mardi 23 avril 2024
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Etienne Franzi : “Il n’y a eu aucun petit arrangement entre amis”

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Etienne Franzi
Etienne Franzi : « Il n’y a pas de guerre franco-monégasque au sein de l’ASM » © Photo Monaco Hebdo.

Interrogé sur sa gestion du club, Etienne Franzi aime à rappeler, s’inspirant de la formule du Général De Gaulle, que ce n’est pas à 64 ans qu’il va commencer une carrière de magouilleur. Alors que l’ASM est dans le rouge et plonge vers la relégation en Ligue 2, le président de l’ASM garantit que le club devrait s’en sortir financièrement. Interview relue et amendée.

Monaco Hebdo : Pourquoi avoir été particulièrement discret depuis votre reprise du club il y a deux ans ?

Etienne Franzi?: Quand je suis arrivé, la saison était quasiment terminée, le train était parti. Puis, la saison 2009-2010 s’est bien passée, nous avons été en finale de la coupe de France. Par conséquent, je considérais que mon rôle était d’assurer une coordination générale de l’ensemble et de vérifier que, financièrement il n’y avait pas de problèmes, notamment en ce qui concerne les transferts de joueurs et leur adéquation à nos finances et aux prix du marché. Pour moi, le rôle essentiel du président se limitait à cela.

M.H.?: Vous avez opéré des restructurations??

E.F.?: A mon arrivée, j’ai pris des mesures de redressement car certaines choses soit fonctionnaient mal, soit n’étaient pas absolument nécessaires sur le plan de l’encadrement administratif et financier. L’ASM ayant des moyens limités, elle devait les consacrer à l’essentiel?: l’équipe.

M.H.?: Certains l’ont traduit comme une reprise en main du club par les Monégasques et comme une guerre des chefs. C’est vrai??

E.F.?: Il y a dans toute collectivité des atomes plus ou moins crochus entre les uns et les autres. Mais il n’y a pas de guerre franco-monégasque au sein de l’ASM. Les relations entre les hommes ne sont pas toujours harmonieuses. C’est dans la nature humaine, sans lien avec leur nationalité. Avec MM. Hubac ou Cloux (les directeurs respectifs de la communication et financier qui ont été licenciés, ndlr), je n’ai eu aucun problème personnel. Je ne les connaissais pas. Mais j’ai pensé qu’au vu de la situation financière de l’AS Monaco, qui a des ressources limitées, on pouvait se passer de leur apport, de quelque qualité qu’il fut.

M.H.?: En tout cas, depuis peu, vous avez décidé de vous investir davantage?: vous assistez aux entrainements à la Turbie et êtes sorti du silence auprès des médias. Ce sont les mauvais résultats du club qui vous ont poussé à changer de cap??

E.F.?: Cette année, en effet, tout a changé. Pourtant, au début de la saison, les observateurs nous voyaient comme des outsiders possibles?: on a fait 0-0 à Lyon, match nul à Marseille et battu Auxerre, qui était en Champions’League… Après ça s’est dégradé. J’ai alors considéré qu’il fallait que je m’implique plus. Au niveau du staff, on m’a fait valoir l’importance pour les joueurs d’avoir le sentiment, par une présence marquée du Président auprès de l’équipe, que l’ensemble de la hiérarchie était derrière eux. C’est pourquoi je monte désormais deux fois par semaine à l’entraînement à La Turbie.

De même, pour que les choses se fassent plus rapidement et avec un maximum de concertation, j’ai mis en place une espèce de « comité de direction »?: une fois par semaine, je réunis les principaux responsables du club. Le vice-président Michel Aubéry, l’administrateur chargé des finances Raymond Bella, le directeur général Marc Keller, le directeur opérationnel Uboldi, le responsable de la cellule « Recrutement » Jeannot Petit et, bien entendu, l’entraîneur Laurent Banide.

M.H.?: Aujourd’hui, la descente en Ligue 2 est inéluctable??

E.F.?: Il reste 30 points à prendre. Les jeux ne sont pas faits. Il est certain qu’avant le match contre Nancy, j’étais plus serein. La victoire à Bordeaux a, certes, compensé en points la défaite contre Nancy, mais nous avons laissé 3 points à un rival direct… Mais je veux être optimiste?: je sens l’entraîneur très impliqué et volontaire, les joueurs aussi.

M.H.?: Qu’est ce qui manque selon vous??

E.F.?: Certains joueurs sont très jeunes. Il y a aussi un manque de confiance. On l’a bien vu contre Nancy pendant la première demi-heure. Certains ont pensé que c’était de la suffisance. C’était de la crispation. Le pénalty raté est un signe de ce manque de confiance. Tout est alors devenu plus difficile. Nancy était déjà venu à Monaco pour défendre?; à 1-0, il n’y avait plus un Nancéen devant en seconde mi-temps.

M.H.?: Aujourd’hui, vous misez sur quels joueurs??

E.F.?: Certains joueurs comme Diarra ou Ruffier ont, par leur charisme, un rôle particulier. Au mercato d’hiver, on a essayé de recruter des joueurs d’avenir. C’est le cas de Moukandjo (achat) qui s’est complètement révélé lors du match contre Nancy, de Maazou (prêt) qui est un joueur combatif et qui aime bien Monaco – mais qui malheureusement s’est blessé dès le premier match – ou encore Welcome (option) qui, s’il n’est pas titulaire, a de grosses possibilités. Et puis on a pris des joueurs d’expérience pour aider à se sortir de cette période difficile. Diarra en est l’archétype. C’est un homme important sur le terrain et dans les vestiaires. On verra si ce mix tient bon.

M.H.?: Contrairement à MBokani qui a dit qu’il ne voulait plus revenir à Monaco??

E.F.?: MBokani a eu un problème d’adaptation et un choc de personnalités avec l’entraîneur. A Wolfsburg, ça fait deux fois qu’il est titulaire alors que deux attaquants de qualité, tels que Grafite, sont sur le banc. Ce n’est peut-être pas Raul mais en tout cas, c’est un bon joueur. Wolfsburg a une option. On verra s’ils la lèvent. Bien sûr, MBokani ne doit pas conserver un bon souvenir de son passage à Monaco, mais au football, il ne faut jamais dire fontaine je ne boirai plus de ton eau.

M.H.?: La fin de contrat de Lacombe arrivait en juin. Ça a coûté cher au club de rompre son contrat??

E.F.?: Son salaire jusqu’à la fin du contrat plus 6 mois. C’est la norme prévue par la charte de l’entraîneur, tout comme les deux ans de contrat signés avec le nouvel entraîneur. S’agissant du montant, on a prévu une clause de confidentialité?: il la respecte, je la respecte.

M.H.?: Quel est l’actionnariat du club aujourd’hui?? MSP a toujours le même tour de table?: 40 % SBM, 20 % famille Marzocco, 20 % Patrice Pastor et 20 % un pool d’actionnaires privés, les amis de Monaco??

E.F.?: La SAM dont je suis président et qui gère l’équipe a 2 actionnaires?: MSP et la section amateur, titulaire de la licence. A MSP, rien à ce jour n’a changé. S’agissant de la SBM, elle détient toujours 40 % des parts mais c’est un partenaire dormant. Vu ses activités dans les jeux en ligne, la SBM ne peut se mêler de la gestion du club et ne s’en mêle pas, ni de près ni de loin. Elle n’a d’ailleurs pas de représentant au conseil d’administration.

M.H.?: Vous avez vu le rapport de la DNCG sur les comptes 2009-2010 du club. Le président de l’union des clubs sportifs conteste le rapport. C’est votre cas??

E.F.?: Je ne l’ai pas lu.

M.H.?: Il indique que vous avez 25,6 millions de dettes??

E.F.?: Ce chiffre ne représente pas notre endettement mais le total du passif, contrebalancé par l’actif. Nous n’avons pas de dette « financière ». Les seules vraies dettes que nous avons, mais qui sont loin de ce chiffre, résultent des usages dans le milieu du football où les transferts ne sont jamais ni payés ni encaissés au comptant. On a donc des créances sur des ventes faites, assorties parfois de bonus (par exemple quand un club acquéreur se qualifie en Champions’League). Ainsi pour Menez, parti depuis quelque temps, on vient de recevoir une ultime échéance ces derniers jours. Pour les achats, c’est l’inverse. Ce sont des dettes que l’on étale sur plusieurs années.

M.H.?: L’actif essentiel de l’ASM, ce sont les joueurs aujourd’hui??

E.F.?: Tout à fait. Comptablement, les joueurs sont traités comme des immobilisations que l’on amortit chaque année. Un joueur acheté quatre millions pour quatre ans, n’est plus enregistré comptablement que pour un million au bout de trois ans, alors que sa valeur sportive a pu fortement augmenter dans l’intervalle. A cet égard nous avons effectivement la chance d’avoir de jeunes joueurs à fort potentiel comme N’Koulou, Ruffier, Mongongu, etc.

M.H.?: Un ratio d’endettement de 78 % du club, ça ne vous fait pas peur??

E.F.?: Ce chiffre doit être reconsidéré à la lumière des précisions déjà données en ce qui concerne les dettes. L’important c’est que nous n’avons aucun problème de trésorerie et que nous n’avons pas utilisé l’ensemble des avances d’actionnaires pour la remise des comptes à zéro au 30 juin 2010. Nous disposons donc de réserves. Pour ce faire, je me suis attaché à obtenir une diminution significative du « coût équipe » (masse salariale plus amortissements). C’est pour cela que nous avons laissé partir certains joueurs que j’appréciais, comme Perez et Modesto, dont les salaires étaient, désormais, « déconnectés » des possibilités actuelles de l’AS Monaco. Ce « coût équipe » aura ainsi réellement baissé de 5,6 millions d’euros environ en deux ans. On a fortement rationnalisé.

M.H.?: Vous passez bientôt devant la DNCG. Vous appréhendez??

E.F.?: Ces deux dernières années ça s’est parfaitement passé. Pas comme en 2004 où j’y étais allé pour une séance d’appel, en soutien aux dirigeants de l’époque, en ma qualité de responsable de la CMB.

Le club avait été rétrogradé par la « juridiction » de premier niveau et l’ambiance était délétère. A priori cette année il ne devrait y avoir aucun problème. Nous n’avons aucun souci de trésorerie contrairement à 2004 où d’importants retards de paiements étaient imposés aux fournisseurs.

M.H.?: Pourtant, selon les chiffres donnés par les conseillers nationaux – et émanant de la direction de l’ASM -, pour la saison 2009-2010, l’Etat a du renflouer de 6,3 millions d’euros, en reversant 3 % de la redevance SBM. Et devrait en faire autant cette année…

E.F.?: L’Etat n’a rien reversé, nous avons un lien direct avec la SBM. Il ne s’agit pas de renflouement mais de renforcement de l’équipe. Pour cette année, on ne sait pas encore quel sera le chiffre, qui va dépendre des résultats de la SBM. Pour les jeux, la période de Noël a semble-t-il été bonne. Dans le budget prévisionnel, on avait prévu 6,5 millions d’euros.

Globalement notre budget a été bâti sur une huitième place et, sur ces bases, le résultat prévu aurait encore été amélioré par le récent mercato d’hiver qui nous a laissé un petit bénéfice, alors même qu’en qualité, les arrivées ont largement compensé les départs et qu’on a été obligé de prendre, ce qui n’était pas prévu, un sixième joueur, en raison de la blessure de Maazou.

L’équilibre final dépendra du classement mais, quel que soit celui-ci, ça devrait passer financièrement.

M.H.?: Et en cas de descente??

E.F.?: Ce serait une grande tristesse pour moi, pour les supporters, pour le supporter numéro 1 qu’est le prince. Mais financièrement ça devrait également passer.

M.H.?: Pourtant, dans une interview dans L’Observateur de Monaco, Nathalie Abela-Aubéry, directrice de votre régie publicitaire SportCom, indiquait que bon nombre de clients ne suivraient pas en cas de descente en Ligue 2. Ce qui fait autant de rentrées en moins pour le club??

E.F.?: C’est certain. Mais c’est un tout et le coût de l’équipe diminuerait également.

M.H.?: Pourquoi avoir arrêté votre contrat de régie publicitaire avec Sportfive??

E.F.?: On leur apportait, dans l’ensemble, plus que ce qu’ils nous apportaient. C’est nous qui maintenions les plus gros sponsors. Sportfive est une grande maison mais, en réalité, elle nous apportait directement moins d’un million d’euros. Par ailleurs, ils demandaient un contrat de très longue durée sans minima d’objectifs, alors que l’autre proposition, présentée par Mme Abela, comportait des minima nous permettant de nous libérer, chaque année, si nécessaire.

M.H.?: Vous comprenez que certains ont pensé que vous l’aviez choisie car c’était l’ex-femme du vice président Michel Aubéry??

E.F.?: Madame Abela je ne la connaissais pas. Michel Aubéry n’est pas intervenu dans ce choix et je tiens à rappeler que pour les choses importantes, je suis le seul décideur. Il n’y a eu aucun « petit arrangement entre amis ». Cela étant, je me doutais bien que dans le landernau monégasque cela pourrait faire jaser. J’ai eu à choisir entre mon confort personnel consistant à ne prendre avec Sportfive aucun risque de commérage, et celui de mes successeurs qui, avec Mme Abela, ne seraient pas « ligotés » dans un contrat à long terme sans aucune garantie. Je ne regrette pas mon choix. Un contrat de montant significatif vient d’ailleurs d’être signé avec Fx-Pro, une société très active dans les plates-formes FOREX.

M.H.?: Si jamais il y a descente, il y aura un fusible?: Marc Keller risque de sauter??

E.F.?: L’heure n’est pas au bilan. Comme je l’ai déjà dit, il reste 30 points à prendre. Je m’entends en outre, très bien avec M. Keller qui apporte au club une grande connaissance du milieu, très particulier, du football.

M.H.?: Et votre sort personnel?? Resterez-vous à la présidence pour garantir une stabilité du club après tant d’années d’instabilité??

E.F.?: Je suis président, bénévole, et, comme tout mandataire social, révocable « ad nutum ». Même si je pense qu’il serait bon que le club garde une certaine stabilité, je ne suis pas maître de cette décision.

M.H.?: Seriez-vous favorable à une reprise du club par des actionnaires étrangers??

E.F.?: N’étant pas actionnaire du club, je n’ai pas à me prononcer sur cette question. Cela étant, pourquoi pas, s’il devait s’agir d’un investisseur de grande qualité sachant se mouler dans les spécificités monégasques et conscient, pour un engagement à long terme, du modèle économique particulièrement incertain du football.

M.H.?: Un actionnaire forcément minoritaire??

E.F.?: C’est une question de pacte d’actionnaires. Tout me paraît être envisageable et peut se négocier. Pour autant, à ma connaissance, à l’exception de Fedcom, il y a déjà un certain temps, aucun investisseur sérieux n’est venu frapper à la porte de l’ASM. Depuis que je suis Président, le seul qui m’ait contacté, c’est M. Di Stefano dont vous avez évoqué les difficultés récentes dans l’un de vos précédents numéros.

C’est vrai qu’il y a des investisseurs très généreux derrière chaque club important?: Chelsea, Inter, Real etc.

M.H.?: Et les Qataris de Qatari Diar, aujourd’hui actionnaires de Monaco QD, ils pourraient correspondre à ce profil??

E.F.?: Ce sont effectivement des gens sérieux, qui ne manquent pas de moyens et semblent avoir parfaitement appris les spécificités monégasques. Ils correspondent au profil mais je ne sais pas s’ils sont intéressés. Là, on est dans la « finance fiction ». Je n’ai aucun contact avec eux.