vendredi 29 mars 2024
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Recrutement des seniors : « On est encore jeune à 50 ans »

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Que pensent les recruteurs des candidatures de seniors en principauté et au-delà de ses frontières ? Géraud Lefranc, manager au cabinet de recrutement Michael Page Monaco, répond à Monaco Hebdo.

 

À quel âge est-on considéré comme un seniors sur le marché de l’emploi, selon les recruteurs ?

Concrètement, selon les dernières études menées, notamment par l’association À compétence égale, l’âge pivot pour qualifier un candidat de senior est de 50 ans. Il faut d’ailleurs faire une distinction entre l’âge perçu comme senior par les candidats, et par les recruteurs.

À quel âge les candidats se considèrent-ils eux-mêmes comme des seniors ?

Pour les candidats, c’est un peu plus. Ils se considèrent comme senior à partir de 52 ans, selon ces mêmes études.

Est-on plus vite considéré comme senior dans certains secteurs que dans d’autres ?

Tous secteurs confondus, globalement, on remarque qu’un candidat va être considéré comme « senior » dans son poste lorsqu’il occupe les mêmes fonctions sur une durée de dix ans. Ce n’est donc pas vraiment sectoriel car, sur un même poste, la tendance va généralement vers l’évolution des compétences.

Vers quels secteurs les 50 ans et plus peuvent-ils trouver plus facilement de l’emploi ?

Une fois encore, sur le territoire de Monaco, et même celui des Alpes-Maritimes, il n’y a pas vraiment de secteurs qui recrutent plus que d’autres. On observe plutôt une évolution générale des mentalités. Nous notons une vraie prise de conscience de la part des employeurs sur le fait que les salariés doivent travailler plus longtemps. Si, en France, l’âge légal de départ à la retraite devrait être avancé à 65 ans dans les années à venir, c’est déjà le cas à Monaco. On est donc encore jeune à 50 ans.

Selon l’IMSEE, la tranche des 45-54 ans est la plus représentée à Monaco dans le secteur privé chez les salariés, comment l’expliquer ?

Sur le territoire de Monaco et des Alpes-Maritimes, nous remarquons que de nombreuses personnes viennent faire leur deuxième partie de carrière, même si le terme est un peu réducteur. Mais c’est une tendance qui s’accentue. Très souvent, les jeunes diplômés débutent leur carrière dans une grande métropole, à l’international, et à Paris. Et, dans un second temps, quand leurs priorités ont évolué, notamment du point de vue familial, ces candidats cherchent à venir, ou à revenir, dans la région.

Existe-t-il une spécificité du marché de l’emploi monégasque pour les seniors ?

À Monaco, l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 65 ans. La pyramide des âges est donc légèrement différente de celle de la France, du moins pour l’instant [cet entretien a été réalisé le 12 octobre 2022 — NDLR]. Il existe également, en proportion, moins de métiers à forte pénibilité. Même si les secteurs de l’industrie représentent en cumulé 15 % du produit intérieur brut (PIB) monégasque, les emplois occupés à Monaco sont davantage des métiers de bureau, sans aller jusqu’à dire qu’il s’agit davantage de cadres. Il s’agit donc de carrières où l’on commence plus tard que la moyenne, et où l’on finit logiquement plus tard également.

En principauté, selon les recruteurs, quels sont les atouts des profils seniors ?

« Tous secteurs confondus, globalement, on remarque qu’un candidat va être considéré comme « senior » dans son poste lorsqu’il occupe les mêmes fonctions sur une durée de dix ans »

Par ordre d’importance, c’est l’expérience qui est valorisée en qualité première chez les recruteurs. Viennent ensuite l’expertise, puis la grande autonomie, le goût de transmettre aux plus jeunes, et la capacité à prendre du recul et à savoir analyser la prise de risque. Sur certaines fonctions également, notamment commerciales, on note la mobilité géographique.

Habituellement, la mobilité n’est-elle pas un atout attribué aux jeunes ?

Non. Les candidats de 50 ans et plus, tous métiers confondus, montrent également une capacité à se déplacer. Généralement, leur vie familiale a évolué, et ils ont donc plus de disponibilités pour se déplacer.

À l’inverse, quels sont les points faibles des candidats seniors ?

Avant toute chose, il faut insister sur le fait qu’il s’agit de perceptions du recruteur, et pas d’une réalité objective. En premier lieu, la faiblesse première des seniors, selon les recruteurs, est le temps restant limité avant la retraite. Selon cette idée, les candidats recrutés ne resteraient pas suffisamment longtemps dans l’entreprise, mais c’est un faux argument selon moi. Car nous observons, a contrario, que les nouvelles générations sont plus volatiles et changent plus fréquemment de postes que les autres. Les candidats de plus de 50 ans sont généralement plus fidèles à leur employeur. Ils sont moins enclins à changer de poste.

« Le management de transition, avec de l’interim assuré par des cadres, se développe peu à peu. Il permet aux entreprises de bénéficier, dans un délai court et pour une durée déterminée, de compétences managériales opérationnelles hautement qualifiées pour faire face à des situations particulières »

Quoi d’autre ?

Les recruteurs pointent également la difficulté des seniors à s’intégrer à une équipe plus jeune. Mais, sur ce point, il faut faire du cas par cas. Il faut en effet de tout pour former des équipes complètes. Et on en revient au point fort des seniors, qui est l’envie de transmettre leurs compétences aux plus jeunes qu’eux. Mais les recruteurs craignent aussi que les candidats seniors aient du mal à s’adapter aux nouvelles technologies.

Qu’entend-on concrètement par « nouvelles technologies » ?

Rien d’insurmontable. Il peut s’agir de tableaux croisés dynamiques sur Excel, ou de la prise en main de nouveaux logiciels. Des choses qui, peu importe l’âge, nécessiteront une formation de toute façon si le candidat n’est pas familier avec.

Qu’en est-il des compétences des seniors ?

Au-delà de ce que nous avons cité précédemment, les candidats sont directement opérationnels sur une prise de poste, véritable “plug and play” [prêt à l’emploi — NDLR], comme disent les anglo-saxons.

Les seniors coûtent réellement plus cher que les jeunes ?

Ils peuvent coûter plus cher, car les salaires sont corrélés aux compétences. Il est donc logique que les candidats les plus expérimentés soient rémunérés de manière plus importante. Mais, pour autant, ce sont des candidats qui sont moins motivés par la rémunération que par le goût de transmettre.

Les seniors peuvent accepter de gagner moins ?

Toutes proportions gardées, oui. Ce sont des candidats qui en sont arrivés à une étape de vie où leurs coûts fixes sont généralement moins élevés. Ils sont donc prêts à revoir leur rémunération à la baisse. Bien évidemment, ils ne vont pas accepter la même rémunération qu’un junior. Mais ils acceptent souvent de revenir sur le niveau de rémunération de leur avant-dernier poste.

Pour quel type de contrats ?

Majoritairement pour des contrats à durée indéterminée (CDI). Le management de transition, avec de l’interim assuré par des cadres, se développe peu à peu. Il permet aux entreprises de bénéficier, dans un délai court et pour une durée déterminée, de compétences managériales opérationnelles hautement qualifiées pour faire face à des situations particulières. Cette pratique reste cependant encore minoritaire, mais elle est tout de même en fort développement.

Contrairement aux profils “jeunes”, les seniors se soucient-ils de l’impact de leur entreprise et de la liberté au travail ?

Ce sont deux points que l’on peut retrouver autant chez les seniors que chez les 18-35 ans. L’impact d’une entreprise, ses valeurs, ses engagements, n’intéressent pas seulement une génération en particulier. Mais, en ce qui concerne la liberté au travail, et l’attrait pour le télétravail, la tendance est tout de même plus marquée chez les jeunes générations.