samedi 20 avril 2024
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Pourquoi les ultras de Monaco boycottent les matches au stade Louis  II

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Les ultras de l’AS Monaco ne sont plus apparus dans les tribunes du stade Louis II depuis la venue de l’Olympique de Marseille (0-2), le 11 septembre dernier. Une rencontre qui avait été marquée par des heurts entre supporteurs et forces de l’ordre.

Ils l’attendaient avec impatience et un certain enthousiasme. Privés de stade pendant plus d’un an en raison de la pandémie de Covid-19, les supporteurs ont enfin fait leur retour dans les stades de football. Et alors que tout le monde imaginait des retrouvailles dans la liesse et la communion, plusieurs débordements sont venus gâcher la fête. De Nice à Lens en passant par Angers et Montpellier, la reprise de la Ligue 1 (L1) a été émaillée par des incidents à répétition entre supporteurs, donnant à ce sentiment de liberté retrouvée des airs de grand défouloir.

« Fiasco »

Cette tension ambiante s’est aussi emparée de Monaco le samedi 11 septembre 2021, à l’occasion de la réception de l’Olympique de Marseille (OM) pour le compte de la 5ème journée de L1. Ce soir-là, dans un stade Louis II acquis à la cause des Marseillais, la confrontation entre les deux prétendants à l’Europe s’était soldée par une triste défaite de l’ASM (0-2), mais aussi et surtout par des affrontements en tribunes entre supporteurs des deux camps, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre, qui n’avaient pas hésité à user de la matraque pour séparer les protagonistes et rétablir le calme. La fin de match avait même viré à l’humiliation pour les supporteurs du club de la principauté, contraints de rester dans leur propre stade en attendant l’évacuation des Marseillais, jugée prioritaire pour éviter de nouveaux débordements. Le tout filmé et diffusé sur les réseaux sociaux par des fans olympiens moqueurs. La goutte de trop pour les Ultras Monaco 1994 et le Club des supporters de Monaco (CSM) qui s’étaient fendus de communiqués virulents au lendemain du match. « C’était prévisible, mais rien n’a été prévu ni organisé. […] La gestion des supporters adverses en masse dans Monaco, c’est trois fois dans la saison, et vous en avez déjà raté une. AS Monaco, sûreté publique, gouvernement vous êtes tous responsables du fiasco de samedi soir », avaient tancé les Ultras, avant de pointer « la vente de places à outrance dans les tribunes proches du Pesage aux supporters adverses clairement identifiés ». Dans le collimateur des fans, le club de la principauté était également accusé par le CSM d’avoir « favorisé le profit au détriment de la sécurité de ses abonnés et des plus fidèles supporters venant de tout l’Hexagone, qui ont eu la plus grande des peines à trouver des places ».

La dissémination des supporteurs olympiens dans les travées du stade Louis II, y compris dans les secteurs environnants des Ultras, a fortement déplu aux deux groupes de supporteurs monégasques. Tout comme la répression et le recours aux forces de l’ordre

« Matraquage »

La dissémination des supporteurs olympiens dans les travées du stade Louis II, y compris dans les secteurs environnants des Ultras, a fortement déplu aux deux groupes de supporteurs monégasques. Tout comme la répression et le recours aux forces de l’ordre, accusées d’avoir eu la matraque facile ce soir-là. « Nous condamnons avec la plus grande fermeté, les violences physiques et provocations policières qu’ont subies certains de nos adhérents tout au long du match que ce soit en « Secondes » ou en « Premières », ainsi qu’à la sortie du stade. La sûreté publique a usé abondamment et sans raison valable de ses matraques, elle les a également assaillis de coups et tout cela en présence des familles, femmes et enfants venus simplement assister au match », dénonce ainsi le CSM dans son communiqué. Même son de cloche chez les Ultras, qui évoquent « un matraquage pour nous faire sortir de la tribune, puis un autre pour nous garder dans le stade ». Avant d’enfoncer le clou : « Il est vrai que pour certains, c’est plus simple de taper sur une minorité ». À l’unisson, Ultras et CSM ont finalement conclu leur communiqué respectif en appelant tous les acteurs (club, sûreté publique, gouvernement) à prendre leurs responsabilités, et à faire en sorte que de tels événements, tout de même inhabituels à Monaco, ne se reproduisent plus. « Comme d’habitude, on essaie toujours de nous faire culpabiliser en nous reprochant notre attitude. Nous qui allons dans tous les stades, nous qui savons comment ça se passe ailleurs. Le traitement qui nous a été infligé dans notre propre stade est intolérable et inacceptable. Du jamais vu ! », s’étaient encore indignés les Ultras 1994.

Le 11 septembre 2021, dans un stade Louis II acquis à la cause des Marseillais, la confrontation entre les deux prétendants à l’Europe s’était soldée par une triste défaite de l’ASM (0-2), mais aussi et surtout par des affrontements en tribunes entre supporteurs des deux camps, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre, qui n’avaient pas hésité à user de la matraque pour séparer les protagonistes

« Mépris et dénigrement »

Depuis cette triste soirée de septembre, les tensions se sont quelque peu apaisées. Notamment après le mea culpa de l’AS Monaco dans la presse locale le 27 septembre 2021. Mise en cause pour son organisation et sa gestion catastrophique de la billetterie, l’ASM y reconnaît ses torts, tout en réfutant la thèse de la « perte de contrôle ». « Sur ce genre de matches, nous devons revoir notre copie. Il faut que nos supporters se sentent “un peu moins pas chez eux”. Et on ne compte pas attendre d’autres communiqués pour discuter avec eux », admet un membre du club, dans les colonnes de Monaco Matin. Selon cette même source, le club de la principauté aurait lancé « dès l’issue de la rencontre, une réflexion interne au sujet de la gestion du placement des supporters de l’équipe adverse dans le stade. Bien que complexe, cette situation, qui n’est pas nouvelle, doit indiscutablement être revue pour être améliorée ». Ce discours volontariste a visiblement fait mouche auprès des supporteurs puisque le 3 octobre 2021, soit quelques jours seulement après ce mea culpa, le CSM — seule association officiellement reconnue par l’ASM — effectuait son grand retour au stade Louis II à l’occasion de la réception des Girondins de Bordeaux (3-0). De leur côté, les Ultras 1994 poursuivaient leur politique de la chaise vide, dénonçant des conditions d’accueil inacceptables lors des matches à domicile. « Nous avons décidé de cesser toutes nos activités à domicile et ce, jusqu’à ce que nos conditions de circulation, de rassemblement, d’accès et d’accueil au stade s’améliorent », écrit le groupe dans un nouveau communiqué publié le 28 septembre. « Au vu du mépris et du dénigrement qui nous est encore montré dès que nous mettons les pieds devant le stade, nous ne pouvons pas dans ces conditions retourner dans notre tribune. Partout en France les conditions d’accueil des fans de l’ASM aux abords et dans le stade sont faites pour créer de l’engouement. Les parcages extérieurs sont pleins et les chants incessants. En principauté, c’est tout le contraire. Monaco, posez-vous les bonnes questions… La balle est dans votre camp ! ».

© Photo Ultras Monaco 1994

Mise en cause pour son organisation et sa gestion catastrophique de la billetterie, l’ASM y reconnaît ses torts, tout en réfutant la thèse de la « perte de contrôle ». « Sur ce genre de matches, nous devons revoir notre copie. Il faut que nos supporters se sentent “un peu moins pas chez eux”. Et on ne compte pas attendre d’autres communiqués pour discuter avec eux », admet un membre du club

Un boycott parti pour durer ?

Toujours absents des tribunes dimanche lors de la venue de Montpellier (3-1), et vraisemblablement encore jeudi 4 novembre 2021 pour la réception d’Eindhoven en Europa League, ces fanatiques semblent déterminés à attendre que les autorités assouplissent leurs conditions d’accueil avant de revenir au stade. Selon nos informations, des discussions seraient en cours entre le club et le gouvernement, mais aussi entre le club et ses supporteurs, afin de trouver une issue à ce mouvement de boycott qui n’a que trop duré. « Le dialogue n’a jamais été rompu. Nous continuons d’échanger », nous assure-t-on du côté du club de la principauté. « Évidemment l’espoir, c’est que ça se résolve et que l’on retrouve tous nos supporteurs au plus vite. Mais il n’y a pas d’élément nouveau à ce jour ». En clair, l’heure est donc au statu quo. Et chacun semble se défausser dans ce dossier bien plus épineux qu’il n’y paraît : « Les supporteurs ne nous en veulent pas. Aujourd’hui, ils continuent de nous suivre sur tous nos matches à l’extérieur. Ils nous encouragent et supportent l’AS Monaco. Dans leur dernier communiqué, ils [les Ultras – NDLR] se plaignent de leurs conditions d’accueil et ces conditions d’accueil, nous ne les maîtrisons pas. Nous ne pouvons pas, non plus, prendre la responsabilité des autres », explique un membre du club, renvoyant ainsi la balle aux autorités locales. Sollicité par nos soins, le gouvernement n’a pas souhaité répondre à nos questions sur ce dossier. Du côté des élus, si le président de la commission de l’éducation, de la jeunesse et des sports, Marc Mourou, a profité des dernières séances publiques consacrées à l’étude du budget rectificatif 2021 pour saluer l’action du gouvernement afin de permettre à la Roca Team de disputer ses matches d’EuroLeague devant son public à Gaston Médecin, aucun conseiller national ne s’est ému de la situation des Ultras monégasques. Le basket aurait-il alors supplanté le football dans le cœur des Monégasques ? Difficile à dire, mais la situation interpelle. Et nul ne sait aujourd’hui quelle issue trouvera cette crise inédite dans l’histoire du club de la principauté, ni combien de temps elle durera encore. Une chose est sûre, en revanche, l’absence des plus fervents supporteurs de l’ASM ne pèse pas, pour le moment, sur le rendement des hommes de Niko Kovac. Depuis leur défaite contre l’OM en septembre 2021 (0-2), les Rouge et Blanc sont en effet invaincus à domicile, avec un bilan de 4 victoires toutes compétitions confondues.