vendredi 19 avril 2024
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Mathias Lessort : « Après la NBA, l’EuroLigue c’est ce qui se fait de mieux au monde »

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Grand artisan de la réussite de l’AS Monaco Basket cette saison, Mathias Lessort s’est confié à Monaco Hebdo.

Le pivot de la Roca Team évoque sans détour son arrivée sur le Rocher, ses ambitions avec le club de la principauté, l’EuroLigue ou encore les Bleus et la NBA qu’il espère toujours rejoindre. Interview.

Vous avez signé à l’ASM Basket en septembre 2020 : pourquoi avez-vous choisi de rejoindre le Rocher ?

C’est une succession d’événements qui ont fait que venir à Monaco était pour moi la meilleure option pour la suite de ma carrière. C’était une équipe ambitieuse avec de beaux projets aussi bien en EuroCoupe qu’en France. Avant de rejoindre l’ASM, j’ai discuté avec mon agent et mes proches, et on en a conclu que c’était la meilleure solution pour moi.

Avez-vous eu des contacts avec d’autres clubs ?

Oui, j’ai eu des offres. Après ma saison compliquée à Munich, j’avais envie de faire une petite pause. Je suis rentré chez moi en Martinique pour profiter de ma famille, des vacances… C’était une saison compliquée aussi bien au niveau sportif qu’à d’autres niveaux avec le coronavirus. Mentalement, j’avais besoin de faire un break. Même quand l’offre de Monaco est arrivée, j’ai réfléchi pour savoir si j’étais prêt à reprendre la saison ou si j’avais encore besoin de prendre du temps pour moi. Ça a été une longue réflexion. Au final, avec mes proches, on a compris que c’était la meilleure chose pour moi de venir ici.

Quelle image renvoie l’ASM Basket dans le milieu ?

C’est une équipe qui est en constante progression. La progression est fulgurante, le club est passé en neuf ans de la Nationale 2 à l’EuroLigue. Chaque année, l’ASM est de plus en plus compétitive dans les compétitions européennes. Elle a fait une finale [perdue contre l’AEK Athènes en Ligue des Champions en 2018 – NDLR]. Ensuite, elle est passée en EuroCoupe où elle a été jusqu’en quarts de finale, puis en finale cette année. L’équipe progresse un peu plus chaque année et s’affirme de plus en plus sur la scène européenne.

© Direction de la communication

« Pour l’ASM, le fait de pouvoir accéder à l’EuroLigue, de manière sportive en plus, c’est grand et ça montre que le club progresse »

Ce retour en France ne représente-t-il pas un pas en arrière dans votre carrière ?

Non, ce n’est pas un retour en arrière. Je suis à Monaco dans une équipe qui progresse et qui est de plus en plus ambitieuse. Mon rôle a changé, je suis revenu en France avec un rôle et un statut totalement différent de celui que j’avais. C’était aussi une manière pour moi de me jauger, de m’évaluer par rapport à ce que j’avais fait avant. Donc pour moi, ce n’est pas du tout un retour en arrière. Monaco est une équipe compétitive aussi bien pour jouer le titre que la coupe d’Europe. C’était un beau challenge.

Comment s’est passée votre intégration ?

Elle s’est plutôt bien passée. Par nature, je suis quelqu’un d’assez renfermé, j’attends de bien connaître tout le monde. Je connaissais Damien Inglis depuis très longtemps. Will Yeguete, je le connais depuis un petit moment aussi. J’avais parlé rapidement avec Abdou Ndoye pendant l’été. Mon intégration s’est faite assez facilement. Nous avons un bon groupe, il y a des super gars. Nous avons vite noué des liens. En plus, je n’ai pas eu à apprendre des nouvelles langues donc ça m’a aussi aidé. Enfin, le fait de gagner des matches a aussi permis de forger des liens.

Comment jugez-vous votre saison avec l’ASM ?

Je pense que c’est trop tôt pour juger. Si on gagne un titre, ce sera forcément une grande saison (rires). Si on n’en gagne pas, ce sera une saison différente. En plus, je n’aime pas trop juger mes saisons, car je suis rarement objectif. Je vais plutôt voir les points négatifs que les points positifs, et voir où je peux progresser plutôt que ce que j’ai fait de bien. Donc je n’aime pas trop me juger. Pour le moment, je préfère juger le collectif. On est plutôt bien, on est premier en Jeep Élite, on est en finale de l’EuroCoupe [cette interview a été réalisée avant la finale contre Kazan – NDLR] et le meilleur reste à venir.

© Direction de la Communication Manuel Vitali

« Monaco est une ville qui attire, les gens ont envie de venir vivre et de jouer ici. Mais ça ne fait pas tout. En EuroLigue, il n’y a quasiment que des grandes villes. Juste dire c’est Monaco, ça ne va pas suffire »

Quels sont les objectifs du club pour la fin de saison ?

J’ai rejoint l’ASM Basket parce que c’était un club ambitieux qui pouvait être compétitif sur les deux tableaux. Nous sommes en finale de l’EuroCoupe, nous sommes leaders en Jeep Élite avec quelques matches d’avance sur le deuxième [16 victoires, 2 défaites depuis le début de saison — NDLR]. L’objectif, c’est de gagner la finale. Et en Jeep Élite, c’est de conserver la première place. On ne sait pas encore comment ça va se passer, ni comment on va jouer la fin de saison mais on veut conserver cette première place parce qu’on ne sait jamais ce qui peut se passer. Au moins, si la saison s’arrête, nous serons à l’abri de toute surprise.

Cette saison de Jeep Élite est bouleversée par le Covid-19 : comment le vivez-vous ?

La Jeep Élite est un championnat très dense et très incertain. Une équipe peut démarrer la saison en trombe et au final, jouer le maintien et vice-versa. C’est un championnat rempli de surprises. Et sans supporteurs, ça change encore plus la donne. Il y a des équipes très fortes à domicile qui comptent beaucoup sur leurs fans et cette année, c’est un peu plus compliqué pour elles. Certains matches sont annulés… Contre Cholet, nous avons été annulés trois fois. C’est une situation assez compliquée mais la Jeep Élite est un championnat où il faut rester concentré. Tous les week-ends, il faut faire attention parce que tout peut arriver.

La crise sanitaire fausse-t-elle le championnat ?

Dire que ça fausse le championnat, c’est beaucoup dire. Mais c’est sûr que ça change beaucoup de choses. Il y a des équipes où le public est vraiment chaud, comme Le Portel, Chalon, Nanterre… et a un vrai rôle à jouer. Le fait de ne pas avoir de supporteurs du tout, pour ces équipes ça peut être très handicapant. C’est la saison où il doit y avoir le moins de différence entre les matches à domicile et les matches à l’extérieur aussi bien en Jeep Elite qu’en EuroCoupe ou en EuroLigue. Ça change beaucoup de choses mais il ne faut pas dire non plus que ça fausse la donne car les conditions sont les mêmes pour tout le monde.

L’ASM Basket est d’ores et déjà qualifiée pour la prochaine saison d’EuroLigue : comment avez-vous appris la nouvelle ?

Nous avons tous regardé le match du Zenit [lire notre article « L’ASM Basket qualifiée pour l’EuroLigue la saison prochaine » dans Monaco Hebdo n° 1193 — NDLR]. Heureusement, ils ont fait un écart assez tôt donc on a assez vite compris qu’on allait être en EuroLigue. Un club français qui se qualifie par une coupe d’Europe en EuroLigue, c’est la première fois. C’était un grand moment, c’est exceptionnel. Pour l’ASM, le fait de pouvoir accéder à l’EuroLigue, de manière sportive en plus, c’est grand et ça montre que le club progresse. C’est dans la continuité des choses. Après, il faudra voir comment le club va s’organiser, comment ça va se passer la saison prochaine… Il y a encore beaucoup de choses à faire pour pouvoir vraiment être compétitif en EuroLigue. Mais les dirigeants savent ce qu’ils ont à faire.

L’EuroLigue, c’était l’objectif en début de saison ?

Il faut poser la question aux dirigeants, mais l’objectif du club, c’était de gagner le plus de matches possible. L’objectif des joueurs ? C’est sûr qu’on est arrivé ici en se disant qu’on voulait gagner. Nous sommes tous des compétiteurs, nous avons tous envie de gagner. Quand je suis arrivé ici, j’ai dit qu’amener Monaco en EuroLigue, ce serait super. Maintenant nous y sommes, nous avons réussi à l’atteindre donc c’est bien.

Qu’est-ce que cette compétition a de particulier ?

Tant qu’un joueur n’a pas participé à l’EuroLigue, il ne peut pas vraiment comprendre le niveau que c’est. De l’intensité qu’il y a sur chaque match, du niveau des joueurs contre qui on joue chaque semaine, des équipes… On a en plus la chance d’aller dans de belles villes, c’est une super compétition. Chaque semaine, on joue contre des gros joueurs, des gros CV, des grands coaches, dans des belles salles avec des supporteurs incroyables. Il n’y a pas de petits matches en EuroLigue, il y a toujours des choses à prouver, il y a toujours des joueurs qui veulent se montrer car les beaux matches en EuroLigue ne passent jamais inaperçus. L’EuroLigue est vraiment une compétition exceptionnelle et après la NBA, c’est ce qui se fait de mieux au monde donc il n’y a pas besoin de faire de dessin, c’est assez explicite.

© Direction de la Communication Manuel Vitali

« Tant qu’un joueur n’a pas participé à l’EuroLigue, il ne peut pas vraiment comprendre le niveau que c’est. De l’intensité qu’il y a sur chaque match, du niveau des joueurs contre qui on joue chaque semaine, des équipes… »

Quel rôle pourra jouer l’ASM dans cette prestigieuse compétition ?

Ça dépend de beaucoup de choses, du recrutement, du budget, de comment les joueurs vont être attirés par cette ville… Il est beaucoup trop tôt pour répondre mais ça va aussi surtout dépendre de comment les dirigeants vont gérer les sponsors, les budgets. Monaco est une ville qui attire, les gens ont envie de venir vivre et de jouer ici. Mais ça ne fait pas tout. En EuroLigue, il n’y a quasiment que des grandes villes. Juste dire c’est Monaco, ça ne va pas suffire. Il y a aussi beaucoup de joueurs en fin de contrat donc pour le moment, c’est vraiment compliqué de répondre.

Monaco peut-il réussir à attirer de grands joueurs ?

Je pense que oui. Mais ça va dépendre de beaucoup de choses. L’argent, c’est le nerf de la guerre. Ça va donc dépendre du budget que l’équipe aura. Peut-être que des joueurs sont prêts à faire des petits sacrifices financiers pour venir à Monaco. Peut-être qu’ils pourraient prendre des joueurs qui ont envie de se relancer comme l’a fait cette année le Bayern Munich, qui s’est qualifié pour les playoffs [de l’EuroLigue — NDLR]. Ils ont pris beaucoup de joueurs qui, l’année dernière, n’avaient pas fait leur meilleure saison et qui voulaient prouver des choses. Ça a marché pour eux donc il y a encore beaucoup de plans, beaucoup de choses à faire. Mais oui, Monaco peut attirer des joueurs.

Des joueurs vous ont-ils contacté pour prendre des renseignements sur Monaco ?

Oui, des joueurs m’en parlent. Ils veulent savoir comment c’est Monaco. Est-ce que la ville est aussi bien que les gens le prétendent ? La vie ici est-elle vraiment aussi bien ? Ils veulent juste savoir comment ça se passe, sans forcément qu’il y ait de contact. Comme quand j’étais à Malaga, beaucoup de gens me demandaient comment c’était. Ce sont des villes qui attirent beaucoup et qui suscitent la curiosité.

La salle de l’ASM Basket peut-elle accueillir une telle compétition ?

Pour le moment, on ne sait pas vraiment comment ça va se passer l’année prochaine. Comme l’a dit Oleksiy Yefimov [le directeur exécutif du club – NDLR] dans une interview, peut-être que nous serons encore à huis clos la saison prochaine, dans ce cas ça ne dérangera pas de jouer ici [à Gaston Médecin — NDLR]. Il faudra juste donner une bonne image à la salle. Mais pour le moment, c’est trop tôt pour parler de tout ça. Les dirigeants vont réussir à trouver une solution pour que l’EuroLigue puisse venir ici et que cette ville puisse jouer en EuroLigue.

Quelles sont vos relations avec votre coach, Zvezdan Mitrovic ?

Ça se passe bien avec Zvezdan, notre relation est bonne. Comme on gagne des matches, les choses se passent bien. Un coach qui gagne des matches est toujours de bonne humeur. Il est toujours plus joyeux, plus souriant. Même si ça reste un coach très sérieux et exigeant envers ses joueurs. En dehors du terrain, c’est une bonne personne, c’est quelqu’un de super, on rigole beaucoup. C’est peut-être le coach le plus drôle que j’ai eu et parfois, il ne fait même pas exprès de l’être (rires). C’est juste sa personnalité. C’est vraiment une bonne personne et je suis content de jouer pour lui.

Mathias Lessort Asm Basket
Mathias Lessort, pivot à l’ASM Basket © Iulian Giurca / Monaco Hebdo

« Zvezdan Mitrovic ? C’est peut-être le coach le plus drôle que j’ai eu et parfois, il ne fait même pas exprès de l’être (rires). C’est juste sa personnalité. C’est vraiment une bonne personne et je suis content de jouer pour lui »

On dit que c’est un entraîneur volcanique : est-ce le cas ?

Je pense que tous les joueurs de l’équipe se sont déjà fait engueuler par lui. Nous avons déjà tous eu des échanges assez houleux avec lui. Mais c’est comme ça. On sait que c’est sur le terrain, qu’il est exigeant avec nous. Il veut nous motiver, et il attend beaucoup de nous. C’est sa façon de nous motiver, de parler avec ses joueurs et pour le moment, ça marche.

Vous êtes international français : les prochains Jeux Olympiques (JO) de Tokyo, c’est un rêve pour vous ?

Clairement, les Jeux c’est un objectif. J’ai eu un avant-goût avec la coupe du monde [en 2019 — NDLR]. On avait fait une bonne compétition même si on est resté sur notre faim et on aurait aimé faire mieux. Le fait de participer à la coupe du monde, ça m’a vraiment donné envie de m’intégrer dans le groupe France sur la durée. Et ça me donne encore plus envie de participer aux JO. Quand j’entends des joueurs autour de moi en parler, ça a l’air d’être un rêve et tous les athlètes du monde essaient d’y participer, même les plus grands. Ce n’est pas pour rien.

Une médaille aux JO avec les Bleus, c’est possible ?

Nous avons gagné une médaille de bronze à la coupe du monde. Les équipes qui sont aux JO et à la coupe du monde sont sensiblement les mêmes. Donc nous pouvons viser aussi une médaille. On est resté sur notre faim au Mondial, on sait très bien qu’on aurait pu mieux faire. On aurait pu aller chercher l’or, ça dépendait plus de nous que de nos adversaires. Ramener une médaille des Jeux, c’est clairement un objectif.

À Tokyo, vous allez retrouver les États-Unis que vous aviez éliminés lors du Mondial 2019. Il y aura de la revanche dans l’air ?

Ce sera une autre équipe. Forcément, ils auront à cœur de montrer qu’ils sont meilleurs que ce qu’ils ont montré contre nous. Mais si ça peut faire comme en EuroCoupe, c’est-à-dire les jouer au début, et les éviter ensuite jusqu’à une éventuelle finale, tant mieux. C’est une équipe très dangereuse. Ils seront favoris comme lors de la coupe du monde. Il faudra se méfier de cette équipe mais c’est sûr qu’ils auront à cœur de montrer quelque chose contre nous.

La NBA, vous y pensez encore ?

Pour tous les basketteurs, la NBA c’est plus ou moins un rêve. J’ai pris de l’âge, et je suis de moins en moins préoccupé par la NBA. Je suis content de ce que je fais, d’être là où je suis. Si jamais l’opportunité se présente d’aller en NBA, forcément je serais content d’y aller. Mais ce n’est pas quelque chose qui me prend la tête ou qui me tourmente comme quand j’étais jeune.

C’est-à-dire ?

Quand j’étais jeune, je voulais aller en NBA à tout prix. Parfois, je ne dormais pas la nuit en pensant à comment je peux aller en NBA… Maintenant, j’ai pris de l’âge, de la maturité. Si j’ai une chance d’y aller, j’irai. Si jamais l’opportunité ne se présente pas, j’essaierai d’avoir la meilleure carrière possible et on verra bien ce qui va se passer.

« Clairement, les Jeux c’est un objectif. Le fait de participer à la coupe du monde m’a vraiment donné envie de m’intégrer dans le groupe France sur la durée. Et ça me donne encore plus envie de participer aux JO »

Vous vivez cette saison historique sans vos supporteurs : quel message souhaiteriez-vous leur faire passer ?

C’est une saison historique dans le bon sens et dans le mauvais sens. Une saison sans fans, c’est vraiment quelque chose de compliqué. On les remercie pour leur soutien. Même s’ils ne peuvent pas être présents, on voit qu’il y a une sacrée ferveur. Quand on est revenu de Gran Canaria, ils nous attendaient à la salle. Et même sur les réseaux sociaux, on voit qu’ils sont actifs. Ils nous envoient des messages, ils nous parlent… On les remercie pour leur soutien et on va tout faire pour remporter la finale pour eux.

Serez-vous toujours à l’ASM Basket la saison prochaine ?

Question piège (rires). Pour le moment, c’est beaucoup trop tôt pour le savoir. Avant de savoir si je veux rester, il faudrait déjà demander aux dirigeants s’ils veulent me garder. Jouer en EuroLigue est un vrai plus pour le club et ça va attirer encore plus de joueurs. Tout dépendra des opportunités que j’aurai et de ce que le club veut faire et va me proposer. Mais je me plais ici. La ville est bien, avec le coach et les dirigeants ça se passe bien donc pourquoi pas.