samedi 20 avril 2024
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Retraites?: la grogne se poursuit

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manif des salariés
© Photo Monaco Hebdo.

Suite à l’appel de l’USM, un millier de salariés ont manifesté contre la réforme du régime de retraites et demandé le retrait du projet de loi. Le gouvernement a clairement fait comprendre que c’était exclu.

Ça suffit. Trop c’est trop. Pour Stéphane Valeri, la coupe est pleine. « La population de ce pays, ainsi que la grande majorité des salariés et des employeurs, ne comprennent pas une minorité de personnes, qui n’arrête pas de dénigrer le modèle économique et social monégasque, en présentant la Principauté comme un enfer pour les travailleurs et en pronostiquant la paupérisation des futurs retraités. Les dizaines de milliers de salariés qui viennent chaque jour de France ou d’Italie pour travailler à Monaco sont lucides et responsables. S’ils travaillent dans notre pays, c’est parce qu’ils savent bien que notre système social leur est plus favorable et il le restera. » Au lendemain de la manifestation contre la réforme des retraites, le conseiller pour les affaires sociales a visiblement décidé de montrer les dents. Et de confirmer la fermeté du gouvernement. Pas question de retirer le projet de loi qui doit être voté fin septembre, comme l’avait demandé à corps et à cris les manifestants réunis devant les caisses sociales de Monaco.

« Tromperie »
A l’appel de l’USM, plus d’un millier* de salariés de différents secteurs d’activité (hôtellerie, restauration, bâtiment, industrie et même fonction publique) ont en effet battu le pavé et défilé dans la ville le 21 juin. Dénonçant tour à tour « un processus d’appauvrissement des retraité qui va toucher les jeunes salariés, retraités de demain. » Mais aussi « l’énorme campagne médiatique engagée par les partisans de la réforme des retraites », notamment « à coup de 74?000 lettres individuelles ». Chaque retraité et salarié de la principauté avait en effet reçu à son domicile une missive du gouvernement donnant sa version du futur texte de loi.
Devant les manifestants, Monique Ferrete, secrétaire générale de l’USM a déroulé l’argumentaire contre la réforme?: « On veut vous faire croire qu’il est vital de prendre des mesures aujourd’hui pour sauver notre régime de faillite en 2030. C’est une tromperie. La faillite était déjà prévue dans les années 90 puis en 2000. Elle n’a toujours pas eu lieu. » Selon le gouvernement, le projet de loi qui est actuellement examiné par le conseil national a vocation à préserver le régime des retraites jusqu’en 2050. Mettant en avant qu’il y a péril en la demeure?: selon les études d’actuaires, l’augmentation de l’espérance de vie aurait plombé les comptes de la caisse autonome des retraites (CAR). Avec une durée moyenne de perception des pensions de 19 ans aujourd’hui, contre sept ans en 1970.

Retraites en baisse??
Mais c’est sur l’impact même de la réforme que l’USM porte ses coups?: « Pour nous faire avaler cette réforme, on veut nous faire croire que ce projet va sauver la CAR tout en servant de meilleures retraites?! C’est faux, assène Monique Ferrete. Votre retraite sera forcément diminuée puisque une partie de la réforme a pour but de vous faire acquérir moins de points et le montant de votre retraite est fonction du nombre de points acquis. »
Le système actuel de retraite monégasque est en effet basé sur l’acquisition, chaque année, de points de retraites, calculés en fonction du salaire de base de la CAR (voir encadré). Or, techniquement, la réforme prévoit de dissocier les courbes de ces deux paramètres et de faire évoluer le salaire de base de 1,1 point supplémentaire par rapport à la progression actuelle. Ce décrochage implique, selon l’USM, une augmentation de la valeur de l’achat du point qui impactera à terme gravement le salarié. En clair, le point acheté coûtera plus cher au salarié et le futur retraité devra travailler plus longtemps pour en acquérir suffisamment afin d’avoir une retraite décente. Surtout si les salaires plafonnent et ne dépassent pas le niveau de l’inflation. Ce qui selon l’USM, est le cas aujourd’hui notamment dans le secteur de l’industrie. Un phénomène qui pourrait se généraliser en l’absence de grilles de salaires…
C’est pourquoi la secrétaire générale affirme que « tous les partisans du projet — hués par les manifestants, N.D.L.R. — nous vantent les mérites d’une réforme qui ne touche pas à l’âge de la retraite. Faux, archifaux. Ce que l’on ne vous dit pas c’est que grâce à cette extraordinaire réforme, le choix sera soit de partir à la retraite à 60 ans avec des pensions fortement tronquées, soit de prendre la retraite à 65 ou 67 ans, c’est à dire travaille 5 à 7 années de plus pour avoir le niveau de retraite actuel qui vous permette de vivre?! »

Rendre coup pour coup
L’USM dézingue une « réforme antisociale »?? Le gouvernement réplique immédiatement. Pour Stéphane Valeri, il était impossible de laisser passer sans broncher les affirmations des syndicats. Surtout que la manifestation du 21 juin, si elle n’a pas mobilisé davantage de salariés et de retraités que les années passées, a fait l’objet d’une large médiatisation dans la presse française. AFP, Le Parisien, TF1, France 2… Plusieurs médias se sont fait l’écho des arguments de l’USM.
Du coup, Stéphane Valeri persiste et signe. Confirmant, comme dans ses déclarations passées, que le montant des pensions sera maintenu. « Quand l’USM parle de baisse de retraites, elle se réfère non pas aux retraites actuelles, mais à des retraites futures, fondées sur une distribution de points de retraite virtuels, que le régime n’aurait pas les moyens de payer, sauf à en diminuer la valeur de 30 % à l’horizon 2030. » Ces retraites virtuelles, le conseiller de gouvernement les compare à des assignats que la CAR serait incapable d’honorer?: « La réalité, c’est que sans notre projet de loi, le montant des pensions subirait dans moins de 20 ans, une régression de plus de 30 %. » Et ce n’est pas le fonds de réserve de 1,2 milliard d’euros qui permettrait de sauver le régime selon le conseiller…
En clair, le gouvernement n’a pas d’autre choix que d’utiliser deux leviers pour redresser la barre du régime. D’une part « augmenter les cotisations (entre 0,4 et 0,7 % pour les salariés et entre 0,8 et 1,3 % pour les employeurs), et donc les recettes de la caisse de retraite et parallèlement de stabiliser la distribution de points à son niveau actuel, qui est historiquement le plus haut. Concrètement, il s’agit de garantir globalement des retraites futures équivalentes en euros actuels, à celles d’aujourd’hui. » D’autre part, en dissociant l’évolution de la valeur du point de celle du salaire de base?: « Chaque année, le salarié obtient grâce aux cotisations, de plus en plus de points de retraite future. En effet, le prix d’achat du point évolue au même rythme que le salaire de base qui lui même évolue par rapport à l’inflation. Or, les travailleurs ont des salaires qui évoluent plus vite que l’inflation. »
Pour Stéphane Valeri, les salaires ne stagneraient pas en principauté. Au contraire?: « Selon une étude de la direction des Caisses Sociales, 94 % de la population salariée stable a vu ces 20 dernières années, son salaire évoluer, en moyenne, chaque année, d’au moins 1 % de plus que l’inflation. »

Amendements
Après avoir répondu aux partenaires sociaux, le gouvernement devra négocier en juillet avec les élus les amendements du texte. Aujourd’hui, le conseil national a en effet reçu lui aussi la Fédération patronale, l’Union des retraités et l’Union des syndicats. Dans un climat parfois électrique?: l’élu indépendant Christophe Spiliotis-Saquet a ainsi taxé la délégation syndicale d’irresponsable… C’est en tout cas désormais au tour des conseillers nationaux de faire leurs contre-propositions. Y compris sur l’introduction d’une retraite minimale. S’il se dit serein et ouvert, Stéphane Valeri limite déjà le champ des amendements, en rappelant que l’effort de la réforme doit être partagé entre les employeurs et les salariés. L’ancien président du conseil national est également conscient d’une chose?: si jamais les élus souhaitent abaisser le paramètre de croissance de 2,5 % à 2 % ou augmenter les cotisations à la fourchette haute immédiatement, comme on l’entend ici ou là, ils devront assumer la responsabilité de mesures impopulaires… Juste avant les élections.

*1?200 selon des policiers sur place, 950 officiellement selon la Sûreté, 1?500 selon les syndicats.

Un régime basé sur le point de retraite
Aujourd’hui, le calcul de votre pension est basé sur un système de points. Il faut alors multiplier le nombre de points CAR décrochés pendant les années travaillées en principauté — au maximum 48 points par an, mentionnés sur un relevé annuel de la CAR — par la valeur du point. Fixée par arrêté ministériel, cette valeur était de 17,81 au 1er octobre 2011. Ensuite, pour obtenir le montant de sa retraite mensuelle, il faut diviser par 12. Mais rassurez-vous, un simulateur de calcul de pension mensuelle est disponible sur le site Internet des caisses sociales de Monaco… Pour les carrières mixtes, il faut ensuite ajouter la pension de retraite de base des caisses françaises. En France, avec la réforme, en 2012, il faut désormais cumuler 164 trimestres, soit 41 ans, pour toucher une retraite à taux plein. Le site de l’USM propose, lui, de calculer votre pension future. Selon une méthode contestée par le gouvernement.
Coup de pouce au SMIC
Le gouvernement français a annoncé un coup de pouce du SMIC de 2 % au 1er juillet. le gouvernement monégasque devrait suivre. Un argument de plus pour Stéphane Valeri qui a l’habitude de dire, pour défendre le régime des retraites?: « Compte tenu des augmentations régulières du SMIC, qui vont se poursuivre, et qui a progressé de 73 % sur les 20 dernières années, alors que le salaire horaire moyen taxé progressait seulement de 63 %, on peut affirmer que dans le futur la retraite des employés rémunérés au SMIC, sera supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui… »