mercredi 24 avril 2024
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Tempête Alex À Breil-sur-Roya – Sébastien Olharan : « On entame la phase de reconstruction »

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À une vingtaine de kilomètres au sud de Tende, la commune de Breil-sur-Roya a elle aussi été dévastée par le passage de la tempête Alex. Mais deux mois après la catastrophe, contrairement au haut de la vallée de la Roya, la phase d’urgence a laissé place à celle de la reconstruction. Le maire de ce village de 2 000 habitants, Sébastien Olharan, fait le point sur la situation. Interview.

Quelle est la situation aujourd’hui à Breil-sur-Roya ?

On commence à sortir de la phase d’urgence et à pouvoir entamer la phase de reconstruction. Aujourd’hui, toute la logistique, qui avait été mise en place pour approvisionner toutes les communes du haut de la vallée de la Roya, diminue d’ampleur au fur et à mesure que les voies d’accès sont rétablies. On a franchi cette semaine [cette interview a été réalisée mercredi 25 novembre — NDLR] une grande étape avec la réouverture d’une voie d’accès routière entre Fontan et Saint-Dalmas-de-Tende. Et comme à chaque fois qu’on fait un pas en avant, une nouvelle difficulté se présente, on a appris hier [mardi 24 novembre 2020 – NDLR] que la ligne ferroviaire entre Fontan et Saint-Dalmas-de-Tende était fragilisée et qu’elle devait donc être fermée pendant trois semaines. En haut de la vallée de la Roya, on est resté beaucoup plus longtemps dans la phase d’urgence qu’à Breil, parce qu’ils étaient enclavés. Et au fur et à mesure que l’on arrive à rétablir des voies d’accès, on peut envisager un retour à la normale et la phase de reconstruction.

Avez-vous l’eau potable ?

À Breil, un quartier reste privé d’eau potable. Cela concerne une demi-douzaine d’habitations. Mais l’eau potable et l’électricité ont été rétablies partout sur la commune les jours qui ont suivi la catastrophe. De temps en temps, une analyse de l’Agence régionale de santé (ARS) nous dit qu’elle est impropre à la consommation, donc on redistribue un peu d’eau jusqu’à ce que ça revienne à la normale.

Quelles sont vos priorités aujourd’hui ?

Notre priorité, c’est d’abord le relogement de toutes les familles qui ont perdu leur domicile ou qui ont dû être évacuées parce que nous avions des inquiétudes sur la stabilité de leur bâtiment. Un certain nombre d’entre elles sont logées de façon provisoire soit chez de la famille, soit chez des amis ou dans des hôtels aux frais des assurances, soit dans des hébergements qu’ils ont trouvés rapidement. On essaie de leur trouver des solutions plus pérennes, et surtout des solutions de relogement sur place car l’objectif, c’est bien sûr de pouvoir garder ces familles à Breil et dans la vallée de la Roya.

Combien de familles ont dû être relogées ?

Huit maisons, qui n’étaient pas toutes des résidences principales, et un hôtel ont été détruits sur la commune de Breil-sur-Roya. Certaines n’étaient pas habitées, donc les personnes ne se retrouvent pas à la rue. J’ai aussi pris 41 arrêtés d’évacuation qui concernaient pour la plupart des habitations. Certaines ont, depuis, pu être de nouveau réintégrées parce qu’on a eu des expertises qui étaient rassurantes sur l’état des bâtiments. D’autres non. À ce jour, une trentaine de familles sont toujours logées ailleurs que dans leur habitation habituelle.

Aujourd’hui, comment peut-on aider les sinistrés ?

À Breil-sur-Roya, les commerces ont rapidement pu reprendre leur activité. Et on a aussi eu une quantité tout à fait impressionnante de dons de tous types : denrées alimentaires, produits de première nécessité, vêtements… Ils sont arrivés d’autant plus nombreux à Breil que c’était la seule commune de la Roya facilement accessible jusqu’à il y a quelque temps. Nous n’avons donc pas de besoins particuliers. On a bien sûr continué à accepter tous les dons pour pouvoir ensuite les faire parvenir aux autres communes de la Roya. À Breil, aujourd’hui, on n’a plus de besoins spécifiques d’urgence.

Quels sont vos besoins ?

Le gros besoin, ça va être pour nous reconstruire, parce qu’on a énormément perdu en bâtiments et en équipements communaux mais aussi tout ce qu’il y avait à l’intérieur. Pour les familles sinistrées, il y a eu des pertes de mobiliers, d’effets personnels… On a déjà réussi à récolter beaucoup de dons pour les aider. Et la commune a perdu tout ce qu’il y avait au rez-de-chaussée de la mairie, l’intégralité de ce que l’on avait au service technique. C’est ce type de dons qu’on essaie de récupérer aujourd’hui. On a aussi l’aide de bénévoles venus très nombreux et très vite. On a essayé au maximum de les répartir sur les différents chantiers où les personnes sinistrées avaient besoin d’être aidées. Aujourd’hui, on aurait plutôt besoin de bénévoles disposant d’engins pour faire des travaux d’ampleur, qu’on ne peut pas faire sans avoir des machines spécifiques.

Et d’un point de vue financier ?

Que ce soit au niveau du centre communal d’action sociale (CCAS), où on récolte des dons qui seront reversés aux sinistrés dans une forme qui reste à déterminer, ou du côté de la mairie où on va avoir des dépenses pharaoniques pour pouvoir nous reconstruire, on a forcément besoin de dons financiers. Un certain nombre de dons nous sont déjà parvenus, mais c’est vrai que nous n’en aurons, de toute façon, jamais assez pour remplacer tout ce que l’on a perdu.

Avez-vous estimé le coût de la reconstruction ?

Ce n’est pas encore une estimation très fine, mais au niveau des biens communaux, c’est-à-dire aussi bien des bâtiments, de ce qu’il y avait à l’intérieur, que des routes, des pistes, des ponts, des parcs, des jardins, du mobilier urbain communal… on serait au-dessus de 20 millions d’euros.

De quelles aides bénéficiez-vous ?

On a eu quelques aides de la Métropole, qui est allée un peu au-delà de son périmètre et de son champ de compétences. On l’a appréciée. On appartient à la communauté d’agglomération de la Riviera française (Carf), qui est très mobilisée à la fois pour rétablir les réseaux d’eau et d’assainissement. Et Dieu sait si le travail est immense dans la vallée de la Roya. La Carf nous a aussi aidés pour traiter les déchets à une époque où on n’avait pas de routes pour pouvoir les évacuer et pour tout ce qui est « aides aux entreprises ». Enfin, l’intercommunalité s’occupe maintenant de la logistique pour gérer les dons, l’approvisionnement…

D’autres aides ?

Le département travaille sur le rétablissement de la route départementale et là aussi, des montants extrêmement importants vont devoir être investis. De l’ordre de plus de 500 millions d’euros. Le département agit aussi au travers des maisons d’aide aux sinistrés, qui ont été ouvertes à Breil et à Tende. Elles permettent d’aider les particuliers et les entreprises. La région travaille, elle, à la réouverture de la ligne ferroviaire. On a un très gros enjeu pour le désenclavement du haut de la vallée de la Roya.

© Photo Mairie de Breil-sur-Roya

« On a eu une importante et belle solidarité de la part de Monaco, des associations, des entreprises monégasques et du gouvernement princier. Tout ça nous touche énormément »

Quel rôle joue l’État français ?

L’État est mobilisé. Le gouvernement a nommé un préfet spécialement délégué pour la reconstruction des vallées, Xavier Pelletier. C’est un secours précieux, parce qu’il a pris très vite à bras-le-corps tous les dossiers. Il nous aide à lever toutes les menaces et tous les blocages auxquels nous sommes confrontés. Nous sommes par exemple parvenus à préserver certains établissements de santé qui étaient menacés. Je pense aussi au soutien de l’État pour installer des ponts de secours à la place des ponts perdus. L’État est très présent notamment au travers de ce préfet.

Quel soutien financier vous apporte l’État ?

On manque encore de visibilité sur les soutiens financiers qu’on va pouvoir avoir. On est à peu près certain que quand on va lancer une opération d’investissement par exemple pour reconstruire un pont communal, on va pouvoir toucher des subventions de la région, du département, de la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française (Carf), de l’État au titre de la dotation de solidarité. Mais ce dont on aurait besoin, c’est d’avoir une aide exceptionnelle financière de l’État qui rentrerait directement dans la trésorerie des communes.

C’est-à-dire ?

En réalité, quand on monte une opération d’investissement normale et qu’on est subventionné, il faut que les communes avancent l’argent. Et nous, nous sommes de petites communes avec très peu de trésorerie et nous ne pouvons pas faire des investissements aussi importants sans être obligées d’emprunter. À Breil, nous sommes en plus largement surendettés. On aurait donc besoin que ces aides exceptionnelles, et notamment ce fonds qui a été annoncé par le président de la République, puissent rentrer directement dans la trésorerie des communes. Et que l’on puisse ensuite dépenser pour nous reconstruire selon les priorités qu’on se fixe et là où on juge que c’est utile.

La situation évolue-t-elle suffisamment rapidement, selon vous ?

On n’a pas trop d’éléments de comparaison pour savoir si d’habitude, dans des cas comme ça, ça va plus vite ou moins vite. J’ai quand même le sentiment qu’il y a eu beaucoup d’avancées. Certaines avancées, comme par exemple le rétablissement de la route départementale, ont été plus rapides que ce que l’on pensait. On a rencontré quelques petits blocages administratifs ou autres mais vu l’étendue des dégâts, j’ai le sentiment que globalement tous les acteurs se sont bien mobilisés pour faire en sorte que l’on avance le plus rapidement possible. Naturellement, il y a des procédures qui sont toujours un peu lourdes. Je pense par exemple à toute l’évaluation des dégâts pour pouvoir percevoir la dotation de solidarité, sans parler des procédures qu’on devra faire demain pour percevoir les fonds Barnier (1) pour les biens sinistrés. Mais dans la gestion de l’urgence, on a su lever les blocages administratifs.

Quel est l’état d’esprit au sein de la population deux mois après la catastrophe ?

On a une population qui, jusqu’à présent, a été dans l’urgence, dans la gestion de la crise avec énormément d’habitants qui se sont investis bénévolement pour aider les autres. Et c’est ce qui a fait que tout le monde a tenu et s’est soutenu. Pour l’instant, on n’a pas encore eu de grosses répercussions en termes psychologiques. Mon inquiétude, c’était plutôt la suite. Je craignais qu’une fois que les choses allaient revenir un peu à la normale, les gens ne s’aperçoivent que la vie ne sera pas tout à fait comme avant et que ça se traduise par des dégâts psychologiques importants. On est extrêmement vigilant et surtout, on va essayer le plus rapidement possible de leur donner des perspectives, une vision d’avenir pour qu’ils comprennent où est-ce qu’on va et qu’ils puissent se projeter. Et que la situation dans laquelle nous sommes ne leur paraisse pas comme inextricable. Sinon on risque de perdre beaucoup de monde et il risque d’y avoir des dégâts psychologiques importants. Pour l’instant, la population tient le choc et on va essayer de faire en sorte qu’il n’y ait pas de contrecoup maintenant qu’on commence un peu à s’éloigner de la catastrophe.

Vous parlez de perspectives, comment vont se passer les fêtes de fin d’année à Breil ?

On va essayer de faire de belles fêtes de fin d’année. On a la chance d’être aidé par beaucoup de collectivités, d’associations, de particuliers qui ont envie de nous aider à égayer ces fêtes de fin d’année. Donc on va pouvoir organiser de multiples distributions de jouets ou de cadeaux pour les enfants, on va pouvoir sans doute avoir de belles décorations, de beaux éclairages de Noël. On va pouvoir faire un beau marché de Noël avec toutes sortes d’animations. Ce sont des choses importantes pour donner un peu de baume au cœur aux populations de nos villages sinistrés. On va donc essayer de faire en sorte que ce Noël ne soit pas comme les autres mais encore plus beau que les autres même s’il arrive dans une période beaucoup plus difficile.

Quelles aides avez-vous obtenu de Monaco ?

Il y a d’abord l’aide qui a été annoncée par le prince Albert II pour les vallées sinistrées. Dont on ne sait pas encore tout à fait comment elles seront réparties et perçues par les communes ou par d’autres collectivités. Mais le geste est absolument exceptionnel et nous touche. On a aussi vu énormément d’associations comme la Croix-Rouge monégasque, qui nous a fait un don financier important pour la commune de Breil et je sais qu’ils ont fait de même pour les autres communes. L’ordre de Malte de Monaco a offert un véhicule pour nos services techniques. On a eu une importante et belle solidarité de la part de Monaco, des associations, des entreprises monégasques et du gouvernement princier. Tout ça nous touche énormément et cela vient s’ajouter à un élan de solidarité magnifique qui s’est manifesté dans les Alpes-Maritimes et au-delà, puisque des personnes sont venues de toute la France pour nous aider.

Cette solidarité vous a touché ?

On ne s’attendait pas à un tel élan de solidarité. Elle s’est mise en place très vite. Ça nous touche énormément et ça nous donne l’espoir de pouvoir nous reconstruire rapidement. Je pense en particulier à tous ces dons financiers qui, eux, viennent directement dans la trésorerie de la commune et nous permettent d’engager des travaux et des investissements rapidement. Ce qui est beaucoup plus compliqué avec les financements de l’État ou des collectivités.

Le chanteur Julien Doré s’est aussi engagé pour les vallées : que vous apporte son soutien ?

C’est très bien, d’abord pour les habitants de voir qu’ils sont soutenus par des personnes que pour beaucoup, ils apprécient et admirent. C’est important médiatiquement car ça permet de ne pas être oublié et d’attirer régulièrement, avec ce type de déplacement, le feu des projecteurs sur notre situation qui reste compliquée et qui va le rester pendant longtemps. Et c’est très utile car à travers la tombola qu’il a organisée, il va y avoir un soutien financier qui va transiter par le Secours populaire mais qui va bénéficier aux populations sinistrées de nos vallées.

Craignez-vous que cette solidarité finisse par s’estomper ?

On l’a déjà constaté. Il y a forcément certains soutiens qu’on a eus au départ que l’on a aujourd’hui dans une moindre mesure. Mais c’est normal. Les gens viennent aider au cœur de la catastrophe et ensuite chacun « reprend sa vie ». Mais on a aussi des personnes qui sont restées très fidèles à la vallée de la Roya et qui continuent de nous aider. On a aussi de nouvelles initiatives venant de personnes qui se sont dit que peut-être leur soutien n’était pas utile en plein cœur de la crise et qu’ils seraient plus utiles dans un second temps pour la reconstruction. Donc finalement, on constate que l’aide a tendance à s’étaler dans le temps ce qui est bien.

Combien de temps faudra-t-il pour retrouver une vie quasi-normale à Breil-sur-Roya ?

J’ai bon espoir que nous ayons retrouvé une vie normale avant l’été prochain. C’est l’objectif que je me fixe. Mais sur le haut de la vallée de la Roya, ça va sans doute être plus compliqué, plus long.

1) Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », intervient pour l’indemnisation des catastrophes naturelles non prise en charge par les compagnies d’assurance, ainsi que pour le financement de la prévention des risques naturels.

Monaco toujours mobilisé pour les sinistrés

Très affectée par les dégâts provoqués par la tempête Alex dans les vallées maralpines, la principauté de Monaco s’est rapidement mobilisée pour venir en aide aux sinistrés (lire Monaco Hebdo n°1168). Appels aux dons, collectes de denrées alimentaires et de vêtements, aides logistiques… les opérations se sont multipliées avec un certain succès. À l’initiative du prince Albert II, le gouvernement a également débloqué, début octobre, une aide d’urgence de quatre millions d’euros, destinée à la reconstruction des vallées touchées en France et en Italie (Vésubie, Roya, Tinée et Vintimille). Depuis, l’élan de solidarité n’a jamais cessé affirme le maire de Breil-sur-Roya, Sébastien Olharan, qui cite en exemple « parmi beaucoup d’autres » l’aide récemment proposée par la Croix-Rouge monégasque pour « remettre en état des logements afin qu’on puisse y héberger les sinistrés ». Et alors que les fêtes de fin d’année approchent à grands pas, Monaco ne compte pas en rester là. Pour donner un peu de baume au cœur et de gaieté aux populations touchées durant cette période habituellement festive, l’État monégasque, « sur instruction du prince souverain », a décidé de soutenir l’opération « Noël Solidarité pour les enfants de la vallée de la Roya », avec un don de 15 000 euros. Initié par la députée des Alpes-Maritimes Alexandra Valetta-Ardisson et la communauté d’agglomération de la Riviera française (Carf), cet événement solidaire a pour objectif d’offrir des jouets aux près de 600 enfants de 0 à 14 ans des zones sinistrées. « Ce geste de solidarité témoigne de l’attachement de la principauté de Monaco aux populations de l’arrière-pays », indique le gouvernement dans un communiqué en date du 25 novembre 2020. De son côté, l’association Children and Future, organisatrice de la No Finish Line Monaco, a fait savoir qu’une partie des 317 000 euros récoltés cette année serait reversée aux vallées sinistrées alors qu’une collecte de jouets pour les enfants sinistrés avait également été organisée durant la semaine de course. « On a eu une importante et belle solidarité de la part de Monaco, des associations, des entreprises monégasques et du gouvernement princier. Tout ça nous touche énormément et nous donne l’espoir de pouvoir nous reconstruire rapidement », se réjouit Sébastien Olharan.