jeudi 25 avril 2024
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Jean-Pierre Jarier :
« Tous les pilotes aiment Monaco ! »

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Après sa carrière, l’ancien pilote automobile français s’est installé à Monaco. Il y réside depuis trente ans et son activité, JP Jarier Events, est directement liée au monde de la F1.

Quand on demande son meilleur souvenir de Monaco à Jean-Pierre Jarier, ce dernier réplique que « c’est d’y habiter depuis trente ans ». « Je me sens chez moi. C’est la seule ville où les pilotes, auto et moto, restent après leur carrière », note l’ex-coureur à la carrière atypique. A peine la vingtaine entamée, Jean-Pierre Jarier connaît un tournant dans sa vie. Aux bancs de la fac’, il préfère les baquets, troquant ainsi ses cours de sciences économiques à Assas-Paris 2 contre les circuits automobiles à travers le monde. En parallèle, Jarier manie la plume pour évoquer son sport de prédilection dans les colonnes d’Echappement, dont il a été le rédac’chef, et d’Auto Moto. Le Français fait une première apparition en F1 en 1971 avant de se voir proposer un volant dans diverses écuries, de 1973 à 1983. Il se frotte notamment à Jackie Stewart, Jacky Ickx, Niki Lauda, Nelson Piquet, Keke Rosberg, Jacques Laffite ou encore Alain Prost. Après 134 Grands Prix disputés et trois podiums au compteur, Jean-Pierre Jarier raccroche. « C’était ultra physique de conduire une F1. Il n’y avait pas de direction assistée à l’époque. A la fin, on avait les mains en sang. Certains tombaient dans les pommes, de fatigue », se remémore-t-il.

Sécurité routière
A partir de 1984, « Godasse de plomb », comme il était surnommé dans le milieu, continue de piloter dans d’autres catégories et entame sa reconversion en principauté. D’abord en fondant l’agence Monaco Média International vendue il y a deux ans puis en créant JP Jarier Events, qui reprend en partie les activités de sa précédente entreprise. « Je donne des cours de pilotage, notamment de F1, je loue des terrasses pour le Grand Prix, je vais sur les stands avec les clients, je leur raconte l’histoire des voitures. Bref, je fais le guide et ça me plaît », explique Jean-Pierre Jarier, qui n’a « pas voulu devenir team manager car le meilleur côté de la F1, ça reste le pilotage ». Il a également fait de la sécurité routière, son cheval de bataille, tant pour les voitures que pour les deux-roues. L’ancien coureur envisage d’ailleurs de monter une structure autour de la sécurité des deux-roues à Monaco. « C’est un domaine que j’apprécie beaucoup. Je m’en suis occupé pendant 13 ans au GPDA (l’association des pilotes de Grand Prix) puis à la FIA et pour le département du Var. Les circuits se sont beaucoup améliorés sur ce plan, les monoplaces aussi. Celui de Monaco, qui, avant, était assez casse-gueule, est très attaché à la sécurité. Il faut féliciter les organisateurs pour le travail effectué. Grâce à ça, on rend possible l’impossible. Rouler à 300 km/h en ville et que les spectateurs soient aussi proches du circuit, ça ressemble à une gageure et pourtant, ça marche », poursuit-il, rappelant néanmoins que « la sécurité absolue n’existe pas ».

3ème en 1974 à Monaco
Le tracé monégasque, Jean-Pierre Jarier, le découvre à la télévision à l’âge de 10 ans. L’époque voit l’Argentin Juan Manuel Fangio et le Britannique Stirling Moss dominer la F1. Comme coéquipiers dans un premier temps et comme rivaux ensuite. Les virages de Sainte-Dévote et du Loews, la chicane du port, le tunnel Louis-II, Jean-Pierre Jarier les a arpentés pour la première fois en Formule 3. « Ça m’a fait un choc de piloter en ville. Le circuit et l’endroit m’ont beaucoup impressionné. Je n’aurais pas imaginé que je puisse un jour me retrouver à piloter à Monaco », se souvient l’ex-pilote. En 1974, au volant de sa Shadow, il décroche la troisième place. « J’aurais dû gagner ce Grand Prix mais j’ai connu des soucis d’allumage », indique Jean-Pierre Jarier. Selon lui, une dizaine de pilotes peuvent l’emporter ce dimanche. « Il faut un pilote adroit, qui ne tape pas dans les rails et qui a un peu de bol. Il y a un resserrement de la valeur des voitures à Monaco. Par exemple, la puissance du moteur ou l’aérodynamisme comptent moins que sur d’autres courses. Parmi les favoris, on peut citer Alonso, Vettel, Button, Rosberg et Hamilton. Être le plus rapide sur la piste en principauté peut peut-être permettre de gagner mais ça ne garantit pas la victoire à 100 %. Il peut y avoir des surprises. Sur la majorité des circuits, on part à 22 voitures, on arrive à 18. A Monaco, on part à 22 et on peut finir à 10. Tous les pilotes aiment Monaco même ceux qui ne se font pas au circuit », résume l’ancien journaliste. Quid des Français engagés dans la course (Grosjean, Vergne, Pic, Bianchi) ? « Entre Grosjean et Raïkkönen, c’est un match de boxe car Grosjean a une meilleure voiture que Raïkkönen mais Raïkkönen est plus connu que lui. L’adversaire n°1 d’un pilote, c’est son copilote. Il faut que Grosjean fasse les mêmes temps que Raikkonen en et hors course, qu’il soit plus fiable que lui. Il sera jugé par rapport à sa notoriété. Quant aux autres, ils n’ont pas de voitures suffisamment bonnes pour faire quelque chose », estime Jarier.

« Un transfert du sport vers l’écurie »
Jean-Pierre Jarier porte cependant un regard critique sur la F1 aujourd’hui. Les nouvelles technologies ont envahi les monoplaces, ce qui laisse moins de liberté au pilote. « Deux courbes se croisent : la première descend et traduit un amenuisement du sport dû à la technologie et au transfert de la F1 aux écuries, la seconde, ascendante, est celle de la médiatisation. L’électronique aurait dû attirer plus de spectateurs. Avant, il y avait seulement deux ou trois caméras pour filmer un Grand Prix, aujourd’hui, il y en a partout et il y a même un hélicoptère », analyse l’ex-pilote qui fustige l’arsenal embarqué dans les voitures de course. « La décision relève moins du pilote que de l’écurie. Avec les radios, les positions sont stabilisées à 4-5 tours de la fin, les coureurs doivent se plier aux ordres de leurs écuries, même si ce n’est pas ce qu’a fait Vettel en Malaisie*. Avec la télémétrie, les écuries peuvent régler le moteur à distance, elles savent tout ce qu’il se passe dans la monoplace. Il y a trop d’assistance au pilotage », développe-t-il. Et Jean-Pierre Jarier, qui regrette l’audace des dépassements d’antan, de prendre entre autres pour exemple les départs de Grands Prix. « Je suis consterné par les départs de Grands Prix d’aujourd’hui. S’il se loupe au départ, un pilote va accuser l’électronique. Avant, c’était tout un art de faire patiner les roues et démarrer. Les constructeurs, notamment les Anglais, ont foutu ça en l’air. Quand je vois des team managers monter sur le podium, je trouve que c’est une injure faite au sport automobile. On est dans un championnat mixte constructeurs/pilotes alors qu’il faudrait séparer les deux », dit-il.
Sur l’avenir de la F1, Jean-Pierre Jarier pense comme le président de l’Automobile Club de Monaco, Michel Boeri, que la F1 peut « faire rêver pendant encore longtemps ». Mais il se veut prudent sur la notion de « longtemps ». « Si l’écologie prime, si le prix du carburant s’envole, les gens se demanderont pourquoi on fait rouler des voitures de course alors qu’eux-mêmes n’auront pas les moyens de se payer l’essence pour se rendre au travail. Il n’y aura alors plus de Grand Prix de Monaco mais seulement dans des pays comme la Chine, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, etc. », relève l’ancien coureur, pour qui les Grands Prix électriques ne présentent « aucun intérêt pour l’instant ». « La F1, c’est la fureur, c’est le bruit. Mais dans 50 ans, nous n’aurons peut-être pas le choix », nuance-t-il en faisant une autre prédiction : « Le centre de gravité des Grands Prix va changer. Je pense que la Formula One Management (société dirigée par Bernie Ecclestone qui gère les droits commerciaux de la F1) est prête à larguer l’Europe s’il le faut. »

* Lors du Grand Prix de Malaisie, le 24 mars 2013, Sebastian Vettel avait outrepassé les consignes de son écurie en doublant Mark Webber son coéquipier chez Red Bull et en s’octroyant ainsi la victoire.