mardi 23 avril 2024
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Vasilyev le touche-à-tout

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Diplomate puis financier avant de devenir vice-président directeur général de l’AS Monaco, Vadim Vasilyev a rajouté de nouvelles cordes à son arc en arrivant dans le monde du foot. Invité du Monaco Press Club, le dirigeant russe de l’ASM s’est quelque peu dévoilé. Portrait.

 

Autant le dire tout de suite : à l’approche de la cinquantaine (il aura 50 ans en septembre 2015), Vadim Vasilyev n’est pas quelqu’un qui se laisse facilement aller devant la presse. Toujours courtois, l’homme n’en reste pas moins un fin communiquant, sachant placer le bon mot au bon endroit, malgré une maîtrise encore imparfaite de la langue de Molière. Une qualité qu’il doit sans doute à l’un de ses premiers postes, une fois ses études terminées. Diplômé de l’institut d’Etat des relations internationales de Moscou, il a en effet entamé une carrière de diplomate. « J’ai commencé dans le monde professionnel par le ministère des affaires étrangères de l’URSS. A cette époque-là (1987-1990, N.D.L.R.), je travaillais à l’ambassade d’URSS en Islande. » Une façon pour lui de suivre les traces de son père, lequel était en poste à l’ambassade d’URSS à Paris, à la fin des années 60. « Il était à la section commerciale de l’ambassade d’URSS à Paris entre 1968 et 1972. J’étais très petit à l’époque (3 à 7 ans, N.D.L.R.). C’est à ce moment-là que j’ai commencé à apprendre le français. »

 

Business

La fin des années 80 et le début des années 90 marquent aussi la fin de la guerre froide, l’ouverture de l’est sur le monde, avec la Perestroïka. C’est un moment d’ouverture en Russie, et c’est aussi la période à laquelle Vasilyev va changer d’orientation professionnelle. Exit la diplomatie, place désormais au business. C’est dans le commerce d’engrais que va alors se lancer Vasilyev, au sein de la firme américaine Transammonia. Devenu l’un des « plus jeunes vice-présidents » de la société, Vadim Vasilyev va faire une rencontre qui le mènera plus tard au football. « C’était en 1995 je crois, lors d’une conférence à Chicago. M. Rybolovlev était devenu propriétaire d’une grande usine d’engrais de potassium en Russie (Uralkali). » Vasilyev devient le directeur des exportations d’Uralkali, alors première productrice mondiale d’engrais potassiques. « On s’occupait d’exportation de potassium dans le monde entier, et on avait des bureaux de partout sur la planète, à Pékin, Delhi, Genève », rappelle le russe.

 

Bourse

Au-delà de la potasse, l’actuel vice-président directeur général de l’AS Monaco a également lancé ses propres business. « Des investissements en bourse et dans l’immobilier. Puis dans la restauration », confie Vasilyev. Au total, le bras droit de Dmitry Rybolovlev possède 3 restaurants. Tous sont situés à Moscou, mais proposent des cuisines différentes. « Mon premier restaurant, que j’ai toujours, propose de la cuisine française, méditerranéenne. Le deuxième est plus cuisine traditionnelle russe, tandis que le troisième est plus tendance ouzbek, Asie centrale. » Un vrai melting-pot, un peu comme ce que l’on trouve dans les rangs de l’ASM aujourd’hui…

Ce businessman amateur de challenges n’a pas hésité longtemps pour rejoindre le club de la principauté. En tant que directeur sportif de l’AS Monaco, avant d’être bombardé bientôt vice-président directeur général. « Nous étions à Gstaad en Suisse avec M. Rybolovlev pour le nouvel an 2013, et nous prenions un café lorsqu’il m’a proposé de le rejoindre au club. J’ai dit oui sans même connaître les termes du contrat », explique Vasilyev. Une immersion en territoire inconnu : quelques jours seulement après son arrivée, Vasilyev découvre la période des transferts. Quelques jours après son arrivée, Rybolovlev lui demande où en sont les transferts : « Je ne savais pas de quoi il parlait. J’ai appelé mes collaborateurs, et quelques jours plus tard nous faisions venir Emmanuel Rivière, Mounir Obaddi et Carl Medjani. » Depuis, l’ASM a terminé l’exercice 2013/14 à la deuxième place, mais connaît un début de saison délicat. Pas de quoi cependant perturber outre mesure ce businessman qui semble capable de s’adapter rapidement à son environnement. Avec l’intention de faire évoluer l’ASM, tout comme son président Rybolovlev, dans le monde du foot-business. Avec entre autres, le développement de la marque AS Monaco, des projets architecturaux au Stade Louis II et au centre d’entraînement de la Turbie.

 

Les vérités de Vasilyev

Face à la presse, Vadim Vasilyev a balayé l’actualité du club, les départs de James et Falcao, ainsi que le changement de projet un an seulement après l’arrivée de l’ASM parmi l’élite.

 

Le début de saison

Contrairement à ce qu’avait laissé entrevoir la saison passée, l’ASM ne truste pas encore le podium de la Ligue 1. Avec seulement 5 victoires en 11 matchs, les Rouge et Blanc connaissent un début d’exercice plus que délicat. Et ce malgré de bonnes performances en Ligue des champions où ils sont pour le moment invaincus et deuxièmes de leur groupe derrière le Bayer Leverkusen. Pour expliquer cela, Vadim Vasilyev a sa petite idée. « C’est assez particulier (de commencer le championnat en deuxième partie de classement, N.D.L.R.), après avoir fini vice-champion. Mais c’est aussi une bonne expérience, parce qu’entre la pression de la presse et celle des supporters, il fallait en sortir. Maintenant on est 8ème, à 4 points de Paris. Ça peut aller très vite, et on va remonter très vite. Le football n’est pas une science exacte », estime Vadim Vasilyev. Et d’expliquer les raisons de ce démarrage poussif : « L’entraîneur a mis plus de temps que prévu pour comprendre le foot français, les joueurs étaient aussi perturbés par les départs (de James et Falcao notamment, N.D.L.R.). Psychologiquement, c’est dur, mais maintenant la page est tournée. »

 

« Le club ne peut pas dépenser plus qu’il ne gagne »

Fair-play financier oblige, le club ne se lancera plus dans des recrutement pharaoniques comme cela avait été le cas à l’été 2013. La sévérité des sanctions de l’UEFA s’ajoutant au « dédommagement » de 50 millions d’euros versés à la Ligue pour pouvoir jouer en L1, il est compréhensible que le président Rybolovlev ne veuille plus trop mettre la main à la poche. Surtout après avoir investi plus de 300 millions d’euros dans le club… « On a modifié le projet cet été. Avec les nouvelles règles édictées par l’UEFA et Michel Platini, le club ne peut pas dépenser plus qu’il ne gagne. Et ici, les recettes ne sont pas très bonnes… » rappelle Vadim Vasilyev. L’ASM a donc opéré un retour aux fondamentaux et à la pouponnière du club, pour espérer faire des plus-values lors de la revente des jeunes pousses. Les recettes étant par définition limitées par un faible bassin de population et de supporters, la vente de jeunes joueurs formés au club est la seule ressource possible, en dehors du développement de la marque AS Monaco. La stratégie a donc changé : plus question d’acheter à prix d’or. La priorité est bien de former, faire éclore et vendre les fruits du travail du centre de formation.

 

James Rodriguez et Falcao : « Leur départ n’était pas prévu »

Le mercato estival a été assez agité en principauté. La case des arrivées est restée vide pour les observateurs et les supporters. Alors que la colonne des départs n’a cessé de se remplir au fil des mois de juillet et août. Au-delà des Rivière, Abidal ou Obaddi, ce sont surtout les départs de James Rodriguez et Falcao qui ont fait mal aux supporters, ainsi qu’aux joueurs de l’ASM. Des départs qui s’expliquent au regard de la menace du fair-play financier, selon lequel chaque club ne peut dépenser plus que ce qu’il engrange de recettes. Initialement, à en croire le vice-président du club, l’ASM envisageait de conserver James Rodriguez. « On comptait le garder 3-4 ans, mais comme il a fait une très grande coupe du monde, tout le monde a parlé de James. Ce qui est bien aussi pour Monaco, puisque quand on parlait de James Rodriguez, tout le monde parlait aussi de Monaco… » La suite, on la connaît : difficile de refuser un joueur au Real Madrid. « Les recettes du club sont mauvaises, donc on ne peut pas trop garder les joueurs. Mais il faut être fier que le joueur soit parti pour le Real. On a réussi le plus gros transfert de Ligue 1. On a acheté James 45 millions d’euros et on l’a vendu près de 90 millions ! »

S’agissant de Falcao, le scénario est quelque peu différent. « Pour Falcao, il faut bien comprendre que tout est allé mal. Il est parti de l’Atletico Madrid pour Monaco, alors que son ancien club a remporté le titre de champion d’Espagne et est allé jusqu’en finale de Ligue des champions. Son ami qui était sur le banc, Diego Costa, est devenu une star, et a signé à Chelsea (un des 4 clubs de la ville de Londres, N.D.L.R.). Falcao a bien commencé, mais s’est ensuite blessé, a raté la Coupe du Monde (peut-être la dernière à laquelle il pouvait participer), et c’est très dur pour un joueur comme lui. Ensuite James est devenu une star, est parti au Real, et le Real était le grand rêve de Falcao… » Ce « très bon mec » a alors demandé à partir pour Manchester United…

 

Centre d’entraînement : « Nous ne sommes pas prêts à financer la totalité »

Ce fut l’un des sujets qui avait provoqué l’ire des élus du conseil national lors du dernier rectificatif. L’ajout en dernière minute par le gouvernement, d’une ligne budgétaire de 25 millions d’euros, pour cofinancer avec le club les rénovations du centre d’entraînement de La Turbie était très mal passé… Au point que les conseillers nationaux en exigent le retrait. Du côté de l’ASM, le projet de grand centre de formation n’est pas annulé mais suspendu. « Les travaux n’ont pas démarré parce qu’on attend la décision de l’Etat pour apporter les 25 millions d’euros. Nous ne sommes pas prêts à financer la totalité des travaux », a annoncé Vasilyev. D’autant que selon lui, le terrain de La Turbie, ainsi que les bâtiments et la structure appartiennent à l’Etat monégasque. « Le centre d’entraînement est important, parce que Monaco a toujours sorti de grands joueurs. Il est devenu obsolète. C’est important pour notre projet de former de bons joueurs, de les faire grandir et ensuite les revendre. Je suis convaincu que c’est une bonne chose pour le club, mais aussi pour la principauté », a milité le vice-président de l’ASM-FC.

 

La confiance accordée au coach

Face au début de saison compliqué, il aurait été légitime de penser que Leonardo Jardim, le remplaçant de Claudio Ranieri au poste d’entraîneur, aurait pu être menacé. « J’étais très inquiet. Mais on n’a jamais pensé s’en séparer. Je me suis toujours dit qu’il était impossible qu’on ait fait une erreur parce qu’on s’est très bien renseigné avant. Ce n’est pas par hasard qu’on a choisi Jardim. » Le dirigeant de l’ASM justifie d’ailleurs les débuts délicats de son technicien. « Le championnat est différent (Leonardo Jardim entraînait en 1ère division portugaise la saison dernière, N.D.L.R.), les joueurs étaient déçus du départ de James et Falcao. On a parlé plusieurs fois, mais à aucun moment on a pensé à le changer. » D’autant que compte tenu du nouveau projet asémiste, le coach lusitanien semble avoir le profil idoine pour son vice-président. « Il est très bien pour travailler avec les jeunes. Il a fait de très bonnes choses dans des clubs avec de petits budgets. Avec la modification du projet, il fallait avoir un entraîneur qui pouvait s’appuyer sur les jeunes et qui n’ait pas peur de les faire jouer. »

 

Episode Kurzawa : clap de fin

Le jeune latéral gauche de l’ASM s’est retrouvé au cœur d’une tempête médiatique suite à sa célébration de but lors du barrage retour perdu par l’équipe de France espoirs. Buteur à la 87ème minute (un but qui envoyait les bleuets à l’Euro Espoirs), il s’est fendu d’un salut militaire à l’encontre des suédois. Malheureusement pour lui, les successeurs de Zlatan Ibrahimovic ont marqué 2 minutes plus tard et ont éliminé dans la foulée les petits Bleus. Kurzawa a ainsi été pris pour cible par de nombreux observateurs, dont l’ancien sélectionneur Raymond Domenech. Mais pour Vadim Vasilyev, il faut en finir avec cette polémique. « Le gamin s’est sanctionné lui-même. La preuve ? Contre Evian, il n’a pas été bon, et je pense qu’il a bien compris. Il est jeune, cette vie est difficile à gérer pour un gamin de 21 ans. Il était vraiment déçu, maintenant il fait des efforts pour revenir. »

 

L’accord avec la Ligue

Pour jouer en L1 tout en gardant son siège à Monaco (et les avantages fiscaux qui vont avec), l’ASM a dû s’acquitter d’un versement de 50 millions d’euros à la Ligue. Mais 7 clubs de L1 et L2 contestent cet accord. L’ASM attend désormais le verdict du conseil d’Etat, en toute sérénité. « L’accord avec la ligue est ferme. Il y a 7 clubs qui le contestent, mais ils s’insurgent uniquement contre la façon dont la ligue l’a fait. Seules les procédures sont visées, pas Monaco », estime Vasilyev. Selon lui, le contexte a d’ailleurs changé. « Le sentiment dans le football français n’est plus le même. Je m’entends très bien avec plusieurs présidents de clubs français, et je ne vois pas comment Monaco pourrait être exclu parce que tout le monde a compris que le foot français a besoin de locomotives comme Monaco », ajoute-t-il. Cette bonne entente peut aussi s’expliquer par la nécessité pour le football français de récupérer un bon indice UEFA. Cet indice détermine, en fonction du classement, le nombre de places qualificatives par championnat pour la Ligue des Champions, compétition aussi prestigieuse que lucrative. La France étant repassée derrière le Portugal, elle pourrait perdre une place qualificative. Or, l’AS Monaco, qui est qualifiée en LDC, peut ramener des points à la France en cas de bons résultats, et pourrait ainsi permettre de repasser devant le Portugal. Et ainsi garder ses 3 places qualificatives…