mercredi 24 avril 2024
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Les méthodes de la SPA de Monaco pour faciliter les adoptions

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Les chiens et les chats recueillis à la SPA l’Abri de Monaco ne restent globalement pas plus d’un mois au refuge, avant d’être adoptés. Cela s’explique, en partie, par le financement accordé par l’État monégasque, qui assure le maintien d’une équipe professionnelle stable. Mais c’est aussi le fait d’une méthode bien rodée, que détaille à Monaco Hebdo son directeur, Pierre Verdino.

De manière générale, les refuges de la Société protectrice des animaux (SPA), font ce qu’ils peuvent  (1). Faute de moyens, nombreux sont ceux à se reposer essentiellement sur des renforts de bénévoles, et rares sont les refuges qui peuvent se payer le « luxe » de travailler avec une équipe de salariés, stable et compétente. À Monaco, si tout n’a pas toujours été rose depuis la création de son refuge en 1954, tant en termes de réputation que d’organisation interne, l’État met la main à la pâte, à hauteur de 75 000 euros par an, et permet à la SPA l’Abri de travailler globalement dans de meilleures conditions qu’en France. Forte de quatre agents animaliers diplômés, et d’un directeur, l’équipe salariée peut, en effet, assurer un bon roulement d’adoptions de chiens et chats, au point d’accueillir des animaux venant de Marseille, pour désengorger les autres refuges saturés qui s’étalent jusqu’aux frontières de la principauté. Et l’avenir de l’Abri s’éclaircit d’autant plus qu’un nouveau refuge flambant neuf est en cours de construction à Saint-Martin-de-Peille, qui promet d’être bien plus grand, et plus reluisant, que le site actuel situé en zone industrielle d’Èze, au bout du chemin de Barnessa. Un projet conséquent, financé, là encore, par l’État monégasque en grande partie, mais dont le montant demeure confidentiel, tant que la première pierre n’a pas été posée, probablement pas avant la fin 2023. Cela dit, l’argent ne fait pas tout. Et, si les animaux de l’Abri ne restent globalement pas plus d’un mois au refuge, c’est, en partie, grâce à un système élaboré par Pierre Verdino, le directeur du refuge depuis fin 2019.

© Photo Clément Martinet / Monaco Hebdo.

« Nous avons changé nos méthodes pour nous consacrer pleinement aux adoptions »

Pierre Verdino. Directeur de la SPA l’Abri

Un tri pour chaque adoption

L’objectif de tout refuge SPA est globalement le même : faire en sorte que chaque adoption soit réussie, et surtout définitive. Pour cela, il faut que l’animal soit « adoptable », et que son profil colle bien à celui de la personne, ou de la famille, qui désire l’adopter. Ainsi, à l’Abri de Monaco, ce ne sont pas les premiers arrivés qui sont les premiers « servis » lorsqu’ils se positionnent sur un chien ou un chat. L’équipe d’agents animaliers va en effet se concerter avant chaque adoption pour désigner l’adoptant idéal. Lieu de vie, situation professionnelle, horaires de travail, présence d’autres animaux dans le foyer… Toutes ces questions sont abordées à l’aide d’un questionnaire qu’il faut remplir avant de se positionner sur un animal. Quant aux visites de chiens, elles sont organisées par rendez-vous, idéalement, dans le jardin extérieur et pas devant le box, pour permettre à l’animal de mieux interagir avec chaque membre de la famille par exemple, et observer son attitude. S’il est timide ou anxieux, plusieurs visites seront organisées jusqu’à son adoption. Bref, tout cela nécessite du temps. Et comment le trouver quand le nombre d’abandons et de placements ne faiblit pas ? « Nous avons changé nos méthodes pour nous consacrer pleinement aux adoptions, répond Pierre Verdino. Avant, la main d’œuvre était utilisée pour faire du ménage à répétition, et les agents n’étaient pas assez disponibles pour accueillir les gens au refuge. Aujourd’hui, les adoptions sont prioritaires. Et, s’il faut repousser le ménage de quelques heures, nous le faisons. Nous faisons en sorte que l’animal puisse partir au bout d’une courte durée. Les résultats nous montrent que nous allons dans la bonne direction, même s’il ne faut pas se reposer sur nos lauriers. » Les chiffres semblent parler d’eux-mêmes depuis l’instauration de ce système : avant 2019, l’Abri ne totalisait que 30 adoptions à l’année, chiens et chats confondus, selon Pierre Verdino. En 2020, ce chiffre a plus que triplé, avec 104 animaux placés, puis 111 en 2021. Enfin, depuis le début d’année 2022, 57 adoptions ont déjà été réalisées. Le taux de retour est, quant à lui, « très faible » selon le directeur du refuge : « Lorsque ça nous arrive, c’est que les gens n’ont pas suivi nos conseils. Quand on place un chien peureux, par exemple, on recommande de ne pas le présenter trop tôt aux amis et aux groupes, car le chien risque d’avoir peur, et il peut grogner. Il faut se mettre à la place de l’animal, prendre le temps d’assimiler les changements, prendre le temps d’instaurer des répétitions… Quand les gens nous écoutent, ça se passe bien. On prend beaucoup de temps pour bien les briefer. C’est notre métier. » Et, comme tout métier, il nécessite une formation.

« Même si de nombreuses associations de protection animale sont contraintes à travailler avec des bénévoles, car elles ont des moyens très limités, ce n’est pas une bonne méthode, car les besoins des animaux sont les mêmes toute la semaine, et pas uniquement le week-end, quand ils sont disponibles »

Pierre Verdino. Directeur de la SPA l’Abri

Du personnel diplômé

Avant de proposer un animal à l’adoption, l’Abri le remet en condition. Outre la remise en santé, qui passe par la stérilisation, la vermifugation, les mises à jour de vaccins, et le bilan sanguin, les agents animaliers se chargent aussi du comportement de l’animal, tout particulièrement pour certaines races de chiens. Notamment les American Staffordshire et leurs dérivés, proches de la race Pitbull, qui sont légion dans les refuges SPA [lire notre encadré ci-contre — NDLR]. Ces chiens nécessitent souvent de passer par une phase de rééducation. Les agents vont ainsi analyser le comportement du chien, ses peurs, ses angoisses, et ses faiblesses comme des problèmes de marche en laisse. Et, s’ils sont épaulés par des éducateurs canins, il leur faut tout de même un solide bagage de connaissances pour gérer l’animal avec professionnalisme. Pour cela, les salariés recrutés doivent justifier d’une attestation de connaissances pour les animaux de compagnie et d’espèces domestiques, dite ACACED, obtenue à l’issue d’une formation et d’une évaluation de compétences encadrées par l’État français. Celle-ci garantit les bases en matière de santé vétérinaire, de soins, de transport, ou encore de droit animalier. L’Abri de Monaco a donc très peu recours aux services de bénévoles : « Le bénévolat ne suffit malheureusement pas pour gérer des êtres vivants. Il faut être capable de détecter les signaux renvoyés par un animal quand quelque chose ne va pas. C’est un métier qui doit être encadré. Y compris pour sortir les chiens sur la voie publique, explique Pierre Verdino. Même si de nombreuses associations de protection animale sont contraintes à travailler avec des bénévoles, car elles ont des moyens très limités, ce n’est pas une bonne méthode, car les besoins des animaux sont les mêmes toute la semaine, et pas uniquement le week-end, quand ils sont disponibles. » Selon ce directeur en effet, c’est le professionnalisme de ses collègues qui permet aux animaux d’être adoptés vite et bien : « Le refuge est la meilleure chose qui puisse arriver à un animal, en cas d’abandon. Ici, il est pris en main et placé par des professionnels, pour une adoption qui va tenir la route. Quand on le fait tout seul depuis Internet, et qu’on confie son chien à je ne sais qui, il risque probablement de revivre les mêmes conditions qui l’ont amené à son abandon. Le résultat, on le connaît. Nous, on va dire la vérité sur l’animal, et même noircir le tableau, pour ne garder que les meilleurs profils ». Reste à le faire savoir.

« Nous avons eu affaire à des gens responsables, qui ont effectué de gros déplacements pour venir voir l’animal, comme ce couple de Parisiens, venu spécialement pour adopter un Teckel de 8 ans. Nous en avons eu aussi de Suisse, du Loiret, ou encore de Savoie »

Pierre Verdino. Directeur de la SPA l’Abri

Une ouverture de la communication

Si c’est une évidence aujourd’hui, l’Abri n’a pas toujours mis en avant ses actions sur Internet et les réseaux sociaux. Sur ce point, Pierre Verdino est inflexible : « Une bonne adoption passe par de la communication. Beaucoup d’animaux passaient de longues durées au refuge, alors qu’ils auraient pu être placés en trouvant de bons profils plus rapidement. Mais des gens ignoraient notre existence, même à Monaco, ce qui est une aberration. Ils allaient à Nice, et plus loin encore, pour adopter leur animal, alors que notre refuge était rempli », se souvient le directeur, qui était agent animalier avant 2019. Sous sa direction, le refuge a entamé une campagne de communication numérique, principalement sur sa page Facebook. Elle permet de présenter les animaux à adopter, mais surtout les animaux dans leurs nouveaux foyers, après l’adoption, pour illustrer en image les résultats obtenus, et inspirer la confiance des futurs adoptants. Cette communication permet aussi d’élargir les horizons du refuge, et de multiplier les opportunités de bonnes adoptions, en permettant à des personnes extérieures à Monaco et ses alentours de se diriger vers le refuge. « En se réduisant à Monaco et aux Alpes-Maritimes, nous étions trop limités, et nous ne rencontrions pas toujours de bons profils d’adoptants. Certains s’imaginaient qu’on allait leur envoyer l’animal par la poste, sans avoir fait la démarche de venir le rencontrer », explique Pierre Verdino. « En revanche, on a eu affaire à des gens responsables, qui ont effectué de gros déplacements pour venir voir l’animal, comme ce couple de Parisiens, venu spécialement pour adopter un Teckel de 8 ans. Nous en avons eu aussi de Suisse, du Loiret, ou encore de Savoie. Des gens qui viennent sur plusieurs jours, pour de belles adoptions. Sans communiquer, et en se cantonnant à Nice ou à Cannes, peut-être que ces animaux seraient toujours là. » Et, grâce au turnovers important d’animaux à l’Abri, du fait de la rapidité des fréquences d’adoptions, ce refuge peut se permettre d’élargir son périmètre d’action, en accueillant des animaux issus des fourrières de Marseille, de Trets, jusqu’à Nice et Falicon : « Ce sont des régions qui sont saturées d’animaux, et qui ont besoin d’aide. Les fourrières, qui sont obligées de passer par les refuges pour placer les animaux, font d’abord des tentatives pour retrouver les propriétaires, mais ce n’est pas toujours évident. Du coup, ces animaux finissent souvent chez nous »

Sensibilisation de la jeunesse

Cette communication, plus active, permet aussi de toucher un public jeune, sur lequel mise beaucoup cette association. Cela passe notamment par l’accueil de quelques stagiaires en cours d’année, principalement issus des collèges de Monaco et des communes limitrophes : « D’un côté, c’est une grosse responsabilité qui est assez chronophage, car on parle de jeunes adolescents qui évoluent au milieu d’animaux parfois dangereux. Mais, de l’autre, c’est très enrichissant, car on en apprend beaucoup, sous leur regard de jeunes. Et ils feront une bonne communication ensuite sur notre métier, et sur la cause animale en général, grâce à leurs rapports de stage qui seront commentés dans leurs établissements. » Les stages sont en effet à l’origine de belles histoires au refuge : « J’ai l’exemple de deux collégiennes de l’établissement Charles III à Monaco, Télia et Marie, qui ont récolté plus de 300 euros en vendant des portes-clés à 4 euros pièce, pour l’association. Elles sont parties de rien, donc il faut s’imaginer le travail que cela représente. Il leur a fallu beaucoup de ténacité, et ça nous a beaucoup touchés. Quand les gens font des dons à la SPA, on le prend comme une marque de soutien. » Pourvu que ça dure.

Pourquoi autant d’American Staffordshire dans les refuges ?

De toutes les races rencontrées dans les refuges SPA, celle des American Staffordshire est la plus représentée, y compris à l’Abri de Monaco. « Ce sont des chiens qui ont le plus grand palmarès de changement de maîtres », regrette le directeur du refuge l’Abri, Pierre Verdino. Cet animal, classifié comme « chien de garde et de défense » (catégorie 2), souvent comparé à tort au Pitbull, n’est pas difficile ou dangereux par nature, mais il nécessite beaucoup d’attention et de disponibilité pour canaliser son énergie débordante. Et leurs maîtres n’y sont pas toujours préparés : « Ces chiens sont des boules de muscles. Ils débordent d’énergie, et des gens s’étonnent qu’ils ne restent pas tranquilles en étant enfermés toute la journée dans un appartement. Si on ne le canalise pas, il va provoquer des dégâts, aboyer beaucoup, causer des problèmes… Les gens se lancent dans la difficulté, puis n’y arrivent pas. Mais tout cela était prévisible. » Ce type de chien correspond en effet davantage à des personnalités sportives et actives, qu’à des personnes casanières et peu présentes pour sortir longtemps leur animal. Mais, paradoxalement, c’est aussi un type de chien en vogue : « Il y a un effet de mode avec les American Staffordshire : tout le monde en veut un, même quand il évolue dans une situation professionnelle instable, et c’est un problème. On a le même phénomène avec les bergers australiens et les border collie, qui sont des chiens de travail, infatigables, capables de courir des kilomètres non-stop dans la journée. On en fait des chiens de canapé, comme on l’a fait pour les labradors et les Golden Retriever, qui étaient destinés à la chasse. Résultat, ils accumulent les problèmes de santé, car ils n’ont pas un mode de vie adapté à leur race. »

1) Contact e-mail : contact@spamonaco.org. Page Facebook de l’association. Téléphone : +33 4 93 41 03 62.

Pour lire la suite de notre dossier « Bien-être animal : la patte monégasque », cliquez ici.