Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées, et musique.
As Bestas, de Rodrigo Sorogoyen
Galice. Installés en Galice depuis de nombreuses années, une communauté autonome située au nord-ouest de l’Espagne, Olga et Antoine vivent dans une ferme. Le reste du temps, ils réparent des habitations abandonnées, afin de redonner vie à leur village et à leur environnement. Mais un accrochage avec leurs voisins, Xan et Lorenzo Anta, de petits paysans locaux, va tout faire basculer. Un vote en mairie pour décider s’il faut, oui ou non, installer des éoliennes dans le village sert de détonateur. Olga et Antoine votent « non », alors que Xan et Lorenzo Anta votent « oui », attirés par d’éventuelles retombées financières qui pourraient leur permettre de quitter le village. Rodrigo Sorogoyen met en scène de parfaits méchants, et questionne sur la résistance dont il faut faire preuve pour ne pas verser dans la violence.
As Bestas, de Rodrigo Sorogoyen, avec Marina Foïs, Denis Ménochet, Luis Zahera (ESP/FRA/GAL, 2022, 2 h 17), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).
Tempura, de Akiko Ohku
Tokyo. À Tokyo, Mitsuko vit pour elle, et seulement pour elle. Enfermée dans son petit monde, elle passe son temps à réaliser des recettes de cuisine chez elle. Son petit jeu, c’est de se lancer à intervalle régulier de nouveaux défis à accomplir. Un jour, elle décide qu’elle devra inviter un homme à dîner. Cette comédie romantique est remplie de douceur et de charme. La réalisatrice, Akiko Ohku, s’appuie sur le talent et sur la performance de l’actrice Non, qui permet à ce film de plus de deux heures de ne jamais être ennuyeux. Tempura évoque aussi la question de la solitude, et de l’éternelle séparation entre les hommes et les femmes. Sous une apparente légèreté, le film d’Akiko Ohku séduit finalement par la profondeur de son propos.
Tempura, de Akiko Ohku, avec Non, Kento Hayashi, Ai Hashimoto (JAP, 2022, 2 h 13), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray).
The Housewife, de Yukiko Mishima
Mélo. Toko est une femme au foyer rangée, presque effacée. Sa vie est aussi calme que monotone. Un jour, elle rencontre par hasard celui qui a été son amant lorsqu’elle était à l’université. Cette femme japonaise décide alors de reprendre sa vie en main. Sur le thème éculé du trio amoureux, la réalisatrice Yukiko Mishima nous propose une énième variation, qui n’évite pas l’écueil du mélo. Mais The Housewife mérite tout de même un visionnage pour la grâce et la délicatesse avec laquelle cette romance est filmée. Face aux injonctions de la société, on suit le cheminement que va suivre cette femme pour échapper à ce qui est finalement pour elle une prison dorée.
The Housewife, de Yukiko Mishima, avec Kaho, Tasuku Emoto, Shōtarō Mamiya (JAP, 2022, 2 h 03), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray).
En Décalage, de Juanjo Giménez Peña
Désynchronisation. Quand on est ingénieure du son, et que l’on s’aperçoit que l’on commence à perdre la synchronisation, la vie bascule. C’est ce qui arrive à celle qui est prénommée « C. ». Elle perçoit le son en retard de quelques secondes par rapport aux images qu’elle voit. Cette « dyssyncrhonie sonore » l’oblige à quitter son travail, et à changer totalement de vie. Porté par la formidable interprétation de Marta Nieto, que l’on avait déjà vue et appréciée dans Madre (2019), de Rodrigo Sorogoyen, En Décalage traite de l’univers sonore, un sujet peu souvent traité au cinéma. La désynchronisation autorise de jolies trouvailles, que ce premier long-métrage du producteur espagnol Juanjo Giménez Peña exploite avec réussite, même si on aurait aimé qu’il aille encore plus loin dans le déséquilibre.
En Décalage, de Juanjo Giménez Peña, avec Marta Nieto, Mini Esparbé, Fran Lareu (ESP, 2022, 1 h 44), N.C. euros (DVD), N.C. euros (Blu-ray). Sortie le 7 décembre 2022.
Les années new wave 1978-1983, de Jean-Daniel Beauvallet
Manchester. Ce mois-ci, l’ex-rédacteur en chef des Inrocks, Jean-Daniel Beauvallet nous propose une plongée dans la période post-punk. L’effervescence musicale qui a succédé au mouvement punk méritait ce livre. Jean-Daniel Beauvallet décrypte ce que la new wave, qui a donc succédé au punk, a apporté à l’histoire de la musique entre 1978 et 1983. De Manchester avec Joy Division, à The Cure ou aux Clash, ce livre retrace cette période qui fut « autant un laboratoire de recherche qu’une fête illimitée. Constamment en mouvement, elle servit ainsi de trait d’union entre les avant-gardes radicales et les fêtards du disco ou du hip-hop naissant » rappelle l’auteur. Alors qu’il a vécu à Manchester au début des années 1980, Jean-Daniel Beauvallet évoque ses souvenirs et apporte un précieux témoignage, à dévorer sans modération.
Les années new wave 1978-1983, de Jean-Daniel Beauvallet (GM éditions), 224 pages, 29 euros.
Le Livre d’Ebenezer Le Page, de Gerald Basil Edwards
Guernesey. Grâce à Monsieur Toussaint Louverture, l’auteur britannique Gerald Basil Edwards (1899-1976) est à l’honneur en ce mois de novembre 2022. Unique œuvre signée de Gerald Basil Edwards, Le livre d’Ebenezer Le Page déroule sur plus de 600 pages le regard de cet écrivain sur l’île de Guernesey à la fin du XIXème siècle. Né sur cette île, il déploie dans cet ouvrage une autobiographie dans laquelle il mélange le réel et l’imaginaire pour raconter sa solitude, sa nostalgie, mais aussi sa famille, et ce qui constitue ses racines. Adapté à la radio et au théâtre, Le Livre d’Ebenezer Le Page est à découvrir, ou à redécouvrir, dans une superbe édition très soignée, à ne pas rater en cette fin d’année 2022.
Le Livre d’Ebenezer Le Page, de Gerald Basil Edwards (Monsieur Toussaint Louverture), traduit de l’anglais (Angleterre) par Janine Hérisson, 608 pages, 11,99 euros (livre numérique), 13,50 euros (livre « papier »).
Etienne Daho, A Secret Book, de Sylvie Coma
Parcours. Ex-grand reporter à RFI et à France Inter et directrice adjointe de la rédaction de Charlie Hebdo, Sylvie Coma est aussi une proche d’Etienne Daho. Cette réelle proximité qui remonte aux années lycée, permet à Sylvie Coma de retracer le parcours de Daho en textes et en images bien choisies : depuis sa naissance à Oran (Algérie) le 14 janvier 1956, et son départ pour rejoindre Rennes en 1964, jusqu’à l’enregistrement de ce qui constitue, pour le moment, son dernier album, Blitz, en 2018. A Secret Book évoque aussi les rencontres de Daho, celles qui l’ont forgées, notamment Jane Birkin, Jeanne Moreau, ou Saint Etienne. Et puis, il est question des villes, comme Londres ou New York, qui ont marqué le parcours de celui qui a donné un mémorable concert à la salle Garnier de l’opéra de Monte-Carlo, le 1er août 2018, à l’occasion de son Blitz Tour. Riche et passionnant, c’est le cadeau idéal pour Noël.
Etienne Daho, A Secret Book, de Sylvie Coma (Éditions La Martinière), 384 pages, 49,90 euros.
La symphonie de la peur, de Gus Bofa
1937. Gustave Blanchot (1883-1968) est un illustrateur français plus connu sous le nom de Gus Bofa. En 1937, il a publié La symphonie de la peur, qui constitue « l’un des derniers sommets de l’âge d’or du livre illustré français » assure l’éditeur de ce livre, Cornélius, tout en évoquant une génération d’illustrateurs « inventifs et talentueux », comme Chas Laborde (1886-1941), Daragnès (1886-1950), ou Lucien Boucher (1889-1971), dont les noms « ne parlent plus à grand monde aujourd’hui ». La cause ? « Brisés dans leur trajectoire par l’effondrement du marché de la bibliophilie, ils ont disparu des mémoires, en laissant derrière eux des œuvres qui surpassent en modernité bien des productions actuelles », ajoute cet éditeur. Imaginé dans un contexte de crises économiques et de guerres, ce roman graphique évoque en 40 illustrations un monde sombre et sans espoir. La symphonie de la peur est toujours aussi beau et, hélas, terriblement actuel.
La symphonie de la peur de Gus Bofa (Cornélius), 104 pages, 32,50 euros.
Work-Life-Balance, de Aisha Franz
Travail. Anita, Rex et Sandra ont des objectifs. Quelques rêves aussi. Notamment celui de parvenir à s’insérer dans un monde du travail de façon agréable, en misant, par exemple, sur un métier artistique ou sur une start-up branchée et innovante. Le tout, en conservant une véritable qualité de vie. Mais leurs rêves vont s’abîmer sur le mur d’une réalité moins glamour que prévu. Victimes de “bore-out”, donc d’un syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui, ils sont aidés par le docteur S. Sharifi, une psy aux méthodes (très) peu conventionnelles. Pour sa quatrième bande dessinée, Aisha Franz traite des jeunes et de la sphère professionnelle, avec recul et ironie. La première BD d’Aisha Franz, Alien (2011) a été publiée aux éditions Reprodukt, avant d’être traduite en français chez Çà et Là, sous le titre Petite Terrienne. Avec Work-Life-Balance, 11 ans après, elle manie toujours brillamment humour, intelligence du récit, et réflexion.
Work-Life-Balance de Aisha Franz (L’Employé du Moi), 256 pages, 22 euros.
Wish (réédition, 30ème anniversaire), The Cure
Bonus. Depuis le 6 octobre 2022, The Cure s’est lancé dans une tournée européenne. Alors qu’au moins un nouvel album, et peut-être deux, est ou sont attendu(s) en 2023, Robert Smith propose une redécouverte de Wish. Sorti en 1992, le 9ème disque de ce groupe anglais, fête donc ses 30 ans. Pour l’occasion, les 12 titres de cet album ont été remasterisés par Robert Smith et Miles Showell dans les studios d’Abbey Road. Les fans s’intéresseront surtout aux bonus, avec notamment 24 chansons jamais publiées, la plupart instrumentales. Quatre titres n’étaient auparavant disponibles que sur Lost Wishes (1993), une cassette d’une durée d’un peu plus de 18 minutes, enregistrée en 1991 pendant les sessions de Wish. Il s’agit de Uyea Sound, Cloudberry, Off to Sleep…, et The Three Sisters. Incontournable.
Wish (réédition, 30ème anniversaire, édition Deluxe limitée), The Cure (UMC/Polydor), 9,99 (CD, édition standard), 18,99 (CD édition limitée), 31,99 euros (vinyle, édition standard). Sortie le 25 novembre 2022.
B-Sides & Rarities (édition Deluxe), PJ Harvey
Coffret. Après Robert Smith et The Cure qui jettent un coup d’œil dans le rétroviseur avant la sortie d’un très attendu nouvel album, voici PJ Harvey qui nous gratifie d’un très bel objet. Intitulé B-Sides & Rarities, ce coffret propose 59 titres à retrouver, c’est au choix, sur six vinyles ou sur trois CD, avant d’être prochainement disponibles au format numérique. Depuis 1992 et la sortie de son premier disque, Dry, PJ Harvey a publié un total de onze albums. Ce coffret est donc l’occasion de réécouter ses meilleures compositions, notamment à travers les albums Rid of Me (1993) ou Stories From the City, Stories From the Sea (2000). Mais aussi de nouvelles versions de titres existants, ainsi que des chansons inédites, accompagnées de photos jamais publiées de ces trente dernières années. Indispensable.
B-Sides & Rarities (édition Deluxe), PJ Harvey (Island), 22,99 euros (CD), 135,99 euros (vinyle, édition limitée).
Precipice Fantasy Part. I, de Koudlam
Pop. L’attente aura été longue, huit ans exactement, mais elle est récompensée. Depuis Benidorm Dream (2014), on attendait un disque de l’artiste pluridisciplinaire qu’est Qwenaël Navarro, alias Koudlam. Un communiqué de presse assure que ce silence lui a permis de « se consacrer principalement à l’ornithologie et à l’étude des primates, pour retrouver un semblant d’équilibre mental ». On n’est pas obligé de le croire. En juillet 2022, premier sursaut. Koudlam a publié My Church, qui constitue le tout premier extrait, très pop, de son nouvel album, Precipice Fantasy Part.I. En 12 titres très électro, Koudlam rappelle combien il sait être à la fois précis et efficace. Le second extrait de ce disque, Precipice Fantasy, est un tube évident. Dès la première écoute, il fascine. Depuis 2006, date de son premier album autoproduit, Nowhere, Koudlam a parcouru beaucoup de chemin. Le « part one » de ce Precipice Fantasy annonce une suite. On a hâte.
Precipice Fantasy Part. I, Koudlam (Pan European Recording), 13,99 euros (CD), 24,99 euros (vinyle).