jeudi 18 avril 2024
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Arthur Leclerc : « Mon rêve est d’aller en F1
et de rejoindre la Scuderia »

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À l’arrêt forcé depuis plusieurs semaines en raison de l’épidémie de coronavirus, les sportifs professionnels doivent s’adapter, et parfois faire preuve d’ingéniosité, pour se maintenir en forme en attendant la reprise des compétitions. Comment un sportif de haut niveau vit-il le confinement ? Comment s’entraîner tout en restant à son domicile ? Le pilote automobile monégasque, Arthur Leclerc, répond aux questions de Monaco Hebdo. Interview.

Avec qui et où êtes-vous confiné ?

Je suis à Monaco, avec ma mère et mon frère, Lorenzo.

Comment occupez-vous vos journées ?

J’essaie de profiter de ce temps libre pour faire du sport, et aussi faire du simulateur avec des amis. C’est du jeu vidéo, ce n’est pas pareil que la réalité, mais ça occupe.

Comment faites-vous du sport dans votre appartement ?

J’ai aménagé un petit espace pour faire mon sport. J’essaie aussi d’aller courir, mais je le fais le moins possible. C’est une forme de respect pour les autres de ne pas sortir.

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le confinement ?

Passer du temps avec des amis sur les jeux vidéo (rires) ! On a la chance maintenant de pouvoir rester connectés. Ce n’est pas comme si on était vraiment coupé du monde extérieur. Passer un peu plus de temps avec sa famille permet aussi de ressouder un peu plus les liens. Et je profite aussi de ce temps libre pour travailler sur moi, pour sortir plus fort à la fin du confinement.

Qu’est-ce qui vous dérange le plus ?

Ne pas prendre le soleil (rires). J’ai un appartement, je n’ai pas vraiment de balcon, donc c’est compliqué d’aller prendre le soleil. Ça me manque un peu.

À quels jeux vidéo jouez-vous ?

Je joue beaucoup aux jeux de sport automobile. Je joue aussi aux jeux de guerre comme Call of Duty ou Fortnite. Je m’amuse à faire des “live” [direct — N.D.L.R.] avec Charles et Alex Albon [pilote F1 chez Red Bull – N.D.L.R.].

Quel rôle a aujourd’hui le jeu vidéo dans la préparation des pilotes ?

En termes de préparation pure, ça reste quand même très différent de la réalité. Mais il y a une bonne rivalité entre tous les pilotes qui font les courses en esport [compétitions de jeux vidéo en réseau – N.D.L.R.]. Tout le monde a envie de gagner. Et c’est un peu le point similaire qu’on a en vrai. On passe du bon temps, on rigole, mais, à la fin, ce qu’on veut c’est gagner. Donc ça joue plus sur l’aspect mental de la chose.

Vous avez d’ailleurs participé avec votre frère, Charles, à une course virtuelle contre d’autres pilotes de Formule 1 (F1) : quelles ont été vos impressions ?

C’était une course officielle de la F1 qui remplaçait, en gros, le Grand Prix du Vietnam. J’ai fini 4ème. Je me suis retrouvé avec de grands noms sur la grille. Il y avait pas mal de pilotes de F1 comme Charles, Alex Albon, Lando Norris, George Russell… Être au milieu de ces pilotes, ce n’est pas facile, mais la course s’est plutôt bien passée. J’ai pris beaucoup de plaisir. Même si c’était sur un jeu, il y avait une bonne complicité avec les autres pilotes.

Arthur Leclerc Venturi
© Photo Venturi

« J’ai toujours aimé conduire une voiture, tout ce qui a 4 roues et un volant. D’ailleurs, le premier truc que je ferai après le confinement, c’est aller faire du karting »

Arthur Leclerc

Que ressentez-vous lors d’une course virtuelle comme celle-ci ?

Niveau adrénaline, pour la vitesse, ce n’est pas du tout pareil. Mais au début de la course, même Charles avait un peu de stress, car beaucoup de spectateurs regardent la course. Pour moi, ça changeait pas mal, car je ne suis pas habitué à être aussi médiatisé. Encore plus quand tu joues à la PlayStation. C’était assez spécial, mais intéressant.

Vous avez aussi créé un championnat pour récolter des fonds contre le coronavirus ?

Oui, on a créé un championnat entre pilotes qui s’appelle Race for the world. Tous les dons seront reversés à une association contre le Covid-19. On a créé ce championnat pour aider face à la situation actuelle, parce que c’est terrible ce qui se passe en Italie… C’est une aide qu’on apporte aux hôpitaux. L’objectif est de récolter 100 000 euros. On est actuellement à 40 000 [l’interview a été réalisée jeudi 16 avril 2020 – N.D.L.R.], ce qui est énorme. On est super content.

Comment travaillez-vous avec votre écurie pendant le confinement ?

Ferrari m’aide énormément. On arrive à travailler à distance. On fait du sport en vidéo-conférence, on fait du “mental training” [entraînement mental – N.D.L.R.]… Il y a beaucoup d’entraînements. Tout est fait pour ne pas gaspiller ce temps qu’on n’avait pas avant la quarantaine. Car on était tout le temps en déplacement pour les courses, les essais… Maintenant, on utilise ce temps pour ressortir plus fort.

Quel est votre entraînement type ?

La Ferrari Driver Academy [école d’élite pour les jeunes pilotes — N.D.L.R.] nous donne un programme. On doit aussi s’entraîner avec la Ferrari esports. Avec la Ferrari Driver Academy, j’ai des cours pour apprendre l’italien. J’ai aussi des séances physiques avec mon coach, en vidéo-conférence. On est bien encadré.

En quoi consistent les séances physiques ?

Il y a plusieurs séances. On a un programme d’entraînement qu’on nous envoie par téléphone à faire nous-mêmes. Et ensuite, on a un programme plus renforcement musculaire, et positions pour voir si on fait bien les exercices en vidéo-conférence. Car ils ne veulent pas qu’on se blesse. Si on fait une mauvaise position, ils le voient tout de suite en vidéo-conférence.

Vous avez parlé de “mental training”, de quoi s’agit-il ?

On fait ça sur un site. Il y a beaucoup de types d’exercices : visuels, réflexes… On obtient un score, et ensuite on fait part de ce que l’on a ressenti. Si on a ressenti du stress, si on a voulu trop bien faire… C’est un peu ce que l’on fait dans la voiture. On se remet tout le temps en question, et il faut faire pareil dans ce genre d’exercices. Ce sport est très mental, tu es tout le temps livré à toi-même.

D’un point de vue diététique, comment cela se passe-t-il ?

J’ai un diététicien fourni par la Ferrari Driver Academy. J’essaie de me mettre à cuisiner, mais ce n’est pas très facile, c’est toujours ma mère qui cuisine (rires) ! C’est important de garder une bonne diététique pendant cette période. Avec Ferrari, avec les vidéo-conférences, les training… on reste toujours en activité et ça fait beaucoup la différence.

Vous avez un suivi diététique chez Ferrari ?

Au début de l’année, on a fait un “training camp” [camp d’entraînement – N.D.L.R.], où on était suivi par des médecins. Ils ont suivi notre évolution, ce qu’on pouvait soulever, supporter en termes de poids, si notre corps avait plus de muscle ou était plus résistant. Et au final, ils ont établi une diététique à partir de ces niveaux-là. Ils suivent notre progression. Si on suit les exercices, ils peuvent savoir comment on va évoluer. Je n’ai pas besoin de me mesurer, ni de me peser tous les jours.

Comment sont établis vos menus ?

Ce sont des menus établis sur toute la semaine, en fonction de nos entraînements. Les menus sont différents si on s’entraîne ou pas. C’est bien d’être suivi, car si on te laisse libre, on peut vite dériver.

Comment faites-vous pour travailler votre pilotage ?

J’essaie surtout de travailler physiquement. Je suis en Formule 3 (F3) actuellement, donc physiquement, c’est très dur au niveau des bras, du cou… En F1, les pilotes ont la direction du volant assistée, donc ils n’ont pas vraiment de problème avec le volant très lourd. En F3, on n’a pas ce volant assisté, et la voiture est quand même très lourde. Donc j’essaie de me garder en forme physiquement, de travailler les muscles nécessaires pour rouler ensuite. Niveau “driving” [pilotage — N.D.L.R.], je m’entraîne un peu sur le simulateur, mais ce n’est pas pareil.

Qu’est-ce qui vous manque le plus en ce moment ?

Les compétitions. J’ai toujours aimé conduire une voiture, tout ce qui a 4 roues et un volant. Je passerais moins de temps sur le simulateur si je n’aimais pas ça. D’ailleurs, le premier truc que je ferai après le confinement, c’est aller faire du karting.

Avez-vous une visibilité sur la reprise de vos entraînements ?

Non. Pour l’instant, on ne sait pas. La situation évolue toutes les semaines. On ne peut pas prédire le futur. On attend que le temps passe, on attend avec impatience les bonnes nouvelles et ensuite, on pourra établir un programme pour reprendre les entraînements.

Et concernant la reprise du championnat F3 régionale Europe, qui devait débuter le 26 avril 2020, comment va-t-elle s’opérer ?

Le Paul Ricard [qui devait avoir lieu le 26 avril prochain — N.D.L.R.] a déjà été reporté. Par rapport aux autres courses, ils attendent tous d’avoir de nouvelles informations pour qu’on puisse faire un programme.

Vous avez rejoint la Ferrari Driver Academy en janvier 2020 : qu’est-ce que cela représente pour vous ?

C’est un rêve qui est devenu réalité. Quand j’étais petit, je regardais beaucoup la F1. On regardait toujours la voiture rouge. Mon père était un passionné de sports automobiles. Me dire maintenant que je fais partie de la Ferrari Driver Academy, et que Charles fait aussi partie de la Scuderia Ferrari et roule en F1 pour cette écurie, j’ai aujourd’hui toujours du mal à le réaliser. Maintenant, le job n’est pas fait. Il faut encore que je travaille énormément, et je vais tout faire pour réaliser mon rêve qui est un jour d’aller en F1, et de rejoindre la Scuderia. Mais, pour l’instant, il faut travailler et garder les pieds sur terre.

Comment s’est effectuée votre arrivée chez Ferrari ?

En fin d’année 2019, j’ai commencé à faire des tests avec Prema, qui est mon team actuel. Les tests se sont très bien passés. C’est comme ça qu’ensuite, on est entré en contact avec la Ferrari Driver Academy. Cela s’est aussi fait par le training camp, donc ça ne s’est pas fait du jour au lendemain.

Comment se passe votre intégration au sein de l’Academy ?

J’ai été agréablement surpris. Il y a énormément de dispositifs en place pour tirer l’écurie vers le haut, même des choses qu’on ne peut pas imaginer. L’usine est énorme, énormément de gens travaillent dedans. Parfois, on se demande si c’est un rêve ou la réalité. Ils m’ont vite intégré dans la famille. Il y a une très bonne ambiance, un vrai esprit de solidarité. On travaille tous pour se tirer vers le haut. C’est aussi pour ça que Ferrari est une des meilleures écuries au monde.

Vous allez passer de la Formule 4 (F4) à la F3 : quelle est la différence entre ces championnats ?

En F4, la voiture est plus petite, plus légère, les pneus sont plus petits. En F3, la voiture est beaucoup plus grosse, plus lourde. Il y a beaucoup plus de grip [adhérence à la route – N.D.L.R.] aérodynamique donc on peut freiner plus tard, plus fort. La vitesse dans les virages n’a rien à voir avec une Formule 4. La F3 est assez plaisante à conduire. Elle a aussi plus de puissance et les pneus sont plus gros.

Avez-vous eu le temps de faire des essais ?

Oui, j’ai fait les essais en fin d’année 2019 et début 2020. On a très bien travaillé avec le team Prema. Je me sens bien intégré aussi au niveau du team. La voiture est bonne à conduire. À chaque fois qu’on avait un problème, on a su l’améliorer pour la séance d’après. Je suis assez content.

Quelles sont vos ambitions cette saison ?

Gagner le championnat. Tout le monde sur la grille a envie de gagner. J’ai la chance d’être dans une très bonne équipe, d’avoir un très bon environnement comme Ferrari Prema. J’ai les moyens pour me battre et si on veut se donner les moyens pour se battre, il faut viser très haut. Je vais tout faire pour gagner le championnat, et je vais bosser très dur pour y arriver.

Quel regard portez-vous sur le parcours de votre frère, Charles ?

J’ai été impressionné parce que pour une première année chez Ferrari, gagner des Grands Prix, faire des pole-positions et prouver qu’il peut être le plus rapide sur la piste, c’est juste incroyable. Le voir au milieu de Lewis Hamilton, de Sebastian Vettel… De tous les grands noms, ça fait bizarre.

Le pensez-vous capable de décrocher le titre de champion du monde cette saison ?

Oui, je l’espère. Je suis sûr qu’il en est capable. Maintenant, il va falloir voir pour l’année prochaine. Je ne peux pas prédire le futur (rires).

Deux frères Leclerc en F1, est-ce un rêve pour votre famille ?

Oui, ce serait un rêve. Ce qui me rend un peu triste, c’est que mon père ne soit pas là pour voir ce que Charles est en train de faire, et ce que je suis en train de faire. Malheureusement, il est parti quand Charles était en Formule 2 (F2). Il a dédié toute sa vie pour faire rouler Charles, et me faire rouler aussi. Moi, ça a été un peu plus compliqué parce que, niveau budget, c’est un sport qui reste très cher.

Allez-vous continuer à être pilote d’essai pour Venturi ?

Oui, j’ai fait les tests en début d’année à Marrakech. Je les aide beaucoup sur le simulateur.

Comment faites-vous pour être pilote F3 chez Prema et pilote d’essai Formule E chez Venturi ?

J’avoue que c’est un peu compliqué. Mais j’y arrive. Les voitures sont complètement différentes, elles ne se conduisent pas du tout de la même manière. Il ne faut pas se focaliser sur les mêmes choses, aussi. J’essaie de me donner à fond dans les deux, même si parfois, ce n’est pas facile.

Devenir pilote Formule E chez Venturi, c’est un de vos objectifs ?

Il est trop tôt pour en juger. En ce moment, je suis en F3. Je dois bosser sur cette saison et essayer de tout faire pour gagner. Ensuite, on verra ce que le futur nous réserve.

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