samedi 20 avril 2024
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« C’était un poète aventurier »

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Charlotte Service-Longépé vient de publier une biographie romancée (1) consacrée à son arrière-grand-père, Robert William Service, un poète et écrivain écossais qui a vécu à Monaco de 1947 à 1958.

 

Près de deux ans. C’est le temps qu’il aura fallu à Charlotte Service-Longépé (2) pour écrire le livre qu’elle a voulu consacrer à son arrière-grand-père écossais, Robert William Service : « J’ai écrit cette biographie romancée sans même avoir d’éditeur. Je voulais mettre en lumière son travail méconnu à Monaco et en France dans un livre écrit en français. Ça se lit comme un roman, c’est lui qui raconte, c’est très vivant. Pourtant, la quinzaine d’éditeurs français que j’ai contactée n’y ont pas cru. » Après cinq mois de recherche, c’est finalement un éditeur canadien, les Editions JCL, qui a accepté de publier à 3 000 exemplaires cette première biographie sur ce poète et écrivain. Logique, car cet auteur est beaucoup plus connu au Canada qu’à Monaco ou en France.

 

« Ballades »

Née à Paris d’une mère britannique et d’un père français, Charlotte Service-Longépé vit à Monaco depuis une dizaine d’années. Mais son arrière-grand-père s’est installé à Monaco en 1947. « Robert William Service, a été le premier à venir s’installer en Principauté, raconte cette jeune femme de 28 ans. Mais il était déjà passé par Menton, puis par Nice dès les années 1920. » Du coup, son premier contact réel avec Monaco remonte sans doute à 1919. Si Robert William Service est donc connu au Canada, où il est parti alors qu’il n’avait que 21 ans, peu de monde le connait en France et à Monaco. « Il a pourtant eu une vie très riche et un destin exceptionnel. Mais c’était quelqu’un d’assez discret. Sa passion était d’écrire. Sa plume lui a permis de voyager et de se laisser inspirer par ce qu’il voyait », raconte Charlotte Service-Longépé, qui affirme avoir « toujours voulu » écrire sur son arrière-grand-père. Il faut dire que sa mère et sa grand-mère lui en ont beaucoup parlé. Né à Preston (Angleterre) le 16 janvier 1874 dans une famille écossaise, il est décédé en France en 1958, à Lancieux, dans les Côtes-d’Armor. « A Lancieux, Robert William Service est connu par une bonne partie de la population. Ce qui est beaucoup moins vrai ici, à Monaco », ajoute sa biographe. Un élément explique en partie cette situation : écrits en langue anglaise, ses plus de 1 200 poèmes n’ont jamais été traduits en français. Même chose pour ses romans, à l’exception de La Piste de 98 (1910), un roman qui raconte la ruée vers l’or. « Charlie Chaplin (1889-1977) s’en est inspiré pour son film La Ruée vers l’Or (1925). Lors de la première, ce film débutait d’ailleurs par un poème de Robert William Service », souligne Charlotte Service-Longépé. C’est justement grâce à ses poésies qu’il se fait connaitre. A partir de 1905, le succès arrive. Souvent inspiré par les prospecteurs d’or et par le Canada, il publie son premier recueil de poésie Songs of a Sourdough en 1907. Et son premier roman, La Piste de 98, en 1910. « Sa poésie fait appel à du langage un peu parlé, qui s’apparente à des ballades, avec une musicalité dans ses rimes. Ses poèmes racontent souvent une histoire », indique Charlote Service-Longépé. Les deux poèmes les plus connus, The Cremation of Sam McGee et The Shooting of Dan Mc Grew, sont effectivement des récits avec une petite dose de fantastique, qui rappelle Edgar Allan Poe (1809-1849). Le premier poème évoque des prospecteurs dans le grand nord canadien, alors que le second est basé sur une fusillade que l’auteur a vraiment vécu alors qu’il était employé dans une banque. « Jusqu’à la dernière strophe, on ne sait pas ce qu’il va se passer. Il y a presque toujours des rebondissements. »

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Charlotte Service-Longépé © Photo DR

« Prolifique »

William Service a beaucoup lu Robert Louis Stevenson (1850-1894), un autre Ecossais qui a beaucoup voyagé. Et cela l’a clairement influencé. « Mon arrière-grand-père a un peu suivi le parcours de cet auteur, en allant notamment jusqu’à San Francisco, où Stevenson a vécu », raconte Charlotte Service-Longépé, qui a volontairement décidé d’arrêter sa biographie de 576 pages en 1912. Un deuxième tome devrait sortir et boucler la période 1913-1958. L’occasion de raconter notamment son engagement avec le Croissant Rouge, pour couvrir la guerre dans les Balkans pour le Toronto Star. L’année suivante, il rencontre celle qui deviendra sa femme à Paris. Il part en voyage de noces entre Saint-Malo et Dinard, à Lancieux, un petit village breton de 1 500 habitants, où il finit par acheter une maison. « C’était bien la première fois qu’il achetait quelque-chose et qu’il s’installait. Car c’était plutôt quelqu’un qui n’avait pas d’attache. C’était quelqu’un de très libre », explique Charlotte Service-Longépé. Dès 1918, il passe donc ses étés en Bretagne et ses hivers sur la Côte d’Azur.

En 1922, Robert W. Service écrit un roman directement inspiré par Monaco, The Poisoned Paradise, A Romance of Monte-Carlo. Un livre jamais traduit en français, qui raconte le destin d’une série de personnages qui gravitent autour du casino. A partir de 1947, William Service s’installe et vit à Monaco du côté du boulevard d’Italie, jusqu’à sa mort, en 1958. « Il fuyait les mondanités. Il aimait sa tranquillité et jouait un peu au tennis et au golf. De mai à novembre, il allait se baigner presque tous les jours au Larvotto. Il a beaucoup écrit à Monaco. Comme il voyageait moins, c’est la période de sa vie pendant laquelle il a été le plus prolifique, estime Charlotte Service-Longépé. Son épouse a vécu jusqu’à 102 ans. Elle était à la maison de retraite du Cap-Fleuri ». Robert William Service décède en 1958, alors qu’il se trouve à Lancieux, et il est enterré en Bretagne.

En attendant le tome ii sur la vie de ce poète et écrivain écossais, un ouvrage d’art à tirage très limité sortira fin 2015. Avec au menu des poèmes de Robert William Service, illustrés par le peintre danois Barry L. Wilmont. Ce livre contiendra des poèmes traduits en français. « C’était un poète aventurier. Il aurait pu mourir plusieurs fois au cours de ses multiples aventures. Aujourd’hui, il y a des plaques commémoratives au nom de Robert Service au Canada, en Angleterre, en Ecosse, à Lancieux… Mais hélas, rien en Principauté », regrette Charlotte Service-Longépé. Alors, elle aimerait bien « que quelque chose se fasse à Monaco autour de l’œuvre de mon arrière-grand-père. Car il aimait la Principauté. »

 

(1) Robert W. Service, la Piste de l’Imaginaire (tome i) de Charlotte Service-Longépé (Les Editions JCL), 576 pages, 29 euros (version papier) ou 17,99 euros (eBook).
(2) Charlotte Service-Longépé anime aussi un blog consacré à son arrière-grand-père : http://robertwservice.blogspot.com.