Ma vie avec John F. Donovan

de Xavier Dolan

Correspondance. Rupert Turner (interprété par Jacob Tremblay, puis par Ben Schnetzer) est acteur. Il est jeune. Il vient de publier la correspondance qu’il a entretenue alors qu’il était enfant avec la star d’une série télévisée américaine, John F. Donovan, mort depuis 10 ans. Interrogé par une journaliste, Rupert Turner se livre et raconte. On retrouve dans Ma vie avec John F. Donovan une bonne partie des thèmes que Xavier Dolan a déjà abordé dans ses films précédents, notamment les relations mères-fils et l’utilisation de titres pop en guise de bande son. Si la fraîcheur et la spontanéité des débuts ne jouent plus vraiment, il reste tout de même un film agréable, même si on peut lui reprocher d’être, peut-être, trop explicatif.

Ma vie avec John F. Donovan de Xavier Dolan, avec Kit Harington, Natalie Portman, Jacob Tremblay (CAN, 2019, 2h03), 19,99 euros (blu-ray), 19,99 euros (DVD).

Wardi

de Mats Grorud

Beyrouth. Le film de marionnettes Wardi a été créé dans le studio français Foliascope et le résultat est bluffant. Le réalisateur norvégien Mats Grorud raconte le parcours de Wardi, une jeune réfugiée palestinienne qui vit dans le camp beyrouthin de Bourj El-Barajneh. Grorud connaît bien le sujet, puisque sa mère était infirmière là-bas dans les années 80, et il a lui-même donné des cours d’anglais, après avoir fréquenté l’université américaine de Beyrouth. Chassée de son village en 1948, suite à la création de l’Etat d’Israël, la famille de Wardi vit dans un camp. Malade et comprenant qu’il ne reverra jamais sa maison, Sidi, le grand-père de Wardi, lui confie sa clé. Bouleversée, la petite fille va tout faire pour tenter de lui redonner un peu de joie de vivre. Poétique et sensible, ce film est porté par son aspect visuel, loin des blockbusters de l’animation américains.

Wardi de Mats Grorud, avec Pauline Ziade, Aïssa Manga, Saïd Amadis (NOR-FRA-SUE, 2019, 1h20), 19,99 euros (DVD seulement,pas de sortie blu-ray). Sortie le 1er octobre 2019.

Her Job

de Nikos Labôt

Domination. Panayiota (Marisha Triantafyllidou), 37 ans, n’a pas beaucoup fréquenté l’école. Elle ne sait pas lire et s’est mariée jeune. Elle se consacre intégralement à son mari Kostas (Dimitris Imellos) et à ses deux enfants. Contrainte de travailler, elle décroche un poste de femme de ménage dans un centre commercial. Si, là encore, elle se trouve enfermée dans une relation de domination et de subordination, peu à peu, elle va trouver des espaces de liberté et d’apprentissage. Lentement, presque imperceptiblement, Nikos Labôt parvient à filmer le glissement qui s’opère chez Panayiota. Inspiré d’une histoire vraie, Her Job met en scène le très lent processus de libération d’une femme, dans un univers qui la condamnait à l’asservissement le plus total.

Her Job de Nikos Labôt, avec Marisha Triantafyllidou, Dimitris Imellos, Konstantinos Gogoulos (GRE-FRA-SER, 2019, 1h30), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie blu-ray). Sortie le 1er octobre 2019.

Alpha -The Right to Kill

de Brillante Mendoza

Drogue. A Manille, on ne rigole pas avec la lutte antidrogue. Dans ce contexte, pas étonnant de voir un policier faire équipe avec un ancien truand devenu indic pour s’attaquer à un baron de la drogue. La corruption est partout, la violence aussi. Brillante Mendoza filme sa ville caméra à l’épaule, de façon nerveuse, voire fiévreuse. Ce film a été tourné alors que le président Rodrigo Duterte, élu en 2016, entrait dans sa deuxième année de politique d’élimination physique des trafiquants de drogue. Le pouvoir évoque 7 000 victimes, des associations estiment que plus de 14 000 personnes ont péri dans cette lutte sanglante. Si le film est efficace, on notera que Brillante Mendoza se garde bien d’adopter un point de vue par rapport au pouvoir en place.

Alpha – The Right to Kill de Brillante Mendoza avec Allen Dizon, Elijah Filamor, Angela Cortez (PHIL, 2019, 1h34), 14,99 euros (DVD seulement, pas de sortie blu-ray). Sortie le 15 octobre 2019.

Zébu Boy

d’Aurélie Champagne

Initiatique. Pour son premier roman, la Française d’origine malgache, Aurélie Champagne, évoque l’insurrection de 1947. La répression sera violente dans la colonie française de Madagascar, au large des côtes africaines de l’océan Indien, puisqu’elle fera plusieurs dizaines de milliers de morts. Si elle n’a pas vécu ces événements, Aurélie Champagne s’est documentée. Et elle a choisi de s’appuyer sur une fiction, racontée par Ambila, alias Zébu Boy, pour construire ce livre. Si le zébu est l’emblème de Madagascar, il fait aussi écho au caractère de guerrier développé par Ambila, capable de se battre pour assurer sa survie. Davantage tourné vers la quête initiatique que vers le roman historique, ce Zébu Boy est une véritable réussite.

Zébu Boy d’Aurélie Champagne (Monsieur Toussaint Louverture), 256 pages, 19,90 euros.

Techno Rebels – Les pionniers de la techno de Detroit

de Dan Sicko

« Bible ». « La techno relève de l’individu – l’individu et ses enchevêtrements avec la technologie. » C’est Dan Sicko (1969-2011) qui parle. Ce journaliste et écrivain américain a écrit notamment pour Rolling Stone, Wired ou Urb et il a créé le magazine Reverb. Mais c’est avec ce livre publié en 1999 qu’il a assis sa notoriété. Souvent présenté, et à juste titre, comme « la bible de la techno », Techno Rebels est une fascinante plongée extrêmement bien documentée dans l’univers de cette musique électronique, dont l’émergence s’est déroulée à Detroit. Dan Sicko évoque les pères du son techno, Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson, tout comme il s’intéresse au son allemand, développé notamment par Kraftwerk.

Techno Rebels – Les pionniers de la techno de Detroit de Dan Sicko (Allia), 240 pages, 15 euros.

Ecrits stupéfiants – Drogues et Littérature de Homère à Will Self

de Cécile Guilbert

Toxicorama. L’anthologie décalée de la semaine nous est proposée par Cécile Guilbert. C’est un véritable toxicorama qu’elle nous livre, divisé en quatre parties : Euphorica (opium, morphine, héroïne), Phantastica (cannabis, plantes divinatoires, peyotl et mescaline, champignons hallucinogènes, LSD), Inebriantia (éther, solvants), Excitantia (cocaïne et crack, amphétamines, ecstasy, GHB). En 1 440 pages et plus de 300 textes signés par 220 auteurs, Cécile Guilbert revisite une bonne partie de l’histoire littéraire à travers le prisme de substances diverses et variées. Qu’ils aient écrits sur la drogue, aient été sous son influence (ou les deux), la somme d’écrivains cités dans ce livre est vertigineuse. Burroughs, Malraux, Artaud, Allan Poe, Michaux… Cette « histoire parallèle de la littérature » revendiquée par Céline Guilbert est à la fois érudite et très documentée. Et donc à ne rater sous aucun prétexte.

Ecrits stupéfiants – Drogues et Littérature de Homère à Will Self de Cécile Guilbert (Robert Laffont/Bouquins), 1 440 pages, 32 euros.

L’été dernier

de Paolo Cattaneo

Italie. L’été est derrière nous, mais l’auteur italien Paolo Cattaneo n’en a pas tout à fait fini avec la torpeur estivale. Il s’intéresse au quotidien d’une bande de jeunes dans les années 90, quelque part en Italie. Alessandro, Daniele, Benny, Christian et Titti, cinq adolescents de 15 ans, découvrent un camion renversé dans une forêt. Le mystère et l’excitation grandissent lorsque la petite bande découvre que ce camion a été transformé en un camp et que quelqu’un vit sur place. Oui, mais qui ? Et puis, comment a-t-il survécu et que fait-il ici ? C’est à cela, et même un peu plus, que ce groupe d’amis va chercher à répondre dans cette passionnante et très jolie BD.

L’été dernier de Paolo Cattaneo (Misma) 208 pages, 20 euros. Sortie le 4 octobre 2019.

Formica, une tragédieen trois actes

de Fabcaro

Famille. Le toujours très drôle Fabcaro est de retour. Après Open Bar – 1re tournée (2019), il s’intéresse à un repas de famille qui frise avec la tragédie. En conservant une même unité de temps et de lieu, Fabcaro explore tous les travers d’une famille moyenne. Les enfants tuent le temps en jouant « au jeu des 7 familles dysfonctionnelles » pendant que les adultes cherchent ce qu’ils pourraient bien se dire, en essayant, plus ou moins vainement, d’éviter la politique et les sujets racistes. Quand on s’est tout dit dans un repas de famille que l’on a déjà vécu 1 000 fois et qu’on ne s’apprécie pas forcément, que faire ? Pour le savoir, plongez-vous vite dans cette hilarante BD.

Formica, une tragédie en trois actes de Fabcaro (éditions 6 Pieds sous terre), 64 pages, 13 euros.

Lost Girls

Bat For Lashes

Grâce. Revoilà Natasha Khan. Après The Bride (2016), on avait un peu perdu sa trace, que l’on a fini par retrouver du côté de Los Angeles, où cette Anglaise a enregistré ce nouveau disque. Construit autour de l’électro-pop des années 1980 et de la voix planante de Natasha Khan, Lost Girls recèle quelques titres qui marquent dès la première écoute. On pense, par exemple, à The Hunger, mais aussi à Feel for You, ou encore à l’excellent So Good. Le titre Kids in the Dark est d’une sidérante grâce, faisant de ce cinquième album de Bat For Lashes un voyage pendant lequel on traverse avec bonheur une série d’univers étonnants et poétiques. Que demande de plus ?

Lost Girls, Bat For Lashes (AWAL Recordings/PIAS), 14,99 euros (CD), 19,99 euros (vinyle).

The Talkies

Girl Band

Hurlements. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne manquent pas d’énergie. Après Holding Hands With Jamie (2015), les Dublinois de Girl Band sortent leur deuxième album. Appuyé par les guitares d’Alan Duggan, la basse de Daniel Fox et la batterie d’Adam Faulkner, The Talkies doit aussi à la voix enragée du chanteur Dara Kiely. Leur style est singulier, avec une absence de mélodies, des guitares détraquées et les hurlements d’un chanteur littéralement possédé. Quant à la batterie, elle rappelle les meilleurs morceaux d’électro des Chemical Brothers, des artistes que Gild Band revendiquent d’ailleurs comme influence majeure. Ecouter The Talkies est une véritable expérience sonore à laquelle il faut absolument s’adonner.

The Talkies, Girl Band (Rough Trade Records/Wagram), 11,99 euros (CD), 18,99 euros (vinyle). Sortie le 27 septembre 2019.

Immanent Fire

Emily Jane White

Envoûtant. Fidèle au label bordelais Talitres, Emily Jane White publie chez eux son sixième album. Depuis ses débuts en 2008 avec le très bon disque Dark Undercoat, cette chanteuse et compositrice née en 1982 à San Francisco n’en finit pas de séduire par la beauté et la noirceur de ses morceaux. Son nouveau disque, Immanent Fire, s’inscrit dans cette lignée, avec des titres aussi ténébreux qu’envoûtants. Le single Light est d’une beauté totale : interprété au piano, il est magnifié par la voix, aussi fragile qu’aérienne, d’Emily Jane White. L’émotion est palpable, comme souvent dans l’univers vulnérable et tourmenté de cette artiste qu’il ne faudra pas rater lors de son passage en France. Ce sera le 11 décembre 2019 au Grand Mix à Tourcoing, et le 12 décembre 2019 aux Etoiles, à Paris.

Immanent Fire, Emily Jane White (Talitres), 23 euros (vinyle).