L’AS Monaco Basket va disputer ses deux derniers matches en Euroligue contre Milan le 31 mars 2022, puis contre Berlin, le 8 avril 2022. L’analyse de Christophe Denis, consultant pour La Chaîne L’Équipe, et ancien entraîneur de Paris-Levallois, Rouen et Bourg-en-Bresse.
Comment jugez-vous la saison de l’AS Monaco Basket en Euroligue ?
Le parcours de l’AS Monaco Basket en Euroligue est exceptionnel. Ils sont à deux doigts de réaliser quelque chose qui n’a jamais été réalisé par aucun club en Europe. À savoir, être un club invité en Euroligue grâce à son succès en Eurocoupe la saison passée, découvrir pour la première fois ce niveau-là, et, très certainement, se qualifier pour les phases finales de cette compétition [cette interview a été réalisée le 24 mars 2024 — NDLR]. Donc, voilà pourquoi on peut dire que la saison de Monaco est exceptionnelle.
Pourquoi La Chaîne L’Équipe diffuse désormais Monaco en Euroligue, après avoir misé sur l’ASVEL en début de saison ?
Ça serait à Jérôme Saporito, qui est le directeur général de La Chaîne L’Équipe, de répondre à cette question. Mais je pense que La Chaîne L’Équipe se fait un plaisir de pouvoir raconter une belle histoire. Cela étant, financièrement, et aussi pour une question d’espace sur la grille des programmes, on ne peut pas tout faire. La Chaîne L’Équipe a obtenu pas mal de droits télé, que ce soit le football, avec la Ligue 2 (L2), ou le rugby, avec la Fédérale, par exemple. Donc, en début de saison, La Chaîne L’Équipe a fait le pari de raconter la « belle histoire » de l’ASVEL en Euroligue.
Et que s’est-il passé ?
Contrairement à l’ASM Basket, l’ASVEL a fait un beau début de saison. Mais à partir du moment où La Chaîne L’Équipe les a diffusés, ils se sont un peu cassés la figure. Même si on a vu de beaux matches, et de belles victoires villeurbannaises sur notre antenne, les résultats n’ont pas été à la hauteur. Avec ce qu’il se passe actuellement à Monaco, l’opportunité de diffuser cette équipe s’est présentée à nous. C’était donc comme un devoir de le faire.
Quels sont les principaux enjeux de cette rencontre du 31 mars 2022, à Milan, qui opposera Monaco à l’Olimpia Milan ?
Suite à la victoire de Monaco contre l’Olympiakos (92-72) le 23 mars 2022, l’entraîneur de l’ASM Basket, Saša Obradović, a expliqué qu’elle n’aurait aucune saveur si son équipe ne s’impose pas face au club basque de Baskonia le 25 mars 2022 [cette interview a été réalisée le 24 mars 2022, et le score a été le suivant : Monaco 78 Baskonia 68 — NDLR]. En cas de victoire de Monaco, le match à Milan pourrait lui ouvrir les portes des quarts de finale de l’EuroLigue. La « finale », ce pourrait être le 8 avril 2022, contre Berlin, à domicile.
« Déjà, l’Olimpia Milan, c’est son entraîneur né à Catane, Ettore Messina. Milan dispose d’un entraîneur qui, à 62 ans, n’a plus besoin de faire ses preuves. Il est respecté de tous »
Que vaut vraiment cette équipe de Milan ?
Déjà, l’Olimpia Milan, c’est son entraîneur né à Catane, Ettore Messina. Milan dispose d’un entraîneur qui, à 62 ans, n’a plus besoin de faire ses preuves. Il est respecté de tous. Quand on parle d’une équipe qui a du succès, on a tendance à regarder les joueurs, mais il faut aussi regarder du côté du coach. Or, une équipe qui est entraînée par Ettore Messina, c’est forcément une équipe qui est performante. C’est aussi une équipe qui a beaucoup de principes défensifs, et qui joue très bien en attaque. Milan, c’est une formidable machine. En plus, suite à la guerre en Ukraine, ils ont récupéré des joueurs. C’est une équipe très solide, avec de très bons joueurs à tous les postes.
Mais l’Olimpia Milan est déjà qualifié dans cette Euroligue ?
Milan est déjà qualifié. Le 23 mars 2022, ils ont d’ailleurs perdu à l’extérieur 75-58 contre le Maccabi. Mais ils se préparent, et ils n’ont jamais été aussi dangereux que maintenant. Milan est une équipe profilée pour l’EuroLigue, capable de bien gérer ses moments forts. Parce que gagner, ce n’est pas qu’une histoire de talent. C’est aussi une histoire de savoir-faire.
Votre pronostic ?
Je miserais sur une victoire de l’ASM Basket. Même si, à l’extérieur, à Milan, ça sera compliqué. Saša Obradović a su, lui aussi, inculquer à ses joueurs, et à son équipe, une manière de jouer qui pourrait leur permettre de gagner à Milan. En tout cas, si l’ASM Basket gagne à Milan, l’équipe qui devra ensuite affronter les Monégasques en quart de finale ne sera pas forcément très contente du tirage. Car gagner à Milan, ça veut dire quelque chose.
Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’exclusion de l’Euroligue des trois clubs russes, le CSKA Moscou, le Zenit Saint-Pétersbourg, et l’UNICS Kazan, a été décidée : qu’est-ce que cela change ?
Deux équipes ont été pénalisées par cette décision : Monaco et Fenerbahçe. Exclure les clubs russes me semble normal, au regard de la guerre qui se déroule en Ukraine depuis le 24 février 2022. Mais supprimer les victoires des clubs qui ont affronté les clubs russes, c’est un désastre pour Monaco et Fenerbahçe. Avec 4 victoires et 1 défaite contre les clubs russes, Monaco est désavantagé par ce nouveau mode de calcul. Et aujourd’hui, ça pèse lourd. Ce qui est scandaleux, c’est comment cette décision a été prise, et qui a voté pour que cette décision soit prise. Les clubs concurrents de Monaco pour une huitièmes place qualificative en quart de finale, c’est l’Alba Berlin, l’Etoile Rouge de Belgrade, le Maccabi… Je ne trouve pas ça très fair-play.
Il reste encore trois journées à disputer : Monaco peut-il parvenir à finir dans les huit premiers ?
Ça ne sera pas très compliqué. Sur cette fin de saison, Monaco a un calendrier favorable. Trois fois sur quatre, ils reçoivent, ils ne se déplacent pas. En remportant trois matches sur quatre, ça pourrait suffire à se qualifier. Mais il faudra alors regarder les résultats des concurrents, et compter sur une défaite de leur part. Évidemment, si l’ASM Basket remporte ses quatre matches, elle ira en quart de finale, c’est certain.
« Monaco est à deux doigts de réaliser quelque chose qui n’a jamais été réalisé par aucun club en Europe. À savoir être un club invité en Euroligue grâce à son succès en Eurocoupe la saison passée, découvrir pour la première fois ce niveau-là, et, très certainement, se qualifier pour les phases finales de cette compétition »
Monaco peut rêver à une victoire dans cette Euroligue ?
Déjà, il faut croire à une victoire en EuroLigue. Pour tout le club monégasque, c’est un devoir d’y croire. Gagner l’EuroLigue, on est plus dans le fantasme que dans une réalité. Mais c’est bien d’avoir des fantasmes… Aujourd’hui, des équipes ont été bâties, sont conditionnées et ont l’expérience pour gagner l’Euroligue, notamment Barcelone, le Real Madrid, et peut-être Milan. Et pourquoi pas Monaco ? Et puis, quand une équipe se qualifie pour le Final Four [finale à quatre — NDLR], il reste à jouer une demi-finale sur un seul match, et une finale deux jours après. Donc tout peut se passer. Si Monaco gagne l’EuroLigue cette année, ça sera l’un des plus grands exploits du sport français sur ces cinquante dernières années.
« Si Monaco gagne l’Euroligue cette année, ça sera l’un des plus grands exploits du sport français sur ces cinquante dernières années »
En championnat, que peut viser Monaco cette saison ?
Pour le championnat de France, Monaco est le favori. Avec Boulogne-Levallois, et l’ASVEL, Monaco fait partie des favoris. J’ai récemment vu jouer Boulogne-Levallois face à l’ASVEL, et l’ASM Basket me semble être le mieux placé. N’oublions pas qu’une quatrième équipe va s’inviter, et qu’elle peut bien sûr créer la surprise. En tout cas, sur la forme du moment, Monaco et Boulogne-Levallois ont une longueur d’avance sur les autres équipes.
Depuis le 27 janvier 2022, l’ASM Basket est présidé par Aleksej Fedoricsev un milliardaire d’origine russe, pendant que son prédécesseur ukrainien, Sergey Dyadechko, est toujours actionnaire minoritaire et vice-président : qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ça ne m’inspire rien. J’ai rencontré le directeur général Oleksiy Yefimov le 23 mars 2022, que je connais bien. Je ne pense pas que ce type de changement soit de nature à déstabiliser l’équipe. À Monaco, tout le monde est très concentré sur la sphère sportive. Les joueurs sont des professionnels. Ils font leur métier.
Pour le moment, Aleksej Fedoricsev n’est pas visé par les sanctions économiques qui pèsent contre certains ressortissants russes : néanmoins, le monde du basket est-il inquiet de cette incertitude ?
Je n’ai rien entendu qui laisse entendre qu’il y aurait des inquiétudes pour Monaco. Je n’ai pas ressenti ça. Dans le monde du basket, on est inquiet de la situation en Ukraine. Une guerre a éclaté, il y a des victimes. C’est terrible. Je suis inquiet pour ces gens-là, et je suis aussi inquiet pour la paix dans le monde. Mais il n’y a pas d’inquiétude pour les dirigeants du basket à Monaco.
