vendredi 29 mars 2024
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Susie Wolff : « Les grid girls font partie du glamour de la Formule 1 »

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Après avoir engrangé ses premiers points lors du premier grand prix de la saison en Formule E sur le circuit de Dariya en Arabie Saoudite, l’équipe Venturi espère confirmer ce bon résultat à Santiago du Chili, samedi 18 janvier. Forte de son alliance avec Mercedes, l’écurie monégasque aborde cette nouvelle saison avec beaucoup d’ambition.

Monaco Hebdo a rencontré la directrice de Venturi racing, Susie Wolff. Interview.

Vous entamez votre deuxième saison à la tête de l’équipe Venturi : quel bilan tirez-vous de votre première saison ?

C’est fantastique pour moi d’être à la tête du team Venturi. C’est génial de travailler aux côtés de Gildo Pastor qui est un visionnaire. Dès le début, il a vu le potentiel que nous avions. Pour ma première saison avec le team Venturi, je suis très fière que nous ayons pu empocher notre première victoire et que nous ayons été sur le podium plusieurs fois. Mais pour moi, c’est juste le début de l’aventure. Nous voulons aller plus loin avec cette équipe, car nous avons le potentiel pour faire plus. Nous avons maintenant opéré un changement grâce au partenariat avec Mercedes [Pour cette saison, Venturi bénéficie d’un moteur Mercedes – N.D.L.R.]. Je pense que c’est un excellent choix stratégique pour le futur afin d’être aligné avec les grosses écuries. Nous avons de très bons pilotes, des gens fantastiques dans l’équipe. Je suis très excitée pour la suite de la saison.

Pourquoi cette alliance avec Mercedes ?

C’est une décision stratégique de Gildo qui a senti qu’avec la façon dont la Formule E se développait avec les grosses écuries, il devait s’aligner en tant que petite équipe indépendante. Il a donc choisi une grosse écurie à succès dans le sport automobile. C’était vraiment sa décision de choisir Mercedes. Quand il m’a approchée pour travailler sur le projet, avec ma relation familiale et mon histoire avec Mercedes, cela correspondait parfaitement. Le partenariat a très bien débuté pour Mercedes, avec deux podiums et une quatrième place. C’était un premier pas dans la bonne direction.

« Le sport automobile est toujours perçu comme dominé par les hommes. La vérité, c’est qu’il y a des femmes très talentueuses, qui ne sont pas toujours en position de conduire devant les caméras »

Que va concrètement apporter Mercedes à Venturi ?

Je ne pense pas qu’ils soient là pour « apporter » quelque chose. C’est plus un soutien logistique au niveau du moteur. Même si, évidemment, c’est une compagnie qui sait gagner des courses. Ils connaissent la voie du succès, ils sont très engagés dans le projet Formule E. Nous travaillons de manière très étroite ensemble pour rendre nos quatre voitures plus rapides. Évidemment, avec ma relation avec Mercedes, il y a un énorme respect de notre côté et jusqu’ici tout fonctionne très bien.

Comment s’est effectué le rapprochement avec Mercedes et quel rôle a joué votre mari, Toto Wolff ?

Malgré son poste de directeur du team Mercedes Formule 1 (F1), il n’est pas directement impliqué dans le projet Formule E. C’est mon homologue, Ian James, qui gère cela pour Mercedes. C’est une décision stratégique pour Mercedes de travailler avec quelqu’un qui était sur le circuit formule E depuis le début. Je pense que c’était un choix très intelligent pour Mercedes car ils sont nouveaux dans le championnat. Ils ont engrangé beaucoup d’expérience en travaillant avec Venturi, c’est une situation gagnant-gagnant. Nous bénéficions de leur savoir-faire en tant que gros constructeur. Toto n’était pas impliqué mais il a dû donner son feu vert.

Quel impact a cette alliance sur votre organisation et votre staff ?

Nous n’avons pas directement d’employés de Mercedes dans notre équipe, nous sommes surtout une équipe monégasque. La seule influence que nous avons de Mercedes, ce sont les ingénieurs qui gèrent les trains de propulsion, parce que ce sont leurs technologies.

Quel bilan tirez-vous de la première course ?

Premièrement, je pense que la Formule E est très concurrentielle. Mercedes savait où il mettait les pieds. Ils sont allés sur le podium deux fois avec leurs voitures : ce sont des débuts très impressionnants. Nous étions en quatrième position. Nous avons montré que l’équipe était solide. C’était donc un très bon week-end d’ouverture. Nous avons vu que nous avions le potentiel pour aller plus loin cette saison. Il y a tellement de variables et de zones qui peuvent vous poser des obstacles dans votre quête de podium. Notre équipement est très solide, mais on a du retard à rattraper sur les deux équipes les plus rapides. C’était un bon début, mais nous devons continuer à progresser pour se battre pour les premières places.

Quels sont vos objectifs cette saison ?

Mon objectif est de terminer dans le top 6 du championnat. Bien sûr, j’aimerais revivre des moments forts comme l’année dernière avec notre première victoire. J’aimerais plus de victoires, plus de podiums. Nous avons manqué de régularité l’an dernier. Nous avons eu des fulgurances et des week-ends terribles. Donc, il nous faudra plus de régularité cette saison.

Vous avez renouvelé votre confiance à Felipe Massa et Edoardo Mortara : quelles sont leurs qualités ?

Je suis très fière de nos pilotes. Felipe a fini sur le podium l’année dernière à Monaco. Edoardo a gagné une course. Ils ont montré de quoi ils étaient capables en Formule E. Les deux ont des caractères très différents, les deux sont très complémentaires et les deux sont très engagés pour faire avancer l’écurie. On tire tous dans le même sens. De ce point de vue, nous sommes très chanceux d’avoir ces pilotes. Felipe a une grosse vitesse de pointe. Edoardo est plus réservé, alors que Felipe, sud-américain, est plus dans l’émotion. Edoardo a une vision plus technique. Mais les deux sont très talentueux.

« Les “grid girls” font partie du glamour de la F1. Et je n’ai pas de problème en tant que femme de voir des “grid girls”. Je les trouve très élégantes. Et je pense qu’elles font partie de l’histoire. J’ai toujours été consciente de cela, et ça ne m’offense pas »

Arthur Leclerc, le frère du pilote Ferrari de F1, Charles Leclerc, fait partie du team Venturi : quel sera son rôle cette saison ?

Arthur joue un rôle important dans l’équipe. Pour moi, c’est un jeune pilote très rapide, avec beaucoup de potentiel. Ça a toujours été un rêve d’avoir un Monégasque dans une équipe monégasque. S’il continue à progresser, il aura un rôle plus important. Pour l’instant, il travaille sur le simulateur, il prend part aux “rookies tests”. Ils s’adressent aux pilotes qui n’ont jamais participé à une course et qui n’ont pas de licence. C’est une opportunité pour les jeunes pilotes.

Peut-il, à terme, devenir un pilote Formule E chez Venturi ?

Oui, mais à l’avenir. C’est un jeune qui doit grimper les échelons. Il a fait deux saisons de Formule 4. La saison prochaine va être importante pour lui. S’il continue à gagner des courses, à se développer, il sera d’intérêt pour nous et pour beaucoup d’écuries.

Peut-il avoir la même carrière que son frère, Charles ?

Il n’y a pas de Ferrari en Formule E. Mais oui, bien sûr, car il est jeune avec beaucoup de potentiel. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas.

Quel regard portez-vous sur le parcours de Charles Leclerc en F1 ?

Il a un talent fantastique. Il a fait de très bonnes performances avec Ferrari cette année. La famille est très sympathique. Arthur, Lorenzo et Charles… Charles va avoir une magnifique carrière en F1.

Peut-il gagner le championnat du monde de F1 ?

Absolument.

La Formule E représente l’avenir des courses automobiles ?

Nous avons déjà 10 constructeurs en Formule E, sur 12 équipes. Il y a un fort intérêt dans ce secteur automobile. Il n’y avait jamais eu les quatre géants allemands : Audi, BMW, Porsche et Mercedes. C’est déjà quelque chose dont la Formule E peut être fière. Il pourrait y avoir plus d’intérêt de la part des Américains, peut-être des Japonais aussi, car il n’y a que Nissan. Mais voyons comment cela se développe.

Mais est-ce le futur ?

Je pense qu’on a beaucoup opposé la Formule E avec la F1. Or, ce sont deux choses très différentes. Elles peuvent coexister. La F1 a plus de cinquante ans d’héritage, la Formule E cinq. Donc si les deux sont des plateformes très différentes, elles offrent quelque chose de complémentaire. Je ne pense donc pas qu’on puisse dire : « La Formule E est le futur, et la F1 ne l’est pas. » Les deux peuvent exister l’un à côté de l’autre. La Formule E est un support très excitant, puisque ce sont des voitures électriques. Ce qu’on va voir arriver de plus en plus sur les routes, dans les villes. Nous faisons des courses dans les centres-villes, donc nous amenons les courses au public. Nous ne leur demandons pas de se déplacer sur les circuits. C’est très excitant. Mais je ne pense pas que ça doit être l’un ou l’autre. Ca peut être les deux.

1 Question 1 Minute avec Susie Wolf

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Pourquoi les constructeurs s’intéressent-ils de plus en plus à la Formule E ?

La Formule E est plus écologique et les ajustements techniques sont moins coûteux. Cela fait qu’une petite écurie peut quand même être compétitive. Alors qu’en F1, il y a plus d’écart entre les constructeurs. Il y a bien sûr le fait que ce soit une nouvelle technologie. Les batteries des voitures de course seront dans les voitures urbaines. Dans cinq ans, les routes et les centres-villes seront différents et constitués principalement de voitures électriques.

La Formule E va devenir la saison prochaine un championnat du monde reconnu par la fédération internationale de l’automobile (FIA) : c’est une bonne nouvelle ?

Je pense que c’est une bonne nouvelle. La FIA soutient fortement le championnat depuis le début. Ce qui est fantastique, c’est désormais de pouvoir s’attribuer le titre de champion du monde officiellement. C’est très prestigieux.

Quel regard portez-vous sur la place des femmes aujourd’hui dans le sport automobile ?

Je pense que nous avons un taux très faible de participations de femmes dans le sport automobile. Le sport automobile est toujours perçu comme dominé par les hommes. La vérité, c’est qu’il y a des femmes très talentueuses, qui ne sont pas toujours en position de conduire devant les caméras. C’est en partie la raison pour laquelle pour rentrer en contact avec la FIA, nous avons rejoint un projet comme « The Girls on track » [ce projet vise à promouvoir le sport automobile auprès des jeunes femmes âgées de 13 à 18 ans – N.D.L.R.], qui est une évolution de ce que j’avais lancé, « dare to be different ».

Que faire pour les encourager à se lancer ?

Tout simplement, nous voulons inspirer la nouvelle génération de jeunes filles et de femmes d’entrer dans le sport automobile et pas seulement en tant que conducteurs. Il y a diverses opportunités de l’ingénierie à la mécanique, en passant par les médias et la préparation physique. Nous voulons ouvrir le plus possible ce sport à la diversité. Nous mettons en place des évènements pour intégrer des étudiantes à la course en créant des opportunités pour celles qui essaient de rentrer dans le sport. Nous créons des modèles autres que des femmes qui font de la compétition. C’est surtout un appel à agir, nous voulons que notre sport soit plus diversifié. De ma position, c’est une magnifique plateforme pour avoir une audience plus diverse et pas seulement des personnes qui y travaillent. Si on ne fait rien, rien ne changera. Notre rôle avec la commission « Femmes dans le sport automobile » de la FIA est de s’assurer que la participation des femmes dans le sport automobile augmente.

Que pensez-vous des “grid girls” [hôtesses de circuit – N.D.L.R.], toujours présentes au grand prix de Monaco ?

Je pense que c’est super. Les “grid girls” font partie du glamour de la F1. Et je n’ai pas de problème en tant que femme de voir des “grid girls”. Je les trouve très élégantes. Et je pense qu’elles font partie de l’histoire. J’ai toujours été consciente de cela, et ça ne m’offense pas.

La Formule E se veut plus « écologique » que la F1, mais l’électrique a aussi un impact environnemental : n’est-ce pas paradoxal ?

Je regarde la situation dans son ensemble et je pense que la Formule E fournit une excellente plateforme pour faire prendre conscience de la capacité de la mobilité électrique comme alternative au moteur à combustion. De mon point de vue, tout ce qui favorise l’utilisation de sources d’énergie plus propres, plus vertes et renouvelables est une bonne chose. Je pense que la visibilité du sport a un rôle énorme à jouer dans ce domaine, avec des courses au cœur des plus grandes villes du monde. Nous sommes en mesure de montrer à un large public mondial que, non seulement les véhicules électriques conviennent au quotidien à la vie urbaine, mais plus que cela, ils peuvent être très compétitifs. La course montre ainsi clairement comment la technologie de la mobilité électrique a évolué pour produire des voitures rapides, réactives et très efficaces. La révolution électrique est en marche, et la Formule E est un terrain d’essai solide pour les dernières technologies automobiles qui apparaîtront bientôt dans les voitures de route électriques.

Pour préparer les grands prix dans le monde entier, vous avez besoin de transporter les voitures et le matériel par avion, donc l’empreinte carbone est très importante : qu’en pensez-vous ?

Nous essayons d’être le plus efficace possible dans notre logistique de voyages et de fret. Mais les efforts de développement durable de Venturi ne commencent et ne se terminent pas avec le championnat de Formule E. Sous la direction du président de Venturi, Gildo Pastor, Venturi a établi de nouveaux records du monde avec des véhicules électriques démontrant la fiabilité et l’efficacité énergétique dans des conditions extrêmes, par exemple avec le projet Venturi Antarctica qui montre la faisabilité d’utiliser des véhicules zéro émission dans des conditions extrêmes de l’Antarctique.

Quoi d’autres ?

Nous sommes également en train de rendre notre siège social à Monaco aussi durable que possible. Nous essayons même de rendre notre équipement d’équipe aussi respectueux de l’environnement que possible en utilisant des matériaux recyclés. Tout cela aide. Je pense que nous devons compenser notre impact environnemental par notre implication dans un championnat spécialement créé pour sensibiliser aux avantages de la mobilité électrique dans la lutte contre la pollution de l’air, qui est actuellement le plus grand risque environnemental pour notre santé.

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