mercredi 24 avril 2024
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« Le Top 14 ? Ce serait brûler les étapes »

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Alors que la finale de la Coupe du monde de rugby se déroule samedi 31 octobre à Twickenham, le président de la fédération monégasque de rugby, Cédric Nardi, et le président de l’ASM Rugby, Thomas Rique, dressent un état des lieux.

Ce que vous retenez de cette Coupe du monde de rugby ?

Cédric Nardi : Je retiens d’abord la jolie vitrine offerte pour le rugby dans le monde entier. Ensuite, la performance du Japon qui a battu les doubles champions du monde sud-africains lors des matches de poule. Ce qui démontre que sur un seul match, une petite équipe peut battre une équipe majeure. J’ai aussi aimé la petite touche d’humour du Canadien Jamie Cudmore lorsqu’il a fait semblant d’aller écouter ce que se disaient les Français entre eux. Il faut aussi souligner le respect de tous les joueurs vis-à-vis de l’arbitrage, même si les arbitres se sont parfois trompés. Ce n’est pas dans d’autres sports que l’on verrait ça…

Thomas Rique : Contre les All Blacks, personne ne s’attendait à une telle déroute de l’équipe de France. Mais difficile d’incriminer qui que ce soit. Parce que le championnat français, le Top 14, est de bonne qualité. Chaque année, on se régale.

 

Certains prétendent que l’équipe de France souffre d’un trop grand nombre de joueurs étrangers dans le Top 14 ?

Thomas Rique : Certains diront aussi qu’avoir des joueurs étrangers talentueux en Top 14, ça permet aux jeunes de progresser. D’autres diront au contraire que cela empêche les jeunes d’éclore, car ils manquent de temps de jeu à cause des joueurs étrangers. Je pense plutôt que les joueurs étrangers permettent d’apprendre et de s’enrichir : sur la vision du jeu, sur la préparation physique…

Cédric Nardi : Aucun joueur français qui a pu côtoyer Jonny Wilkinson à Toulon ne s’en est plaint, il me semble ? On dit aussi qu’il y a trop de matches en France. Or, bizarrement, les joueurs étrangers qui jouent dans le Top 14, comme Bryan Habana, Drew Mitchell ou Matt Giteau ne m’ont pas semblé fatigués…

 

L’entraineur du XV de France, Philippe Saint-André, remplacé par Guy Novès, c’est une bonne idée ?

Thomas Rique : Je suis né à Toulouse, donc ce n’est pas moi qui dirai du mal de Guy Novès qui a entraîné le Stade Toulousain de 1993 à 2015. Monaco joue dans le championnat français, donc on supporte l’équipe de France. Novès aime gagner tous ses matches. Donc je pense qu’il va rapidement construire une équipe qui lui permette de gagner chaque rencontre et d’exister au niveau international immédiatement. Et pas dans 4 ans, pour la prochaine Coupe du monde qui aura lieu au Japon.

 

Qui va gagner cette Coupe du monde ?

Thomas Rique : Les All Blacks. Sinon, comme c’est la dernière équipe latine qualifiée pour les demi-finales (1), j’aimerais que l’Argentine s’impose. Leur parcours est remarquable car ils n’ont pas la meilleure équipe, avec des joueurs insouciants qui évoluent certes en Top 14, mais qui ne sont pas toujours titulaires dans leurs clubs. Sauf que face à l’Irlande, l’Argentine a gagné en mettant 43 points, pendant que la France a perdu en encaissant 24 points…

Cédric Nardi : L’Australie. Parce que c’est la seule équipe à avoir battu la Nouvelle Zélande cette année.

 

L’ASM Rugby est monté en division Honneur, soit la 6ème division française, au dernier moment, le 10 septembre : comment vous avez géré cette situation ?

Thomas Rique : Au niveau sportif, on s’est posé la question de savoir si on acceptait cette montée ou pas. On a dit oui. C’est notre cinquième montée en 8 ans. On est donc au plus haut niveau chez les amateurs. On a recruté un entraîneur-joueur qui nous apporte beaucoup, Jérémy Benstaali. Un gros quart de l’équipe est étrangère. On a des joueurs anglais, un argentin, un italien… Et même un dirigeant écossais. C’est une équipe cosmopolite, à l’image de Monaco. Avec l’école de rugby, notre budget est de 180 000 euros. On travaille avec une trentaine de bénévoles.

 

Et ça marche ?

Thomas Rique : Pour le moment, on est premier de notre poule. On espère réussir à nous maintenir en division Honneur en fin de saison. Je suis au club depuis 8 ans mais je suis président depuis seulement deux mois.

 

Impossible de viser une montée, dans la division supérieure, en Fédérale 3 ?

Thomas Rique : Ce serait brûler les étapes et risquer d’aller au clash. Il faut savoir être patient. On voulait atteindre la division Honneur et prendre le temps de bien structurer le club avant d’aller en Fédérale 3, qui est un niveau semi-professionnel.

 

Le problème, c’est que vous n’avez pas de stade et que vous êtes obligé de jouer à Blausasc, à 40 minutes de route de Monaco ?

Thomas Rique : On est content d’avoir pu trouver cette solution, avec l’aide du gouvernement monégasque. Ça fait trois ans qu’on joue à Blausasc.

 

Réunir 20 millions de budget pour voir un jour l’ASM Rugby jouer en Top 14 n’a rien d’impossible ?

Thomas Rique : Malgré tous les soutiens que l’on a, notamment gouvernementaux et municipaux, ce n’est pas si facile que ça. Surtout en termes de terrain et d’infrastructures.

Cédric Nardi : On travaille aussi sur cette problématique de terrain et on étudie toutes les pistes possibles à ce jour.

 

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« La FMR organise son tournoi international Sainte Dévote chaque année au stade Louis II. Nous, on organise un tournoi avec 600 enfants, toujours au stade Louis II ». Thomas Rique. Président de l’ASM Rugby. © Photo Gaetan Luci / Palais Princier

La FMR et l’ASM Rugby travaillent ensemble ?

Thomas Rique : Bien sûr. A travers la fondation Princesse Charlène qui est notre partenaire, la FMR met à la disposition du club un responsable technique qui supervise nos éducateurs. Il nous aide dans la formation de nos bénévoles. Il est aussi directeur technique de notre école de rugby. Il est salarié et travaille à 100 % pour le club. Ce qui nous aide beaucoup.

 

Les critères à remplir pour pouvoir jouer avec l’équipe nationale de rugby de Monaco ?

Cédric Nardi : Il faut être Monégasque ou être né à Monaco ou résider en Principauté depuis au moins trois ans (2). Faute de joueurs, on a décidé de miser sur le rugby à 7 qui nécessite donc 7 joueurs et 5 remplaçants.

 

Avec quels résultats ?

Cédric Nardi : On a été champion d’Europe de division B avec seulement 11 joueurs car on a eu un blessé de dernière minute. On a gagné en Hongrie, face à la Hongrie, avec une équipe de 22 ans de moyenne d’âge.

 

Vraiment impossible de monter une équipe nationale de rugby à 15 ?

Cédric Nardi : Pour le moment, on est un peu limité en nombre de joueurs seniors. De plus, si on crée une équipe nationale de rugby à 15, on va partir du niveau le plus bas. Ce qui se traduira par de très longs et coûteux déplacements dans les pays d’Europe de l’Est notamment. Or, aller en Azerbaïdjan en bus, ce n’est pas possible…

 

Mais le rugby à 15, ça reste le cœur du rugby !

Cédric Nardi : C’est exact. Le 15, c’est l’essence du rugby. Chaque année on fait le point et on voit que le nombre de joueurs éligibles augmente. Mais cela dépendra aussi de nos finances. Cette année, notre subvention est en augmentation. Mais on s’appuie aussi sur des partenaires.

 

Entre l’ASM Rugby et la FMR, vous risquez de vous parasiter dans votre recherche de sponsors ?

Cédric Nardi : Jusqu’à présent, c’est vrai qu’on ne savait pas vraiment qui avait démarché qui. Du coup, il nous arrivait d’aller voir deux fois la même entreprise. Mais maintenant, nous avons une personne dédiée à la recherche de sponsors. L’ASM Rugby aussi.

 

C’est la guerre alors ?

Cédric Nardi : Pas du tout, bien au contraire. Car l’argent récolté, rentre avant tout pour le rugby à Monaco. En clair, si la FMR a de l’argent en excédent, on aidera le club. Et si c’est l’inverse, alors la FMR ne sera pas obligée de les aider. Mécaniquement, on fera des économies et on aura aussi un peu plus d’argent. Donc c’est du gagnant-gagnant.

Thomas Rique : Et puis, on peut aussi avoir des partenaires communs.

Cédric Nardi : On travaille aussi avec International University of Monaco (IUM) pour cibler le plus finement possible les entreprises susceptibles de s’intéresser au rugby. Mais l’image du rugby est positive. C’est donc un peu plus facile d’attirer des sponsors.

 

(1) Cette interview a été réalisée le 22 octobre, avant les demi-finales de la Coupe du monde de rugby.
(2) En revanche, il faut absolument avoir la nationalité monégasque pour pouvoir participer aux compétitions olympiques.