vendredi 19 avril 2024
AccueilActualitésSportDavid Massey : « Nous avons des projets pour encore améliorer l’expérience des...

David Massey : « Nous avons des projets pour encore améliorer l’expérience des spectateurs et des joueurs »

Publié le

À la tête du Masters 1 000 de Monte-Carlo depuis juin 2022, David Massey va vivre sa première semaine de compétition sous la casquette de directeur. Pour Monaco  Hebdo, ce Britannique de 44 ans, résident monégasque depuis 2001, a accepté de revenir sur son parcours, sa vision du tennis moderne, et ses futurs projets pour le tournoi. Interview (1).

Votre parcours ?

J’ai choisi le tennis parce que ma grand-tante était joueuse dans les années 1930. Depuis, le tennis a toujours été le sport de la famille. J’y ai moi-même joué, mais je n’ai jamais atteint le niveau professionnel. En 1999, j’ai commencé à travailler pour le Mallorca Open sur l’île de Majorque, d’où est originaire Rafael Nadal. Il ne s’agit pas d’un Masters 1 000 comme celui de Monte-Carlo, mais d’un tournoi ATP Tour. Cette expérience m’a permis de côtoyer l’ATP, et quand j’ai terminé mes études, ils m’ont demandé de travailler pour eux. En 2000-2001, j’ai donc rejoint l’ATP Tour, et j’y suis resté 20 ans, dans plusieurs départements. J’ai d’abord intégré le département de la communication, puis je suis passé au département des sponsors.

David Massey Masters 1000 Monte-Carlo
« L’héritage compte aussi beaucoup, car la liste des vainqueurs de ce tournoi est prestigieuse. Nous jouons dans le même club depuis 1928, au Monte-Carlo Country Club. Tous les grands joueurs sont venus ici. Il y a une vraie histoire club. » David Massey. Directeur des Masters de Monte-Carlo. © Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Et ensuite ?

Ensuite, j’ai occupé le département de la gestion des tournois. J’ai donc de l’expérience dans plusieurs domaines. Au cours de ces 20 années au sein de l’ATP Tour, j’ai aussi eu la chance de voyager beaucoup, de connaître les grands chelems, les Masters 1 000, en fait tous les tournois en Europe et plus encore. Le but pour moi, c’est de prendre toute cette expérience et de l’apporter à Monaco.

Justement, comment s’est passée votre arrivée au Masters de Monte-Carlo ?

Depuis 2002, j’ai assisté chaque année au tournoi de Monte-Carlo. Je connaissais donc très bien l’équipe ici. Et en 2021, ils m’ont proposé de quitter l’ATP Tour pour rejoindre l’équipe. Dans celle-ci, des personnes travaillent depuis 40 ans pour le tournoi. J’en profite pour leur apporter mon expérience mais leur expérience est aussi très importante pour moi. C’est un vrai travail d’équipe. Il ne faut pas oublier aussi que nous avons au sein de l’équipe l’ancien chairman ATP [Chris Kermode, conseiller exécutif et représentant désigné du tournoi — NDLR], avec qui j’ai travaillé auparavant, et notre présidente, madame de Massy. Toutes les décisions que nous prenons sont discutées préalablement ensemble. C’est d’ailleurs très bizarre de travailler toute l’année pour neuf jours de tournoi.

« Depuis 2002, j’ai assisté chaque année au tournoi de Monte-Carlo. Je connaissais donc très bien l’équipe ici. Et en 2021, ils m’ont proposé de quitter l’ATP Tour pour rejoindre l’équipe »

Pourquoi avez-vous décidé de quitter l’ATP Tour ?

Depuis fin 2001, je vis en principauté. J’ai trois enfants qui sont nés ici, qui sont enfants du pays. Ma femme est Française, mais elle habite en principauté depuis plus de 35 ans. Monaco, c’est notre maison. Donc, avoir l’opportunité de travailler ici, dans le tennis, il n’y a pas mieux. Ça n’a pas été évident de quitter l’ATP, parce que j’ai tellement de bons souvenirs… Mais, en même temps, le bureau était plus proche de chez moi. C’était un rêve dans ce sens-là.

David Massey Masters 1000 Monte-Carlo
« Le tournoi de Monte-Carlo est un Masters 1 000, qui correspond au nombre de points attribués au vainqueur. Et cela est très important dans le classement d’un joueur. Il y a aussi le fait que le tournoi lance la saison sur terre battue. » David Massey. Directeur des Masters de Monte-Carlo. © Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Comment s’est passée la transition avec votre prédécesseur, Zeljko Franulovic ?

J’ai tout d’abord passé trois mois avec son adjoint Philippe Rialland, avant qu’il décide de partir à la retraite. Il a laissé tout en ordre pour moi. J’en ai vraiment profité, car il avait une grande expérience. Je suis ensuite devenu directeur adjoint sur l’édition 2022. J’ai alors pu profiter de l’expérience de Zeljko Franulovic, qui a gagné le tournoi de Monte-Carlo en tant que joueur [en 1970 – NDLR], avant de le diriger pendant 17 ans. J’ai eu la chance de travailler avec lui. Et depuis juillet 2022, je suis devenu directeur.

Vous a-t-il donné des conseils avant de vous céder la place ?

Oui, Zeljko Franulovic était très focalisé sur les joueurs. Il a toujours voulu être juste avec eux. Je n’oublie pas ces conseils-là. Au niveau des installations, c’est clair que ça demande beaucoup de temps en planning. J’ai pu profiter des réunions qu’il a gérées. Après l’annulation du tournoi en 2020 et le huis clos en 2021, 2022 a été l’opportunité de faire un copier-coller de l’édition 2019 qui avait connu un grand succès. Nous avons eu la chance d’avoir neuf jours de soleil, ce qui est rare en avril. Et nous avons eu vraiment beaucoup de chance avec le passe vaccinal qui n’existait pas, et avec les jauges. Tout a été en notre faveur.

À quoi faut-il s’attendre en 2023 ?

En 2023, nous avons souhaité tout revoir, pour voir ce que l’on pouvait améliorer. Ça demande évidemment plus de budget, mais l’expérience des autres Masters 1 000 que j’ai pu visiter, m’a permis de constater l’investissement fait par les autres. Même chez les 500 et les 250, à des niveaux inférieurs, on voit la volonté d’investir pour améliorer le tournoi. C’est ce que nous avons voulu faire cette année, avec notamment avec le nouveau village VIP.

Cette 116ème édition réunira les 20 meilleurs joueurs mondiaux : qu’est-ce qui les attire à Monte-Carlo ?

Tout d’abord, le tournoi de Monte-Carlo est un Masters 1 000, qui correspond au nombre de points attribués au vainqueur. Et cela est très important dans le classement d’un joueur. Il y a aussi le fait que le tournoi lance la saison sur terre battue. C’est le premier grand tournoi européen en Masters 1 000. L’héritage compte aussi beaucoup, car la liste des vainqueurs de ce tournoi est prestigieuse. Nous jouons dans le même club depuis 1928, au Monte-Carlo Country Club. Tous les grands joueurs sont venus ici. Il y a une vraie histoire club.

David Massey Masters 1000 Monte-Carlo
© Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Votre tournoi a d’autres atouts ?

Nous avons aussi la chance d’avoir des spectateurs dès le premier jour. Il n’y a rien de mieux pour les joueurs que de jouer devant des tribunes pleines. Nous profitons beaucoup des clubs autour : des Alpes-Maritimes, d’Italie, et même de plus loin. Les premiers jours, ce sont de vrais passionnés de tennis qui viennent. Et jusqu’à la fin du tournoi, nous sommes complets.

Beaucoup de joueurs résident à Monaco : jouer ce tournoi à domicile doit aussi avoir une saveur particulière pour eux ?

Tout à fait. De plus en plus de joueurs résident à Monaco. L’avantage, c’est qu’ils ont accès au club toute l’année. Nous avons différents types de surfaces, donc, en décembre, ils viennent utiliser les courts en dur. Grâce aux conditions météo favorables, ils peuvent jouer en extérieur, même en hiver. Par ailleurs, l’aéroport de Nice n’est pas très loin, donc ils peuvent voyager en Europe. Et puis, Monaco est un endroit magnifique où vivre. Les joueurs maintenant sont mariés, ont des enfants… donc c’est aussi l’endroit idéal.

« En 2023, nous avons souhaité tout revoir, pour voir ce que l’on pouvait améliorer. Ça demande évidemment plus de budget, mais l’expérience des autres Masters 1 000 que j’ai pu visiter m’a permis de constater l’investissement fait par les autres. Même chez les 500 et les 250, à des niveaux inférieurs, on voit la volonté d’investir pour améliorer le tournoi »

Le Monte-Carlo Rolex Masters est celui qui apparaît être le meilleur pour préparer les Internationaux de France : partagez-vous cet avis ?

Très souvent, un joueur qui avance très bien ici avance aussi très bien à Roland-Garros. Nadal a très souvent gagné ici, avant de remporter Roland-Garros. Tsitsipas qui a remporté le tournoi de Monte-Carlo en 2021 a joué la finale à Roland-Garros la même année. Il y a donc souvent une corrélation entre leur prestation ici, et comment ils terminent la saison sur terre battue.

Quelle place occupe aujourd’hui le Masters de Monte-Carlo sur l’échiquier des tournois internationaux ?

Il existe neuf Masters 1 000, donc, au niveau ATP Tour, nous sommes dans la catégorie la plus haute. Au-dessus, il y a les 4 grands chelems et la finale à Turin. Le Masters de Monte-Carlo est le plus ancien tournoi sur terre battue. Et je crois que nous sommes le septième tournoi le plus ancien toutes surfaces confondues. L’héritage est donc énorme. Et l’avantage que nous avons, c’est notre position. Au mois d’avril, il n’y a pas beaucoup d’endroits où vous pouvez jouer à l’extérieur. On croise les doigts cette année pour avoir du beau temps. C’est important, car l’expérience des joueurs ici c’est la transition des surfaces et l’héritage. Je suis convaincu que les joueurs veulent surtout gagner le tournoi, et rajouter leur nom sur la longue liste des vainqueurs.

« Très souvent, un joueur qui avance très bien ici avance aussi très bien à Roland-Garros. Nadal a très souvent gagné ici, avant de remporter Roland-Garros. Tsitsipas qui a remporté le tournoi de Monte-Carlo en 2021 a joué la finale à Roland-Garros la même année »

Organiser un tournoi comme celui de Monte-Carlo, combien ça coûte ?

L’un des conseils que monsieur Franulovic m’a donné, c’est de ne pas parler de chiffres (rires). Le budget est important. C’est la raison pour laquelle nous avons une petite équipe qui travaille à l’année, parce qu’il faut gérer les dépenses et les recettes. Nous avons trois catégories de revenus : les spectateurs et toutes les consommations sur site, les sponsors et les droits des médias. Chacun représente environ 33 % de nos revenus. Mon rôle, c’est qu’il y ait un bénéfice pour le tournoi.

Combien ont coûté les changements cette année ?

Nous avons beaucoup investi dans certains secteurs. Nous n’allons pas en tirer les bénéfices tout de suite, mais c’est pour le futur. Et nous ne comptons pas nous arrêter là, car nous avons des idées pour le futur. Pour nous, il est important de voir ce que nous pouvons améliorer chaque année. Mais nous avons vraiment sauté une étape entre 2022 et 2023 avec les installations, les panneaux LED, les réseaux sociaux… Tout ça demande des investissements.

Dans quels domaines comptez-vous investir à l’avenir ?

Au niveau des télévisions, le Masters 1 000 appartient à une société qui s’appelle ATP Média. Sur site, nous avons environ 135 000 personnes, mais nous touchons environ 70 millions de personnes, et j’espère plus. Nous essayons toujours de voir comment nous pouvons améliorer l’expérience pour ces téléspectateurs. Au niveau production, nous avons cette année encore rajouté des caméras sur le court central. Nous aurons aussi un drone qui va partir du Monte-Carlo Bay. Au niveau des installations, nous essayons de trouver encore plus de place. Mais nous avons quelques projets pour améliorer l’expérience pour les spectateurs sur site, à distance et aussi pour les joueurs. Chaque année, nous allons franchir une étape.

David Massey Masters 1000 Monte-Carlo
© Iulian Giurca / Monaco Hebdo

Quelles sont les difficultés et les contraintes auxquelles vous êtes confronté ?

À part les installations du club, tous les courts et le village sont construits. Très souvent, dans les autres Masters 1000, les stades sont permanents. Par exemple, nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un toit sur le court central. Comme il est temporaire, cela réclamerait beaucoup d’investissement chaque année. Si nous disposions d’un stade permanent, nous pourrions penser à faire un court couvert. Nous en avons d’ailleurs un, et j’espère que nous pourrons le faire encore plus grand à l’avenir. D’autre part, l’accès à Monaco n’est pas toujours évident, car il y a des travaux côté Cap-Martin et à Monaco. La circulation est donc difficile, même en période normale. Il faut penser venir en train, à pied, ou en bus. Des navettes gratuites partent depuis la gare.

Vous subissez d’autreas contraintes ?

Nous manquons de parkings. Si nous pouvions avoir trois fois le nombre de parkings, nous serions ravis. Le gouvernement de Monaco nous aide beaucoup sur ce point-là. Nous comptons sur les parkings publics et celui de la Société des bains de mer (SBM). Nous devons composer avec les contraintes de Monte-Carlo Country Club, mais, en même temps, nous ne pouvons pas dire qu’il faut bouger le tournoi pour avoir beaucoup plus d’espace. Au final, la force de ce tournoi c’est le Monte-Carlo Country Club, c’est d’être à Monaco, devant la mer. Tous ces avantages, nous voulons les conserver. Nous essayons de travailler au maximum les structures autour de ça.

D’autres Masters 1 000, comme Rome ou Madrid par exemple, vont durer plus longtemps : est-ce que Monaco va suivre aussi ce mouvement ?

Madrid et Rome sont à la fois des tournois ATP et WTA [tournoi féminin — NDLR]. Ça demande beaucoup de courts, beaucoup d’installations. Et ça demande deux semaines dans le calendrier. À Monaco, nous n’avons pas les installations pour le faire. D’autre part, le calendrier est tellement serré entre les grands chelems et les autres Masters 1 000 que ce n’est pas quelque chose qui est prévu pour le futur. En tout cas, pour l’instant. Nous allons rester sur 9 jours de compétition. Cette année, notre tableau réunit le Top 20 mondial. Sur les 45 joueurs inscrits, le moins bien classé est 48ème mondial. Je crois que si nous avons ce tableau exceptionnel, c’est aussi grâce au calendrier, parce qu’ils prévoient de jouer ici et de prendre une pause avant Madrid et Rome.

Pourrait-il y avoir un jour un tournoi féminin à Monaco ?

Nous avons étudié cette possibilité, mais ce n’est pas prévu pour le moment. Il serait difficile de l’organiser en même temps, car nous n’avons pas les installations. L’organiser une semaine avant serait aussi compliqué, dans la mesure où nous avons déjà beaucoup de demandes sur nos courts et sur des vestiaires. Et le faire après, ce n’est pas évident non plus. Pour l’instant, ce n’est donc pas prévu. Est-ce que si nous disposions des installations nécessaires, nous le ferions ? Je crois que c’est quelque chose que nous aimerions ajouter. Mais, je le répète, ce n’est pas prévu pour l’instant.

Quel regard portez-vous sur le tennis actuel et sur l’évolution de ce sport ?

Quand j’ai commencé à l’ATP, il y avait à l’époque André Agassi, Pete Sampras… Et on se demandait ce que ce sport allait devenir sans ces joueurs. On ne connaît pas le futur des joueurs, mais on sait qu’à chaque fois il faut un peu de temps, il faut gagner des grands titres, des Masters 1 000, des grands chelems pour repérer les prochaines stars. Le niveau de tennis actuel est exceptionnel. Nous allons encore avoir des stars, comme Carlos Alcaraz, Stefanos Tsitsipas… Aujourd’hui, il y a une telle profondeur dans le sport, que je n’ai aucune inquiétude sur ça. Nous aurons de magnifiques joueurs de tennis dans les années à venir. Ils vont même peut-être jouer à des niveaux que nous n’avons jamais connus, parce qu’à chaque fois, on repousse les limites. Les joueurs sont maintenant beaucoup plus entourés, et chaque chose est tellement calculée que le jeu et les performances vont atteindre, à l’avenir, des niveaux encore jamais atteints.

(1) L’interview de David Massey a été réalisée avant les annonces des forfaits de Rafael Nadal et Carlos Alcaraz)