jeudi 25 avril 2024
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Culture Sélection de mars 2023

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Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées, et musique.

L’énergie positive des dieux, de Laetitia Møller

Rock. Dans le documentaire L’énergie positive des dieux, Laetitia Møller suit le quotidien de quatre jeunes autistes, Stanislas, Yohann, Aurélien et Kevin. Issus d’un institut médico-éducatif de la région parisienne, ils se sont lancés en 2010 dans un projet artistique. Aidés par l’éducateur et guitariste Christophe L’Huillier, ils ont décidé de fonder le collectif musical Astéréotypie. Cela a débouché sur la production d’un rock vitaminé, et des concerts donnés dans le cadre de festivals. Mieux encore, ils ont pu entrer en studio et réaliser deux albums. Pour rester au plus près de la réalité de ces jeunes, Laetitia Møller les filme, sans émettre le moindre commentaire. Au final, ce documentaire est aussi enthousiasmant que stimulant.
L’énergie positive des dieux, documentaire de Laetitia Møller (FRA, 2022, 1h10), 14,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 4 avril 2023.

Harka, de Lotfy Nathan

Printemps. Du 17 décembre 2010 à la mi-2012, une série de contestations populaires a embrasé une bonne partie des pays arabes. Appelé le « printemps arabe », en référence au « printemps des peuples » de 1848 ou au « printemps de Prague » de 1968, ce mouvement est scruté par Lotfy Nathan dans son premier long-métrage de fiction, Harka. Présenté à Un certain regard, à Cannes, en 2022, ce film raconte le parcours révolté et désabusé d’un vendeur d’essence à la sauvette. Ali (Adam Bessa) essaie de s’en sortir, dix ans après le printemps arabe, dans une Tunisie où la corruption n’est jamais loin. Entre film noir et film politique, Harka est inspiré par l’histoire de Mohamed Bouazizi, dont l’immolation en place publique a déclenché la révolution populaire tunisienne et le printemps arabe.
Harka, de Lotfy Nathan, avec Adam Bessa, Salima Maatoug, Ikbal Harbi, (LUX/TUN/BEL, 2022, 1 h 22), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 4 avril 2023.

Saint Omer, de Alice Diop

Marée. Le procès de Laurence Coly (Guslagie Malanda) se déroule à la cour d’assises de Saint-Omer, une petite ville du Pas-de-Calais. Cette mère de famille est accusée d’avoir assassiné sa fille de 15 mois, en la laissant en pleine marée montante, sur une plage du nord de la France. Rama (Kayije Kagame), une jeune romancière, assiste à ce procès, et voit ses convictions s’effriter au fil des témoignages qui s’égrènent. C’est le premier film de fiction de la documentariste Alice Diop, notamment remarquée pour son travail avec La Mort de Danton (2011), Vers la tendresse (2016), et Nous (2021). Pour Saint Omer, elle s’est inspirée du procès de Fabienne Kabou, qui avait abandonné son enfant sur la plage de Berck-sur-Mer, le 19 novembre 2013. Le film d’Alice Diop a emballé Venise, qui lui a décerné un Lion d’argent et un Lion du futur.
Saint Omer, de Alice Diop, avec Guslagie Malanda, Kayije Kagame, Valérie Dréville, Aurélia Petit, Robert Cantarella (FRA, 2022, 2 h 02), 19,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 4 avril 2023.

Fumer fait tousser, de Quentin Dupieux

Potache. Quentin Dupieux n’a décidément aucune limite. Dans Fumer fait tousser, il met en scène les « Tabac Force », une bande de justiciers affublée de jolis costumes colorés. Mis au repos, chacun à tour de rôle raconte des histoires qui font peur, au coin du feu. Ce film à sketchs revendique son non sens, son absurdité, et même un certain goût pour la débilité. Mais c’est aussi cela qui en fait un objet totalement libre, au sein duquel des stars du cinéma français s’amusent beaucoup. Quelque part entre l’humour de Canal+, à l’époque des Nuls et Bioman, Fumer fait tousser est un film aussi inventif que potache. On en redemande.
Fumer fait tousser, de Quentin Dupieux, avec Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Adèle Exarchopoulos, Benoît Poelvoorde, Blanche Gardin (FRA, 2022, 1 h 20), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 5 avril 2023.

Kafka Le temps des décisions

Kafka – tome I – Le temps des décisions, de Reiner Stach

Référence. C’est l’événement du moment. La trilogie biographique sur l’écrivain tchèque Franz Kafka (1883-1924), signée par Reiner Stach, dispose enfin d’une traduction française, et elle est disponible à Monaco et en France depuis peu. L’auteur allemand Reiner Stach est aussi docteur en littérature. Il a passé de longues années à travailler sur cette trilogie qui est parue en Allemagne sous la forme de trois tomes, entre 2002 et 2014. Il faudra patienter jusqu’à l’automne 2023 et le printemps 2024 pour la parution des deux autres tomes de cette biographie de référence. Extrêmement minutieux, très fouillé, cet ouvrage permet de mieux appréhender la solitude de Kafka, et de pénétrer autrement, et plus facilement, dans ses multiples œuvres. Bref, foncez chez le libraire le plus proche.
Kafka – tome I – Le temps des décisions, de Reiner Stach (Le Cherche-Midi), traduit de l’allemand par Régis Quatresous, 960 pages, 29,50 euros.

Tokyo Detective Jake Adelstein

Tokyo Detective, de Jake Adelstein

Yakuzas. Après Tokyo Vice, voici la suite des aventures de l’ancien journaliste d’investigation Jake Adelstein. Dans le premier tome, il a lutté contre un puissant parrain de la mafia japonaise. Dans Tokyo Détective, il délaisse le métier de journaliste pour celui de détective privé. Mais la tâche n’est pas nécessairement plus aisée, puisque, cette fois, il affronte des pseudos hommes d’affaires, qui sont en fait des yakuzas. Le récit se déroule en 2011, et lorsque survient la catastrophe nucléaire de Fukushima, le 11 mars 2021, Jake Adelstein perd ses repères et se met à douter. Tokyo Vice a été adapté en série télévisée par HBO, et la diffusion en France a été assurée par Canal+. Même si le récit a été romancé, il suit l’histoire vraie de Jake Adelstein, 53 ans, qui a été reporter au Yomiuri Shimbun de 1993 à 2005. Cet Américain est parvenu à infiltrer les yakuzas de Kabukicho, le quartier le plus chaud de la capitale, Tokyo.
Tokyo Detective, de Jake Adelstein (Marchialy), 400 pages, 23 euros.

La Femme silencieuse Sylvia Plath et Ted Hughes

La Femme silencieuse. Sylvia Plath et Ted Hughes, de Janet Malcolm

Transmission. L’écrivaine américaine Janet Malcolm (1934-2021) est née à Prague. En intégrant la rédaction du New Yorker en 1963, puis en publiant une dizaine de livres, dont Le Journaliste et l’assassin (1990), elle a connu le succès. Les éditions du Sous-Sol proposent une réédition de La Femme silencieuse, Sylvia Plath et Ted Hughes, un livre publié en 1994, qui est présenté comme une « méditation sur l’art de la biographie ». A travers la relation entre l’écrivaine et poétesse américaine Sylvia Plath (1932-1963) et le poète anglais Ted Hugues (1930-1998), Janet Malcolm imagine ce que devient l’œuvre d’un artiste après sa mort. Elle observe comment Ted Hugues, en tant qu’exécuteur testamentaire, a géré la question de la transmission de l’œuvre de son épouse, et le respect de son intimité. Que faut-il montrer, que faut-il cacher, à qui, et pendant combien de temps ?
La Femme silencieuse. Sylvia Plath et Ted Hughes de Janet Malcolm (Éditions du Sous-Sol), traduit de l’anglais (États-Unis) par Jakuta Alikavazovic. 239 pages, 22 euros.

Riviera Joann Sfar

Riviera, de Joann Sfar

Formidable. Né le 28 août 1971 à Nice, Joann Sfar s’est fait un nom dans le monde de la BD, avec Donjon (1998-2009) et Le Chat du rabbin (2002-aujourd’hui). Avec Riviera, Joann Sfar évoque donc un territoire qu’il connaît parfaitement bien. Ce roman graphique en noir et blanc de plus de 220 pages se déroule pendant la pandémie de Covid-19, entre Paris et Nice. Monsieur Formidable, pied-noir et juif, possède un restaurant à Paris qu’il tient avec son épouse. Le Covid le pousse à accepter un travail de transporteur de fonds, et notamment des petites coupures de loyers non déclarés, qu’il doit convoyer de Paris à Nice. En parallèle, on découvre le passé de Monsieur Formidable, pas toujours présentable, du côté de la promenade des Anglais et de la Riviera française. Entre les souvenirs d’un gentil voyou et sa rédemption, l’histoire imaginée par Joann Sfar captive.
Riviera de Joann Sfar (Sonatine), 228 pages, 17,99 euros (format numérique e-book), 24,90 euros (format « papier »).

Les Daronnes Yeong Shin Ma

Les Daronnes, de Yeong-shin Ma

Bagarre. C’est à partir des confessions de sa mère que Yeong-shin Ma a imaginé Les Daronnes. L’histoire est construite autour de Yeon-lee et de ses amies coréennes, la cinquantaine, et des parcours de vie parfois chaotiques, souvent douloureux. Avec un fils peu motivé à l’idée de quitter le cocon familial pour travailler, un patron opposé aux avancées sociales et aux syndicats, et un amant qui aime un peu trop les femmes et l’alcool, le quotidien de Yeon-lee est loin d’être facile. Mais pas question pour ces « daronnes » de baisser les bras. Au contraire. Elles se battent jusqu’au bout pour essayer d’être heureuses. Sans virer au tragique, sans tomber dans la résignation, Les Daronnes rend donc hommage à toutes ces femmes qui ne lâchent jamais. Même si la bagarre est aussi dure que sur la couverture de cette BD, qu’il faut absolument lire.
Les Daronnes, de Yeong-shin Ma (Oncle Atrabile, Hors collection), traduit du coréen par Hyonhee Lee, 368 pages, 25 euros.

Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume (or Simply, Hot Between Worlds), de Yves Tumor

Inventif. Le musicien américain Sean Bowie, qui enregistre sous le nom de Yves Tumor, est de retour avec un cinquième album aussi riche qu’inventif, dans lequel il s’amuse à déconstruire le rock. Après When Man Fails You (2015), Serpent Music (2016), Safe in the Hands of Love (2018), et Heaven to a Tortured Mind (2020), voici Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume (or Simply, Hot Between Worlds). Un titre à rallonge, pour un album produit par Noah Goldstein, et mixé par Alan Moulder, qui s’est notamment illustré pour la qualité de son travail avec Depeche Mode, Nine Inch Nails, Interpol, ou les Arctic Monkeys. Yves Tumor ne s’interdit rien, et cela, dès God Is a Circle, qui assure élégamment l’ouverture de ce disque hautement fréquentable.
Praise a Lord Who Chews but Which Does Not Consume (or Simply, Hot Between Worlds), Yves Tumor (Warp/Kuroneko), 9,99 euros (format numérique MP3), 18 euros (CD), 33 euros (vinyle).

Fantasy, de M83

Epique. Originaire d’Antibes, Anthony Gonzalez vient de livrer Fantasy, son neuvième album studio après M83, son tout premier disque sorti en 2001. Dans l’intervalle, il a connu le succès, notamment avec le double album Hurry Up, We’re Dreaming (2011), et le single Midnight City. M83 s’est aussi essayé au cinéma, en assurant avec succès la bande originale de Suburra (2015), l’excellent film de Stefano Sollima. Comme à son habitude, M83 déroule une pop épique, parfois grandiloquente, portée de temps à autre par la voix de l’Antibois, notamment sur Oceans Niagara. Dans Us And The Rest ou dans Radar, Far, Gone, la simplicité et l’émotion prennent le dessus. Prouvant, si besoin était, que le dépouillement et l’austérité peuvent parfois avoir du bon.
Fantasy, M83 (Virgin Records/Universal), 15,99 euros (CD), 29,99 euros (vinyle).

Cluster I, de Mioclono

Catalans. Le musicien et producteur catalan John Talabot (Oriol Riverola) a parcouru beaucoup de chemin depuis ƒIN, son premier album studio publié en 2012. Depuis, il a sorti The Night Land (2 017) dans le cadre du duo Talaboman qu’il forme avec le Suédois Axel Boman. C’était il y a déjà six ans, et depuis, ses fans attendaient de ses nouvelles. Avec le DJ Barcelonais Arnau Obiols, plus connu sous le nom de Velmondo, John Talabot a créé en 2016 un autre duo, qui officie cette fois sous le nom de Mioclono. Les deux hommes sont de vieilles connaissances, puisque Arnau Obiols est aussi impliqué dans le label Hivern Discs, créé en 2011 par Oriol Riverola. Cluster I est une réussite, notamment articulée autour de titres comme Acid Rain ou Fog and Fire. Quant au morceau Disobedience, il sonne comme un titre électro martial et hypnotique, qui captive dès la première écoute.
Cluster I, Mioclono (Hivern Discs), 9 euros (format numérique MP3 sur Bandcamp), 28 euros (vinyle).

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