jeudi 25 avril 2024
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Philippe Sella : « La France peut soulever la Coupe du monde »

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Rencontré à l’occasion des Sportel Awards au Grimaldi Forum en octobre 2022, Philippe Sella, deuxième joueur le plus sélectionné de l’histoire de l’équipe de France de rugby derrière Fabien Pelous, est revenu sur sa carrière, et sur les chances des tricolores de remporter la Coupe du monde en France, en septembre 2023. Interview.

Que faites-vous depuis votre retraite sportive ?

Ma carrière sportive s’est arrêtée en 1998, mais je suis revenu au club d’Agen, il y a quelques années, où je suis le président du centre de formation. C’est très intéressant d’accompagner toutes ces pépites qui arrivent et de former un maximum de joueurs.

Un président de club, c’est un peu un touche à tout ?

En effet, je suis un petit couteau suisse au sein du club d’Agen. Je travaille avec les commerciaux les jours des matches, j’avance auprès des joueurs pour leur apporter un soutien, plus psychologique que technique. Je suis l’ancien joueur du club qui est toujours au club, qui aime ce club, et qui essaie de l’aider.

Vous êtes, dans l’histoire du rugby français, le deuxième joueur le plus sélectionné en équipe de France (1) : comment expliquer votre longévité ?

La longévité vient de la passion, de l’envie d’apprendre, et de découvrir en permanence. C’est aussi le fait de s’entraîner au-delà des entraînements prévus par le club. C’est quelque chose que j’ai toujours fait, notamment par rapport à la course, plus que par la musculation. La musculation, on n’en parlait pas beaucoup avant. On disait que si on en faisait, on ne pourrait plus courir [rire].

C’était exagéré ?

Tout le monde exagérait, évidemment. Mais il faut avoir cette détermination, se préparer au mieux, penser rugby, y penser en semaine, et juste avant le match. Et, quand on y est, être complètement dans l’action.

Philippe Sella Rugby
© Photo Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Mais ce n’était pas toujours facile pour les rugbymen qui devaient souvent assumer en plus un travail à côté ?

Même dans les différents métiers que j’ai eus, dans l’enseignement, en relation publique, puis avec ma propre boîte de communication [Philippe Sella a créé l’entreprise Sella Communication en 1993, alors qu’il était encore rugbyman professionnel — NDLR], j’ai toujours travaillé en rapport des rencontres pour être à la hauteur les jours de match. Quand tu rentres sur le terrain, le public et les partenaires, ils s’en fichent un peu de savoir ce que tu as vécu pendant ta semaine. Ils veulent voir les meilleurs joueurs, à leur meilleur niveau. C’était ma politique de préparation pour être le plus efficace sur le terrain.

« Quand tu rentres sur le terrain, le public et les partenaires, ils s’en fichent un peu de savoir ce que tu as vécu pendant ta semaine. Ils veulent voir les meilleurs joueurs, à leur meilleur niveau. C’était ma politique de préparation, pour être le plus efficace sur le terrain »

Du 8 septembre 2023 au 28 octobre 2023, vous allez suivre de près le Mondial de rugby en France : quels sont vos pronostics [cette interview a été réalisée le 24 octobre 2022 — NDLR] ?

Le Mondial fait rêver. On a eu une équipe de France qui a joué deux finales. On a fait des parcours honorables jusqu’à présent, mais on n’a pas été champion du monde (2). L’Angleterre l’a été, des équipes de l’hémisphère sud aussi. La France a la possibilité de remporter ce Graal, et de soulever la Coupe du monde.

L’équipe de France a une vraie chance de remporter cette Coupe du monde 2023 ?

On a une équipe depuis trois ans qui évolue dans le bon sens, avec des victoires, notamment le Tournoi des 6 Nations en 2022. Il y a aussi eu des victoires contre les All Blacks [la France a battu la Nouvelle-Zélande le 13 juin 2009 à Dunedin 27-22, et à Saint-Denis le 20 novembre 2021, 40-25 — NDLR]. Cette équipe dispose d’une certaine confiance, et c’est important. Je pense que l’équipe pourra être à la hauteur de cet événement pour aller chercher cette Coupe du monde. Mais il y aura aussi de la concurrence car, quand on regarde les autres équipes, elles évoluent aussi. Il faut garder les pieds bien sur terre et garder confiance sur le potentiel que l’on a. Comme ce Mondial se joue en France, on va aussi essayer d’avoir le plus grand public possible derrière cette équipe de France.

« La longévité vient de la passion, de l’envie d’apprendre, et de découvrir en permanence. C’est aussi le fait de s’entraîner au-delà des entraînements prévus par le club »

Pourrait-on vous voir devenir sélectionneur de l’équipe de France ?

Non. Fabien Galthié fait très bien le “job” de sélectionneur aujourd’hui, avec toute son équipe. Il faut être derrière cette équipe de France aujourd’hui, avec tous ceux qui en sont acteurs. Moi, je vais suivre le rugby jusqu’à la fin de ma vie, parce que j’aime ça. Je suis engagé avec le « comité players » pour cette Coupe du monde 2023. Nous allons faire des actions complémentaires à celle de l’équipe de France, pour promouvoir le rugby.

Cette Coupe du monde, elle représente quoi pour vous ?

Une Coupe du monde, c’est quelque chose d’exceptionnel. Ce sont des moments extraordinaires à partir desquels on rencontre beaucoup de monde, les professionnels, les anciens joueurs, le grand public, et les jeunes. Je suis pour la transmission, et ça me plaît beaucoup de travailler sur le relai qu’il faut envoyer aux plus jeunes joueurs, pour leur donner envie d’être les prochains internationaux, les Antoine Dupont, les Romain Ntamack… Tous ces joueurs. Il faut qu’il y ait de la joie de vivre dans les différentes écoles de sport et dans la rue, car le sport est une discipline qui doit amener la convivialité, le sens du lien et du respect.

Le 19 novembre 2022, Monaco a remporté le titre de champion de France de rugby sevens  (3) : le rugby à VII vous intéresse ?

Oui, le rugby à VII est une discipline qui me plaît, et Monaco a une très belle équipe. Je connais la discipline depuis 1984, j’en ai moi-même fait. Je suis allé à Hong Kong, qui était le tournoi majeur à l’époque, et qui l’est toujours aujourd’hui.

Le rugby à VII est complémentaire du rugby à XV ?

Le rugby à VII est un sport très complémentaire à celui à XV, car il permet aux joueurs qui veulent jouer à quinze après, de gagner en technique et en capacité d’observation par rapport aux différentes situations de jeu. Je trouve que, pour un joueur de rugby à XV, faire du VII dans une certaine période de l’année, apporte un complément qui va lui permettre d’être un joueur meilleur. Il disposera d’autres capacités qu’il pourra exprimer ensuite. Il ne faut pas opposer le VII et le XV. Il y a de la complémentarité entre ces deux disciplines.

1) Tout au long de sa carrière internationale, de 1982 à 1995, Philippe Sella a totalisé 111 sélections, dont 110 comme titulaire. Il a également disputé trois Coupes du monde (1987, 1991 et 1995), dont une finale (1987) et une demi-finale (1995).

2) La France a été trois fois finaliste de la Coupe du monde de rugby, en 1987, en 1999, et en 2011.

3) Le Monaco Rugby Sevens (MR7) a remporté le titre de champion de France le 19 novembre 2022 face à Pau (24-14). A ce sujet, lire notre article Monaco champion de France de rugby à VII, publié dans Monaco Hebdo n° 1264.