ne nous empêche pas de travailler très bien ensemble, avec Jean-François Robillon.

 

Le président Nouvion est à la hauteur de la fonction ?

Ce qui est certain, c’est qu’il a une vraie volonté d’habiter la fonction. Mais je suis parfois en désaccord avec la façon dont il l’habite. Ce que je trouve un peu dérisoire, c’est cette autosatisfaction permanente.

 

Il a annoncé sa candidature pour 2018 : votre réaction ?

Les élus de la majorité HM ont découvert sa candidature dans la presse. Personne n’était au courant. C’est étonnant quand on est à la tête d’un groupe de 19 élus… Je sens dans cette déclaration anticipée comme une inquiétude. De plus, c’est d’une grande maladresse, eût égard à sa fonction. Chacun de ses actes pourra désormais être taxé d’électoralisme… Seule certitude : je ne sais pas pour qui je vais voter en 2018. Mais je sais pour qui je ne voterai pas…