jeudi 25 avril 2024
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Entre Formule 1 et Formule E, une course vers le “propre”

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Ce n’est pas un combat à armes égales, mais Formule E et Formule 1 assurent réduire considérablement leur empreinte écologique. Devant la popularité grandissante de sa cousine tout électrique, en partie grâce à son image écolo, la Formule 1 s’adapte vers un nouveau modèle, se voulant moins polluant. Mais ce n’est pas si évident.

Ce serait le premier sport neutre en carbone depuis sa création. La Formule E, cousine 100 % électrique de la Formule 1 (F1), a obtenu la certification « neutralité carbone » lors de la semaine pour le climat à New York, en septembre 2020. Elle est, à ce jour [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 11 mai 2021 — NDLR], la seule catégorie de course à avoir reçu la certification indépendante ISO 20121, pour le développement durable dans l’événementiel, dont les compétitions sportives (1). Mais, pour y prétendre, l’ABB FIA Formula E Championship a dû bûcher. En collaboration avec le groupe suisse Quantis, spécialisé dans l’analyse du cycle de vie (ACV) et de développement durable, la Formule E calcule l’empreinte carbone globale sur chaque site du championnat depuis sa première saison, il y a six ans, avec pour objectif de réduire les émissions. C’est d’ailleurs ce que recommande la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), sur laquelle la Formule E se base. Pour parvenir à la neutralité carbone du championnat, la CCNUCC recommande en effet une feuille de route divisée en trois mesures clés : mesurer efficacement les émissions de carbone, privilégier la réduction de l’empreinte carbone et compenser les émissions restantes qui ne peuvent pas être évitées.

Recyclage des batteries

La Formule E assure également faire des efforts en optimisant sa logistique pour réduire les distances transports, mais aussi en prolongeant les options de vie des cellules de ses batteries au lithium-ion. La Formule E s’est en effet associée au géant belge Umicore, spécialiste dans le processus complet de recyclage des batteries lithium-ion, qui récupère et reconvertit les cellules utilisées dans les voitures de première génération. Des études sont également menées pour prolonger les batteries en fin de vie actuellement utilisées en course. La Formule E s’efforce également de supprimer les plastiques à usage unique sur site. Des gourdes réutilisables sont, par exemple, distribuées gratuitement aux spectateurs et à tout le personnel avec des stations de remplissage sur tout le paddock, la fan zone et les zones d’accueil. Reste ensuite l’une des forces de son modèle : les circuits éphémères dans les centres-villes, qui ne représenteraient que 4 % seulement de ses empreintes carbone toujours selon l’ABB FIA Formula E Championship. Les centres-villes étant plus accessibles que les champs de courses classiques, les spectateurs seraient davantage, encouragés à se déplacer en transports en commun. Enfin, l’empreinte de la voiture de course ne représenterait quant à elle que 1 % de l’impact de la course. Une goutte d’eau, pour ne pas dire une goutte d’huile.

À ce jour, la Formule E est la seule catégorie de course à avoir reçu la certification indépendante ISO 20121, pour le développement durable dans l’événementiel, dont les compétitions sportives

Quelques ombres au tableau écolo

Tout n’est, bien sûr, pas parfait. Il reste les émissions dites « inévitables », particulièrement liées aux déplacements et au nombre d’avions qui transportent le matériel. Mais aussi, parfois, au bitume éphémère déversé en centres-villes, pour que les bolides puissent assurer la course sans subir trop de secousses. Lors du premier e-Prix à Paris par exemple, en 2016, les habitants des quartiers limitrophes au circuit, autour de l’esplanade des Invalides, avaient protesté contre les désagréments causés par les engins chargés de déverser le goudron, mais aussi des ralentissements de circulation provoqués par les déviations. L’ABB FIA Formula E Championship a assuré cependant que le bitume éphémère et le gravier retirés ensuite sont intégralement réemployés et mélangés à du bitume neuf pour éviter d’être « jetés ». D’autre part, la Formule E table sur une réduction de ses émissions à hauteur de 25 % d’ici la saison prochaine, en 2022. Elle assure également que les émissions de dernières saisons ont été certifiées comme étant compensées par des investissements dans des projets « Gold Standard » et « Verified Carbon Standard » des Nations Unies, conformément au mécanisme pour un développement propre de la CCNUCC.

La Formule E s’est en effet associée au géant belge Umicore, spécialiste dans le processus complet de recyclage des batteries lithium-ion, qui récupère et reconvertit les cellules utilisées dans les voitures de première génération

Engouement grandissant

Ce côté « propre » semble séduire son public, et il permet à la Formule E de se construire peu à peu son audience, notamment grâce à l’émergence d’une touche glamour, traditionnellement réservée à la F1 (voir notre encadré ci-contre). Les courses ne sont pas encore aussi médiatisées que celles de F1, mais l’engouement est grandissant. Le nombre de spectateurs a en effet doublé en trois ans, avec près de 400 000 personnes recensées sur les circuits, et 411 millions de téléspectateurs, soit une hausse de 24 % de l’audience télévisuelle depuis le lancement de la compétition. Sur les réseaux sociaux enfin, la Formule E met en avant une hausse de près de 450 % de ses interactions sur Facebook et Twitter. Ces chiffres lui permettent d’équilibrer ses comptes et de recevoir des revenus issus du sponsoring, avec Heineken ou Bosch notamment. Ses revenus globaux dépassent d’ailleurs aujourd’hui les 200 millions d’euros. De quoi faire réagir la F1 ? Peut-être.

La F1 se veut plus propre

Le règlement de la F1 a changé depuis la nouvelle saison 2021, la compétition veut devenir moins chère et, à terme, plus propre, conformément à l’image que s’octroie la compétition électrique. Il est en effet question d’élaborer de nouveaux modes de propulsion, à horizon 2025, ainsi que de nouveaux carburants, moins polluants, comme l’hydrogène et les carburants synthétiques. Les moteurs sont donc, pour le moment encore, absents de la nouvelle réglementation, mais la F1 souhaite atteindre un bilan carbone neutre dès 2030, et cela devrait passer par l’utilisation d’un biocarburant. Aujourd’hui, au moins 5,75 % du carburant en F1 comprend des bio-composants. L’objectif affiché par Pat  Symonds, directeur technique de la F1, est d’atteindre 100 % du carburant en 2030, comme il l’a affirmé dès la saison 2019. Aujourd’hui encore, une saison de F1 produit près de 256 000 tonnes de C02, soit une empreinte carbone équivalente à celle de 25 000 ménages. C’est beaucoup. Une monoplace consomme près de 45 litres aux 100 km/h, lorsqu’une voiture traditionnelle n’en consomme en moyenne que 6 litres aux 100 km/h. Mais la technologie déployée en F1 évolue également, et affiche de nets progrès. Au début des années 2 000, la consommation d’une monoplace était équivalente au double des consommations actuelles, pour 80 litres consommés tous les 100 km/h avec un moteur V10.

© ACM Monaco

Le nombre de spectateurs a en effet doublé en trois ans, avec près de 400 000 personnes recensées sur les circuits, et 411 millions de téléspectateurs, soit une hausse de 24 % de l’audience télévisuelle depuis le lancement de la compétition

L’avenir des moteurs hybrides en question

La F1 est parfois critiquée pour être un sport polluant, mais la plupart des directeurs d’écurie rappellent que les moteurs actuels sont hybrides, et que leurs technologies participent à long terme à rendre moins polluantes les voitures de série. C’est, par exemple, ce qu’assure l’Autrichien Toto Wolf, patron de l’équipe Mercedes. Lors d’une conférence de presse à Melbourne, tenue en marge du Grand Prix d’Australie en 2019, celui-ci affirmait que les moteurs de F1 sont « tous équipés de systèmes de récupération d’énergie que l’on trouve sur les voitures de série les plus modernes. » Mais, malgré ce quasi-consensus dans l’univers de la F1, le constructeur japonais Honda a tout de même annoncé qu’il se retirerait de la compétition à l’issue de cette saison 2021. Et ce, dans l’idée de se concentrer sur son projet de neutralité carbone d’ici 2050. Une annonce forte, qui pose question sur le développement des moteurs turbo-hybrides, sur lequel le constructeur s’était justement spécialisé. Et une annonce forte qui questionne, peut-être aussi, la pertinence de vouloir à tout prix allier écologie et course automobile.

Vincent Cassel et Léa Seydoux invités surprise

Des stars et de la haute couture. Ce savoureux mariage, d’habitude associé à l’univers de la Formule 1 (F1), a démontré ce samedi 8 mai 2021 qu’il était désormais l’apanage, aussi, de la Formule E. Les acteurs Vincent Cassel et Léa Seydoux étaient en effet les invités surprise de l’écurie Jaguar cette saison à Monaco. Mais aussi la Nordiste Iris Mittenaere, couronnée à la fois miss France en 2016 et miss univers en 2017, toujours invitée par Jaguar. Cette touche glamour rappelle aussi que la griffe de luxe allemande Hugo Boss est partenaire officiel de la Formule E depuis 2017. Le pilote français Jean-Eric Vergne, double champion du monde, fait partie des ambassadeurs de la marque. Pour cette saison 2021, il est accompagné du pilote brésilien et champion du monde 2017 Lucas Di Grassi, ainsi que les deux pilotes allemands André Lotterer et Pascal Wehrlein, pour porter une collection spéciale Printemps/Eté d’Hugo Boss, qui habille également le staff, les employés et les bénévoles de la série E.

1) La certification ISO 20121, décernée par l’organisme d’accréditation SGS, a été confirmée après trois audits de contrôle lors de la saison 2020. Il s’agit d’une norme internationale pour intégrer la durabilité à l’activité événementielle, elle est parue peu après les Jeux olympiques de Londres en 2012. D’autres événements sportifs internationaux l’ont également obtenue, notamment les Jeux olympiques d’été de 2016 à Rio de Janeiro, le Championnat d’Europe de l’UEFA 2016 en France et l’Open de France de Roland Garros à Paris.