mardi 19 mars 2024
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Culture Sélection de mai 2023

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Dans Culture Sélection, Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et musique.

Terrifier 2, de Damien Leone

Méchant. Le premier volet de Terrifier (2016) avait marqué les esprits. Le réalisateur américain Damien Leone s’est donc lancé dans une suite. On retrouve Art le clown (David Howard Thornton) toujours aussi cruel et inventif. Aucune explication sociale, politique, ou psychologique ne vient éclairer ce qui pousse Art le clown à être aussi méchant. Au passage, il sait être drôle, et on rit aussi beaucoup devant Terrifier 2. Ce personnage est issu d’un court-métrage de Damien Leone, The 9th Circle (2008), dans lequel Art fait une apparition. Un second court-métrage, Terrifier (2011), a fait de lui un personnage central, avant qu’il ne passe, avec une réussite remarquée, au long-métrage, en 2016. Avec une économie de moyens, 35 000 dollars pour le premier volet et environ 220 000 dollars pour la suite grâce à un crowdfunding, Terrifier 2 est aussi brutal que jouissif.
Terrifier 2 de Damien Leone, avec Lauren LaVera, David Howard Thornton, Jenna Kanell (USA, 2023, 2h18), 14,99 euros (DVD), 59,99 euros (Blu-ray 4K, Terrifier 1 & 2 édition collector limitée steelbook).

Tár, de Todd Field

Cancel. Lydia Tár est une brillante cheffe d’orchestre. Elle est aussi géniale qu’abusive, parfois, dans ses rapports aux autres. Elle possède une forme de pouvoir, dérape, et tombe dans l’excès. Lorsque l’une de ses ex-protégées se suicide, c’est la vie de Lydia Tár qui bascule avec. Que valent l’art et le pouvoir quand ils sont confrontés à la “cancel culture” et aux réseaux sociaux ? Récompensée par un Golden Globe et un prix à la Mostra de Venise, l’interprétation de Cate Blanchett est vertigineuse. Todd Field dresse un portrait de femme complexe, car protéiforme. Après In the Bedroom (2001) et Little Children (2006), Todd Field signe son troisième film, après une carrière d’acteur qui lui a notamment permis de jouer dans Eyes Wide Shut (1999) de Stanley Kubrick (1928-1999). Avec Tár, il signe l’un des plus beaux films de l’année 2022.
Tár de Todd Field, avec Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant (USA/ALL, 2022, 2h38), 19,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray), 40,99 euros (Blu-ray 4K). Sortie le 31 mai 2023.

Inu-Oh, de Masaaki Yuasa

Moine-biwa. Tomona est aveugle. Ce fils de pêcheur devient moine-biwa, joueur de luth itinérant. Un jour, il rencontre à Kyoto lnu-oh, un être difforme qui se cache. Ils créent un duo musical et partent sur les routes pour montrer leurs talents de ville en ville. Fils d’un directeur de troupe nô, Inu-oh voit son corps prendre une forme plus humaine à chaque nouvelle danse qu’il exécute. Ce film d’animation japonais est construit autour de passages musicaux qui offrent une énergie folle, et pendant lesquels Masaaki Yuasa laisse libre cours à son talent graphique. Après Lou et l’île aux sirènes (2017) et Ride Your Wave (2019), Masaaki Yuasa, 57 ans, adapte un récit historique, d’après le roman Le Roi chien (2021), d’Hideo Furukawa. Inu-Oh plonge le spectateur dans un bouillonnement des sens permanent, auquel il est très largement recommandé de s’abandonner sans résister.
Inu-Oh de Masaaki Yuasa, avec Rémi Caillebot, Avu-Chan, Maxime Donnay (JAP, 2022, 1h38), 19,99 euros (DVD), 24,99 euros (Blu-ray), 44,99 euros (Blu-ray collector). Sortie le 14 juin 2023.

Aftersun, de Charlotte Wells

Secrets. C’est dans un hôtel-club de la côte turque que Sophie (Frankie Corio), 11 ans, a vécu les derniers moments avec son père, Calum (Paul Mescal), alors âgé d’une trentaine d’années. Les années 1990 sont loin, désormais. Vingt ans plus tard, Sophie se replonge dans ces images tournées en vidéo, afin d’essayer de mieux comprendre le pourquoi de cette disparition. Avec le recul, malgré le bonheur apparent, quelque chose ne va pas. « Je ne m’imagine pas à 40 ans. Je m’étonne déjà d’être arrivé à 30 », glisse Calum à son professeur de plongée. Aftersun est le premier film de la réalisatrice écossaise Charlotte Wells. Récompensé au festival de Deauville, ce film révèle peu à peu ses secrets, sans se livrer totalement. Doux et subtil, ce long-métrage sensible est magnifié par l’interprétation impeccable de Frankie Corio et Paul Mescal.
Aftersun de Charlotte Wells, avec Paul Mescal, Frankie Corio, Celia Rowlson-Hall (GB/USA, 2022, 1h42), 19,99 euros (combo Blu-ray-DVD). Sortie le 14 juin 2023.

Les portes du paradis Taleb Alrefai

Les Portes du paradis, de Taleb Alrefai

Koweït. Yacoub est un patron koweïtien qui a, sur le papier, tout pour être heureux : une femme, des enfants, et un métier prenant. Mais lorsque son plus jeune fils, Ahmed, fait une fugue pour rejoindre un groupe ­djihadiste en Syrie, la vie de Yacoub vacille, et ses certitudes avec. Alors que cela ne lui est jamais arrivé auparavant, il est séduit par une autre femme, Farnaz. Cette jeune employée iranienne a vu le jour au Koweït, mais elle ne bénéficie d’aucun des droits dont jouit la population de ce pays. A partir d’une cartographie limitée à quelques personnages, l’écrivain koweïtien Taleb Alrefai raconte la société koweïtienne et ses contradictions, dans un roman qu’il faut lire absolument.
Les Portes du paradis, de Taleb Alrefai, traduit de l’arabe (Koweït) par Luc Barbulesco (Actes Sud), 320 pages, 17 euros (format numérique), 22,80 euros (format « papier »).

Le Cahier interdit Alba de Cespédes

Le Cahier interdit, de Alba de Cespédes

Rome. Ce mois-ci, les éditions Gallimard rééditent Le Cahier interdit, un roman de la romancière italo-cubaine Alba de Cespédes (1911-1997). A Rome, dans les années 1950, Valeria Cossati achète un petit carnet noir, dans lequel elle couche ses sentiments et ses interrogations sur le monde qui l’entoure. Au fil du temps, ce petit carnet noir devient le vecteur de l’émancipation de cette femme issue de la classe moyenne, qui vit enfermée dans des codes et des conventions qui l’étouffent. Tel un miroir, ce carnet noir lui renvoie au visage ses rêves jamais exaucés, mais aussi ses espoirs, brisés sur les murs infranchissables d’un morne quotidien. Il faut lire, ou relire, ce romain signé de l’auteur de Dalla parte di lei (1949), pour comprendre à quel point les sujets qu’elle aborde sont actuels.
Le Cahier interdit, de Alba de Cespédes, traduit de l’italien par Juliette Bertrandt révisé par Marc Lesage (Gallimard), 336 pages, 23 euros (format « papier »).

it
De Alba de Cespédes
Rome. Ce mois-ci, les éditions Gallimard rééditent Le Cahier interdit, un roman de la romancière italo-cubaine Alba de Cespédes (1911-1997). A Rome, dans les années 1950, Valeria Cossati achète un petit carnet noir, dans lequel elle couche ses sentiments et ses interrogations sur le monde qui l’entoure. Au fil du temps, ce petit carnet noir devient le vecteur de l’émancipation de cette femme issue de la classe moyenne, qui vit enfermée dans des codes et des conventions qui l’étouffent. Tel un miroir, ce carnet noir lui renvoie au visage ses rêves jamais exaucés, mais aussi ses espoirs, brisés sur les murs infranchissables d’un morne quotidien. Il faut lire, ou relire, ce romain signé de l’auteur de Dalla parte di lei (1949), pour comprendre à quel point les sujets qu’elle aborde sont actuels.
Le Cahier interdit, de Alba de Cespédes, traduit de l’italien par Juliette Bertrandt révisé par Marc Lesage (Gallimard), 336 pages, 23 euros (format « papier »).Mer agitée Tabitha Lasley Culture sélection

Mer agitée, de Tabitha Lasley

Aberdeen. Pour son premier livre, Tabitha Lasley nous plonge dans une passionnante autofiction. Journaliste basée à Londres, elle décide de tout quitter, suite à une rupture sentimentale. Direction Aberdeen, en Ecosse, pour une enquête journalistique. Objectif : découvrir comment vivent les hommes qui partent travailler pendant des mois sur des plateformes pétrolières sur la Mer du Nord. Avec, en creux, un autre questionnement : comment se comportent ces hommes, lorsqu’ils sont durablement privés de femmes ? Mais elle tombe peu à peu amoureuse d’un homme marié, et devient, malgré elle, actrice de sa propre enquête. Désormais, elle aussi attend avec anxiété le retour de celui qu’elle aime, et qui est parti en mer. Entre roman et souvenirs personnels, Tabitha Lasley tisse un récit très prenant.
Mer agitée, de Tabitha Lasley, traduit de l’anglais par Valentine Leÿs (Dalva), 280 pages, 15 euros (format numérique), 22 euros (format « papier »).

Les enfants ne se laissent pas faire Joann Sfar

Les enfants ne se laissaient pas faire, de Joann Sfar

Ukraine. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, l’écrivain, bédéiste et cinéaste niçois Joann Sfar prend quotidiennement des notes. Cela lui permet aujourd’hui d’ajouter un seizième volume à ses Carnets de Joann Sfar, qui ont débuté en 2002 avec Harmonica. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est l’occasion pour Joann Sfar d’évoquer une série de thèmes aussi sensibles que la question des génocides ou des pogroms, par exemple. Les enfants ne se laissaient pas faire donne l’occasion à Joann Sfar de déployer son regard acéré sur l’état du monde aujourd’hui. L’auteur de la série Le Chat du rabbin (depuis 2002) le fait avec une lucidité et une justesse qui emportent immédiatement l’adhésion.
Les enfants ne se laissaient pas faire, de Joann Sfar (Gallimard jeunesse), 464 pages, 28 euros.

Grip Lale Westvind

Grip, de Lale Westvind

Psychédélique. Des mains magiques. C’est ce dont se retrouve affublée une jeune femme, qui doit désormais composer avec. Autant capables de détruire grossièrement que de créer avec finesse, ces mains sont une extension de cette femme qui doit, dans un premier temps, apprendre à les domestiquer. Si Grip est une BD sans paroles, c’est aussi une explosion kaléidoscopique de couleurs, un véritable tourbillon psychédélique, dans lequel on plonge avec délectation. Au cœur de cette BD qui déborde d’énergie, l’héroïne multiplie les expériences, ce qui occasionne des jeux de formes et de couleurs, qui confinent parfois à la transe. Lale Westvind propose un véritable voyage, pour lequel Monaco Hebdo vous conseille vivement d’embarquer.
Grip de Lale Westvind (Les Requins Marteaux), 160 pages, 25 euros.

First Two Pages of Frankenstein, The National

Inspirée. The National est de retour pour un neuvième album qui s’ouvre en douceur par le très beau Once Upon a Poolside, un morceau au piano sur lequel on peut aussi entendre Sufjan Stevens. Le groupe créé en 1999 par le chanteur Matt Berninger et Scott Devendorf reste fidèle à son indie rock, empli de douceur et de mélancolie. Comme toujours, First Two Pages of Frankenstein est porté par la voix grave et inspirée de Matt Berninger. Dès la première écoute, la mélodie et le rythme de Tropic Morning News séduit, pour ne plus jamais se faire oublier. Pour le reste, ce disque puise sa beauté dans sa noirceur et sa lenteur, notamment avec Your Mind Is Not Your Friend, interprété au piano avec Phoebe Bridgers. Autre moment fort : le duo avec Taylor Swift, sur The Alcott. First Two Pages of Frankenstein s’impose comme un album indispensable pour ce printemps 2023.
First Two Pages of Frankenstein, The National (4AD), 10,99 euros (CD), 25,99 euros (vinyle).

Tirer la nuit sur les étoiles, Etienne Daho

Retour. Douzième album studio pour Etienne Daho, six ans après Blitz (2017). Construit autour de 12 titres pop, Tirer la nuit sur les étoiles a été réalisé avec le fidèle Jean-Louis Piérot, le duo Unloved, Doriand, et Calypso Valois, entre autres. Le titre de ce disque est un clin d’œil à Frank Sinatra et Ava Gardner, qui célèbraient leur amour en tirant des coups de feu la nuit vers le ciel, dit-on. Le premier single, Boyfriend, un morceau très “lounge”, a été suivi par le duo Tirer la nuit sur les étoiles, avec Vanessa Paradis, un titre aussi doux qu’aérien. Plus électro, plus rythmé, Virus X s’impose rapidement comme l’un des moments forts de ce disque. Réalisé avec le duo électro-pop italien Italoconnection, ce morceau est sorti une première fois en 2021, avant d’être enregistré à nouveau pour l’occasion. On a aussi aimé Respire, et le très émouvant Roman inachevé, qui vient clore cet album doux, apaisé, et romantique.
Tirer la nuit sur les étoiles, Etienne Daho (Barclay/Universal), 15,99 euros (cassette), 16,99 euros (CD), 36,99 euros (vinyle).

Tracey Denim, Bar Italia

Londoniens. Derrière Bar Italia se cachent Nina Cristante, Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton. Ce trio vient de publier ce qui constitue leur troisième album, Tracey Denim, et c’est une réussite. Ces Londoniens n’en sont pas à leur coup d’essai. En effet, ils ont à leur actif un EP, et deux albums Quarrel (2020) et Bedhead (2021). Ce nouveau disque, qui oscille entre pop crépusculaire et shoegaze, est structuré autour de morceaux qui accrochent immédiatement, comme, par exemple, F.O.B. ou Missus Morality. Porté par la voix de Jezmi Tarik Fehmi, de Sam Fenton, et de l’artiste d’origine italienne Nina Cristante, Tracey Denim captive. Sur punkt, les riffs de guitares rappellent ceux de The Cure sur les monuments que sont Three Imaginary Boys (1979), Seventeen Seconds (1980), Faith (1981), et Pornography (1982). Robert Smith peut être fier.
Tracey Denim, Bar Italia (Matador), 12,60 euros (CD), 23,99 euros (vinyle).

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