vendredi 29 mars 2024
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Culture Sélection de janvier 2021

Publié le

Monaco Hebdo sélectionne pour vous le meilleur de la culture du moment. Retrouvez nos coups de cœur Blu-rays, livres, bandes-dessinées et albums.

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L’Infirmière

De Kôji Fukada

Équilibre. Au fil du temps, Ichiko (Mariko Tsutsui), une infirmière à domicile, a gagné la confiance de toute la famille pour laquelle elle travaille. Mais le jour où la cadette de cette famille disparaît, les soupçons pèsent immédiatement sur elle. Au revoir l’été (2013), Sayônara (2015) et Harmonium (2016) nous avaient séduits, et L’Infirmière ne dément pas cette impression très positive. Ce film raconte l’histoire d’un équilibre social rompu, et la descente aux enfers qui succède à cela. Toute la subtilité du film de Kôji Fukada repose sur la question de la culpabilité : Ichiko est-elle réellement victime du poids des codes sociétaux japonais, ou bien est-ce elle qui a, consciemment ou non, brisé la stabilité sociale dans laquelle elle vivait ?

L’Infirmière, de Kôji Fukada, avec Mariko Tsutsui, Mikako Ichikawa, Sosuke Ikematsu (JAP/FRA, 2020, 1h44), 14,99 euros (DVD seulement, pas de sortie Blu-ray). 

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Chained/Beloved

De Yaron Shani

Couple. Yaron Shani propose deux films pour comprendre comment une histoire d’amour prend fin. Tournés comme de faux documentaires, ces deux long-métrages affichent deux points de vue distincts. Chained raconte le point de vue masculin de la séparation, pendant que Beloved en donne la version féminine. Rashi, policier à Tel-Aviv, marié à Avigail, voit peu à peu sa relation s’effondrer. Accusé d’agression sexuelle dans le cadre professionnel dans Chained, il se heurte à l’exubérance de la fille de 13 ans d’Avigail, issue d’un précédent mariage. Surtout, il voit chaque jour sa femme s’éloigner un peu plus de lui. Dans Beloved, Avigail découvre à travers un cercle de femmes et de portraits féminins, qu’elle n’est pas heureuse, jusqu’à se demander si elle a vraiment besoin d’un homme dans sa vie. Yaron Shani offre une passionnante vision du couple, même si ce dernier reste toujours un mystère.

Chained / Beloved, de Yaron Shani, avec Eran Naim, Stav Almagor, Stav Patai (ISR/ALL, 2020, 1h52), 29,99 euros (coffret DVD Chained, Beloved, et Stripped, pas de sortie Blu-ray). Sortie le 2 février 2021.

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Josep

d’Aurel

Réfugié. Originaire de l’Ardèche, Aurel, de son vrai nom Aurélien Froment, a commencé sa carrière dans le dessin de presse. Il collabore notamment depuis 2007 avec Le Monde ou encore depuis 2015 avec Le Canard Enchaîné, entre autres. Après avoir publié en 2019 Fanette (Éditions Rouquemoute), une bande dessinée centrée sur l’écologie, Aurel a réalisé Josep, son premier long-métrage, qui a été diffusé en avant-première le 18 septembre 2020 à Beaulieu-sur-Mer (lire Monaco Hebdo n°1164). Dans ce film, on suit le combattant antifranquiste Josep Bartoli (1910-1995), connu aussi pour avoir dessiné sa vie de réfugié dans plusieurs camps. L’histoire est racontée par le grand-père malade de Valentin, un jeune de 2020, qui le questionne à partir d’un dessin de Bartoli. Ancien gendarme, il a rencontré Bartoli dans un camp, avant de sympathiser avec lui. Les pinceaux et le trait d’Aurel font de cette histoire un magnifique et passionnant récit.

Josep, d’Aurel, avec Sergi López, David Marsais, Silvia Pérez Cruz (FRA/ESP/BEL, 2020, 1h11), 14,99 euros (DVD), 19,99 euros (Blu-ray). Sortie le 17 février 2021.

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Peninsula

De Sang-Ho Yeon

Zombies. Quatre ans après le très bon Dernier Train pour Busan (2016), revoici Sang-Ho Yeon et ses zombies. Cette fois, la péninsule a été définitivement envahie par les morts-vivants. Contraint d’y retourner pour récupérer un camion rempli d’argent, un commando de mercenaires coréens va devoir affronter des hordes de zombies. Mais aussi les membres d’une société paramilitaire, finalement presque plus inquiétants que les morts-vivants eux-mêmes. Sang-Ho Yeon convoque à la fois George Romero (1940-2017) bien sûr, à qui l’on doit la première saga de films de zombies, mais aussi George Miller et l’univers post-apocalyptique de Mad Max (1979). Peninsula n’est pas une redite de Dernier Train Pour Busan, c’est un autre film. Et comme dans les films de Romero, le message est aussi politique, avec cette incapacité à unifier la péninsule. La Corée du Sud, donc. 

Peninsula, de Sang-Ho Yeon, avec Dong-won Gang, Do-Yoon Kim, Jung-hyun Lee (CORSUD, 2020, 1h56), 14,99 euros (DVD), 16,99 euros (Blu-ray). Sortie le 17 février 2021.

La Brûlure

De Christophe Bataille

Frelons. Dans le nouveau livre de Christophe Bataille, on marche dans les pas d’un élagueur. Mais perché à une trentaine de mètres du sol, en cette fin d’été, cet élagueur doit faire face à un redoutable opposant : des milliers de frelons qui le piquent à de multiples reprises, causant la brûlure du titre de ce roman, raconté à trois voix. En plus de celle de l’élagueur, sa femme prend son relais et apporte son point de vue au récit. C’est elle qui raconte l’hospitalisation de son compagnon, et l’inquiétude qui va avec. Durement touché, l’élagueur s’en sortira au prix de lourdes souffrances, mais il finira par abandonner son métier. La troisième voix qui conclut ce très beau roman, c’est celle de Philippe, un autre élagueur de Bourges. « On devrait s’écarter. Offrir de l’espace. Il y a un idéal pour un arbre : l’absence d’hommes », dit-il. On le croit volontiers.

La Brûlure, de Christophe Bataille (Grasset), 160 pages, 16 euros (format « papier »), 10,99 euros (format numérique).

Un bref instant de splendeur

d’Ocean Vuong

Amerasian. C’est un premier roman pour Ocean Vuong. À 31 ans, il a décidé d’écrire un récit autobiographique. Ce jeune poète vietnamo-américain est arrivé aux États-Unis, dans le Connecticut, à l’âge de 2 ans, en application de l’Amerasian Act, une loi de 1988 qui autorise celles et ceux qui ont un père américain à émigrer vers les États-Unis. Le narrateur, Little Dog, ne connaît pas son père, pas plus que son grand-père. Il raconte comment il a grandi, entouré d’une mère violente et d’une grand-mère schizophrène. Et surtout, comment il a essayé de s’intégrer à cette société pour rejoindre ce fameux « rêve américain », qui sans cesse lui échappe. Sorti aux États-Unis en 2019, ce livre a très logiquement cartonné. Meilleur livre de l’année pour le Washington Post, il bénéficiera prochainement d’une adaptation au cinéma.

Un bref instant de splendeur d’Ocean Vuong, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle (Gallimard, « Du monde entier »), 304 pages, 16 euros (format « papier »), 10,99 euros (format numérique).

Le Colibri

De Sandro Veronesi

Strega. Huitième roman pour l’écrivain italien Sandro Veronesi, et c’est encore une belle réussite. Ses précédentes sorties, que ce soit XY (2013) ou Un coup de téléphone du ciel (2014) ou Selon saint Marc (2017), avaient permis à cet auteur toscan de montrer l’étendue de son talent. Le Colibri est dans la même lignée, puisqu’il vient de remporter le prix Strega, le Goncourt italien. C’est assez rare pour être souligné, Sandro Veronesi fait donc désormais partie des écrivains qui ont remporté deux fois cette récompense, qu’il avait déjà décrochée en 2006 avec Chaos Calme. Dans Le Colibri, on suit Marco Carrera, un très respectable ophtalmologiste qui apprend que sa femme est enceinte d’un autre, et qu’elle va le quitter. « Elle lui avait toujours menti. […] Mais lui avait fait pire : il l’avait crue », écrit Veronesi. Entre tragédie et comédie, on suit un Marco Carrera bien décidé à comprendre comment il a bien pu en arriver là.

Le Colibri, de Sandro Veronesi, traduit de l’italien par Dominique Vittoz (Grasset), 384 pages, 22 euros.

Blanc autour

De Wilfrid Lupano et Stéphane Fert

Afro-américaines. C’est à travers le personnage de Prudence Crandall (1803-1890), l’institutrice qui a ouvert en 1832 à Canterbury, dans le Connecticut abolitionniste, sa classe à une élève de couleur, que se noue cette BD. Hostile, la population, et notamment les notables de la ville, mettent la pression sur cette institutrice qui décide, en réaction, de créer une école uniquement ouverte aux jeunes filles afro-américaines. Très bien construit, très documenté, le scénario de Wilfrid Lupano nous plonge dans la véritable bataille qu’a livrée Prudence Crandall, très élégamment illustré par le joli trait de Stéphane Fert. La lutte a été dure, et pour ne pas alourdir le traitement de cet épisode du combat pour les droits civiques, les auteurs ont aussi parfois misé sur l’humour, apportant une bienvenue légèreté quand il le fallait. 

Blanc autour, de Wilfrid Lupano et Stéphane Fert (Dargaud), 144 pages, 19,99 euros. 

Où est le club des chats ?

De Yoon-sun Park

Félins. En avril 2016, Yoon-sun Park a publié Le club des chats (éditions Misma). En janvier 2020, elle a proposé une suite, intitulée Le club des chats casse la baraque !, dans laquelle on suivait Nounours, Plume et Choupi, trois chats amis pour la vie. Un an après, Yoon-sun Park revient à nouveau sur ce même sujet. Alors qu’elle vit avec trois chats, elle a visiblement pris tout le temps nécessaire pour observer de très près leur comportement, et c’est toujours aussi drôle à observer et à lire. Nounours, Plume et Choupi multiplient à nouveau les rencontres les plus étonnantes, notamment avec Salopette le chat québécois, Bongo le chien millionnaire, des dinosaures, des dauphins et même… Léonard de Vinci (1452-1519). Cette BD très colorée, pleine d’humour et de fantaisie, ne s’adresse pas qu’aux enfants. Elle séduira aussi les adultes, amateurs de dérision et de félins.

Où est le club des chats ?, de Yoon-sun Park (Misma), 112 pages, 18 euros. Sortie le 5 février 2021.

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Vertigo Days

The Notwist 

Puissance. Les fans du groupe allemand The Notwist attendaient depuis 5 ans. Leur patience vient d’être récompensée, puisque le groupe porté par les frères Markus et Micha Acher, vient de sortir le très beau Vertigo Days. Digne successeur de Superheroes, Ghotsvillains + Stuff (2016), ce disque oscille entre pop, rock et électro. Né à Weilheim in Oberbayern en 1989, une ville qui se trouve à une cinquantaine de kilomètres de Munich, The Notwist s’est démarqué en expérimentant et en changeant quasi-constamment de direction. L’album Shrink (1998), tourné vers le jazz, a ouvert à ce groupe la voie du succès. Ce succès sera concrétisé par Neon Golden (2002). Cette fois, en 14 titres, Vertigo Days s’affirme d’abord comme un album qui brille par la puissance de ses titres les plus sombres, Into Love Again, Night’s Too Dark, Sans soleil, Loose Ends ou Into Love en tête. C’est ensuite un disque qui se laisse apprivoiser un peu plus à chaque écoute, pour en révéler l’intime beauté.

Vertigo Days, The Notwist (Mor Music/Bigwax), 15,99 euros (CD), 26,99 euros (vinyles). Sortie le 29 janvier 2021.

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Des jeunes gens mödernes, volume 3

Artistes divers 

Fondations. Il y a 12 ans, l’exposition Des jeunes gens mödernes affichait à la galerie du jour d’agnès b. le meilleur de la scène post-punk et cold wave française de la fin des années 1970 et du début des années 1980. En marge de cet événement, Jean-François Sanz et le musicien de Nouvelle Vague, Marc Collin, ont lancé une compilation éponyme dont le volume 3 vient de sortir. Ils ont sélectionné 24 titres rares et/ou inédits qui étonnent par leur fraîcheur et leur originalité. On pense notamment à Opéra de Nuit avec Ami ! Amant !, à Atom Cristal avec Boulevard Circulaire, ou encore à Spleen Idéal avec Encore un jour, par exemple. Le Nice Boy de Martin Dupont et ses relents gothiques sont tout aussi passionnants. Si la plupart de ces artistes ont disparu, ils ont permis de faire souffler un vent nouveau sur la scène musicale française. Et de poser les fondations de la synthwave française d’aujourd’hui. 

Des jeunes gens mödernes, volume 3, artistes divers (Kwaidan Records/Diggers Factory), 28,50 euros (deux vinyles). 

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Shiny Black Leather

Arnaud Rebotini

EBM. Décidément, la période de crise sanitaire aura été prolifique pour Arnaud Rebotini. On l’avait quitté il y a peu, avec son projet This is a Quarantine né pendant le premier confinement, en mars 2020. Les 32 morceaux, originaux et remixes, ont d’ailleurs été compilés dans un coffret collector sorti en novembre 2020. Et revoici donc Arnaud Rebotini avec Shiny Black Leather. Il s’agit cette fois d’un EP de quatre titres, portés par une EBM aussi minimaliste que possible. Sur Shiny Black Leather, What You Want Me to Do, et The Glove and the Whip, la voix grave d’Arnaud Rebotini teinte chaque titre d’une noirceur supplémentaire. Seul titre instrumental, le très rythmé Last Train to Krasnodar ne laissera personne indifférent. Au début des années 2 000, on se souvient qu’Arnaud Rebotini s’était fait remarquer par ses soirées épiques, qui se déroulaient notamment au Pulp, à Paris. Ces soirées s’appelaient  “Sometimes Funky People Are Dressed in Black”. Ça n’a jamais été aussi vrai.

Shiny Black Leather, Arnaud Rebotini (Mannequin Records), 8 euros (album numérique sur Bandcamp).

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