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Culture Sélection de novembre 2020

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Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et albums.

Dans un jardin qu’on dirait éternel De Tatsushi Omori

Poésie. La cérémonie du thé comme une philosophie de la vie, vue depuis Yokohama par Noriko et sa cousine Michiko. C’est ce que propose le très beau Dans un jardin qu’on dirait éternel. Initiées par madame Takeda, une austère et exigeante professeure, Noriko et Michiko vont vivre cette expérience différemment. Tatsushi Omori suit surtout Noriko, et montre comment elle commence à percevoir le sens du temps et des saisons, et donc de son existence, autrement. Peu à peu, entre monde moderne et poésie de la vie, Noriko bascule. Inspiré du livre de Noriko Morishita, La cérémonie du thé ou comment j’ai appris à vivre le moment présent (Marabout, 2019), ce long-métrage marque aussi la dernière apparition de Kirin Kiki, véritable icône du cinéma japonais, morte en 2018 à 75 ans.

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Dans un jardin qu’on dirait éternel de Tatsushi Omori, avec Kiki Kirin, Haru Kuroki, Mikako Tabe (JAP/1h40/2020), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 1er décembre 2020.

La Femme des steppes, le flic et l’œuf De Quan’an Wang

Steppes. Lorsqu’une femme est retrouvée assassinée quelque part dans la steppe mongole, c’est un jeune policier que l’on envoie pour assurer une veille toute une nuit. Une bergère solitaire, interprétée par Dulamjav Enkhtaivan, une vraie bergère mongole, vient aider ce jeune flic, transi de froid. Peu à peu, c’est elle qui devient le véritable sujet du septième long-métrage de Quan’an Wang, qui ne s’intéresse finalement qu’assez peu à la résolution de ce meurtre. Au-delà du polar, le réalisateur du Mariage de Tuya (2006), Ours d’or à Berlin en 2007, livre davantage une réflexion sur le rapport de l’homme à la nature et sur la place qu’il occupe sur Terre. Le tout est magnifié par des plans d’une beauté à couper le souffle.

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La Femme des steppes, le flic et l’œuf de Quan’an Wang avec Dulamjav Enkhtaivan, Aorigeletu, Norovsambuu Batmunkh (MON/1h40/2020), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 1er décembre 2020

Enragé De Derrick Borte

Méchant. Rachel n’aurait pas dû klaxonner cette voiture qui ne démarrait pas au feu rouge. En retard pour conduire son fils à l’école, c’est pourtant ce qu’elle fait. Refusant de s’excuser, elle s’aperçoit qu’elle est suivie par ce conducteur désormais furieux. Ne cherchez plus, le plaisir coupable du moment se trouve ici. Privés de gros films hollywoodiens pour cause de pandémie de Covid-19, on peut donc se rabattre sur Enragé, qui est en partie sauvé par la prestation de Russel Crowe. Seule condition : éviter de penser à Duel (1971) de Steven Spielberg, et se laisser aller sans se poser de questions. Enragé est un pur divertissement, une série B qui offre pour seul point d’attraction un rôle de méchant magnifique à un Russel Crowe absolument déchaîné.

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Enragé de Derrick Borte, avec Russel Crowe, Caren Pistorius, Gabriel Bateman (USA/1h30/2020), 14,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 19 décembre 2020.

Effacer l’historique De Gustave Kervern et Benoît Delépine

Absurde. Tout droit venus du Groland, les désormais sexagénaires Gustave Kervern et Benoît Delépine sont de retour avec un neuvième long-métrage. Effacer l’historique épingle les dérives des Google, Amazon, Facebook, Apple, et Microsoft (Gafam). Pour cela, ils mettent en scène trois gilets jaunes victimes des Gafam, interprétés par Blanche Gardin, Corinne Masiero et Denis Podalydès. Mais pas question de se laisser faire. Le trio décide de s’attaquer aux géants américains du numérique, et n’hésitent pas pour cela à s’envoler pour San Francisco ou pour l’Irlande, et à faire le siège des data centers qui abritent leurs données personnelles. La bataille sera bien sûr absurde, au même titre que nos vies numériques, désormais en partie guidées par des algorithmes.

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Effacer l’historique de Gustave Kervern et Benoît Delépine, avec Blanche Gardin Denis Podalydès, Corinne Masiero (FRA-BEL/1h46/2020), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (blu-ray). Sortie le 28 décembre 2020.

Depeche Mode by Anton Corbijn d’Anton Corbijn

Précieux. Vu le prix de l’objet, 750 euros, c’est une édition collector réservée aux fans de Depeche Mode les plus irréductibles que s’adresse Taschen. Ce livre de près de 6 kg compile plus de 500 photos, la plupart inédites, sorties des archives du talentueux photographe et réalisateur néerlandais, Anton Corbijn. Présent lors des tournages de clips comme Enjoy the Silence (1990) ou Personal Jesus (1989), Corbijn a été de tous les voyages, que ce soit à Hambourg, Madrid, Prague, Marrakech, ou dans le désert californien. Souvent prises sur le vif, ces photos capturent des moments rares dans l’intimité de ce groupe, composé de Dave Gahan, Martin Gore, Andrew Fletcher et Alan Wilder, qui a quitté Depeche Mode en 1995. Ce livre offre aussi une multitude d’images prises lors des tournées mondiales depuis 1988. Cher, mais précieux.

Depeche Mode by Anton Corbijn d’Anton Corbijn (Taschen), édition collector (numéros 201 à 1 986), signée par Anton Corbijn, Dave Gahan, Martin Gore et Andrew « Fletch » Fletcher, 512 pages, 750 euros.

Les filles mortes ne sont pas aussi jolies D’Elizabeth Little

Cinéma. Noir, c’est noir. Et Elizabeth Little le sait sans doute mieux que quiconque. Dans son nouveau roman, il n’y a pas que le titre qui est accrocheur. Fan de cinéma, une trentenaire monteuse à Hollywood associe chaque sensation et moments de sa vie à un extrait de film. Lorsqu’elle se retrouve sur le tournage d’un film dirigé par un réalisateur-tyran, elle sait que l’expérience sera douloureuse, sans doute quelque-chose situé entre Apocalypse Now (1979) et Shining (1980). Surtout que le film en question retrace l’histoire vraie de l’assassinat resté mystérieux d’une jeune héritière, au début des années 2000. Après l’excellent Les Réponses (Sonatine, 2016), Elizabeth Little récidive, en se réappropriant intelligemment les codes du roman noir. Une réussite.

Les filles mortes ne sont pas aussi jolies d’Elizabeth Little (Sonatine), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony, 350 pages, 22 euros.

American Dirt De Jeanine Cummins

Fort. Alors bien sûr, il y a eu la polémique. Accusée de ne pas être « suffisamment mexicaine » pour traiter le sujet sensible de l’immigration forcée et violente, Jeanine Cummins a été vivement critiquée pour son livre, par ailleurs très bon, American Dirt. Ce roman raconte l’histoire d’une libraire de Mexico et de son fils contraints à la fuite aux Etats-Unis, car ils sont la cible d’un dangereux cartel. Un cartel sur lequel enquêtait le mari de cette libraire. Le débat sur l’appropriation culturelle faisant rage aux Etats-Unis, une partie de la critique américaine n’a pas supporté que Jeanine Cummins se mette dans la peau d’une clandestine, sans en avoir été une. Cummins a donc dû présenter ses excuses et mettre en avant un grand-père portoricain. Mais, au-delà de cette polémique, American Dirt est un superbe récit sur l’exil, aussi fort que déchirant.

American Dirt de Jeanine Cummins (Philippe Rey), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Françoise Adelstain et Christian Auché, 544 pages, 23 euros.

#BalanceTaBulle Sous la direction de Diane Noomin

Réalité. C’est une véritable anthologie autour du hashtag « balance ton porc » qui est proposée par la directrice de cet ouvrage Diane Noomin. Une soixantaine d’autrices du monde entier ont répondu présent et évoquent sur plus de 270 pages les violences sexuelles qu’elles ont subies. Le sujet est sensible, mais il est traité avec intelligence et subtilité. Récompensé aux Etats-Unis par l’Eisner Award de la meilleure anthologie, #BalanceTaBulle contribue, à son tour, à libérer encore un peu plus la parole des femmes. Pendant que l’Anglaise Sabba Khan dessine un mur pour matérialiser le silence dans lequel son viol l’a emprisonné, l’Américaine Marian Henley utilise un tank qui lui roule dessus pour symboliser son violeur. Il faut lire #BalanceTaBulle pour ce que c’est : un très précieux document sur une réalité qu’il faut désormais affronter sans détourner le regard.

#BalanceTaBulle sous la direction de Diane Noomin (Massot Editions), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Samuel Todd, 272 pages, 28 euros.

L’Eclaireur

De Lynd Ward

Ecrin. Le romancier, peintre et auteur de BD Lynd Ward (1905-1985) est mis à l’honneur par Monsieur Toussaint Louverture à travers un magnifique coffret de plus de 1 400 pages, qui justifie largement son prix, 65 euros. Cet objet compile pour la première fois pour les pays francophones l’intégralité des romans graphiques de Lynd Ward. Sans paroles, les images de Ward sont suffisamment explicites. Certaines évoquent l’expressionnisme allemand, comme God’s Man (1929), notamment. Dans Vertigo (1937), Lynd Ward détaille en trois parties les effets de la crise économique des années 1930 sur une violoniste, un patron d’industrie et un jeune homme qui fuit son père. Dans Wild Pilgrimage (1932), Ward utilise le noir et blanc pour représenter la réalité et la couleur orange pour évoquer les fantasmes des protagonistes. Au total, impossible de passer à côté de cette œuvre majeure, surtout dans un si bel écrin.

L’Eclaireur de Lynd Ward (Monsieur Toussaint Louverture), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Charles Khalifa, 1 456 pages, 65 euros.

1995

Kruder & Dorfmeister

Autrichiens. Au milieu des années 1990, Peter Kruder et Richard Dorfmeister ont régné en maître sur la scène électro, signant par exemple de très efficaces remix de Depeche Mode. Notamment l’excellent et hypnotique mix de Useless (1997), issu de leur album The K&D Sessions (1998). Le duo s’est ensuite séparé pour mener des projets en solo. Depuis, les fans attendaient toujours la sortie d’un album composé de musiques originales. Il aura fallu patienter 25 ans, mais, ô joie : les deux Autrichiens ont remis la main sur des titres égarés, nous dit-on. On y croit ou pas, mais le plaisir de pouvoir écouter 1995 est en tout cas bien réel. En 15 titres, Kruder & Dorfmeister laissent derrière eux la nostalgie d’une époque révolue pour nous livrer un disque terriblement efficace. Incontournable.

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1995, Kruder & Dorfmeister (G-Stone Recordings), 19,95 euros (CD), 29,99 euros (vinyle).

Fires in Heaven

Salem

Witch. Il s’est écoulé dix ans depuis la sortie de l’album King Night (2010). Ce disque avait alors provoqué une véritable onde de choc dans l’univers witch house. A l’époque, Jack Donoghue, John Holland et la chanteuse Heather Marlatt s’étaient fait remarquer avec leur rap froid, aérien, sombre et électronique. Evidemment, en 2020, l’effet de surprise ne joue plus. Mais la trentaine de minutes de Fires in Heaven vaut le détour. Si le titre Sears Tower est aussi planant que possible, on a été séduit par des titres où le rythme prend le dessus, à commencer par Red River. La douceur de Starfall est incroyablement prenante et on vous conseille de ne même pas essayer de résister à cet hymne à la rêverie. On embarque tout de suite, et sans condition.

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Fires in Heaven, Salem (Salem/Decent Distribution), 21 euros (vinyle), 7,59 euros (MP3).

Monument

Molchat Doma

Rêve. On avait déjà évoqué le groupe biélorusse Molchat Doma dans Monaco Hebdo n° 1163 pour leur jolie performance du 7 février 2020 au Computer Museum de Ljubljana, à l’occasion du Ment festival, en collaboration avec le European Talent Exchange Programme (ETEP). Cette fois, ils sont de retour avec un nouvel album. Intitulé Monument, il fait suite à S krish nashih domov (2017) et à Etazhi (2018). Formé en 2017 à Minsk, Molchat Doma carbure donc à la vitesse de presque un album par an. La cold wave proposée dans leur langue natale par Egor Shkutko, Roman Komogortsev et Pavel ‘Pablo’ Kozlovsky est plus aboutie que jamais. Sur Discotheque, la synth-pop du trio rappelle un idéal de rêve gothique, tout droit sorti des années 1980. Le son électro très minimaliste lorgne aussi du côté des débuts de The XX, notamment sur le superbe titre Obrechen. On a aussi beaucoup aimé Udalil Tvoy Nomer et ses envolées électroniques. Monument est déjà une valeur sûre.

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Monument, Molchat Doma (Sacred Bones Records), 11 euros (CD), 14,35 euros (vinyle).

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