mercredi 24 avril 2024
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Stéphane Valeri : « Les Monégasques ne sont pas dupes »

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Dans le cadre des élections nationales de février 2018, Monaco Hebdo a décidé de donner la parole aux têtes de listes engagées dans cette course. Après Jean-Louis Grinda la semaine dernière, Stéphane Valeri, tête de liste Primo !, a répondu à nos questions. Pour des raisons d’agenda, Béatrice Fresko-Rolfo n’a pas été en mesure de nous recevoir.

Comment jugez-vous le climat général de cette campagne électorale ?

Pour ce qui concerne les candidats de la liste Priorité Monaco (Primo !), nous menons une campagne positive d’écoute et de propositions avec et pour les Monégasques et pour Monaco. Pour nous, la vraie campagne, c’est celle qui concerne la vie des gens. Et ils sont inquiets sur les grands sujets qui les concernent comme le logement, l’Europe, la qualité de vie, la fonction publique ou la Société des Bains de Mer (SBM), par exemple.

Et du côté des deux listes concurrentes, Horizon Monaco (HM) et Union Monégasque (UM) ?

Si nous parlons de la campagne des concurrents, le climat est différent. Vous avez sans doute noté que dans leurs réunions publiques, dans leurs interviews et plus encore sur les réseaux sociaux, certains ont lancé contre Primo ! et contre moi en particulier, une campagne virulente d’attaques personnelles qui, chez quelques-uns, confère à l’obsession. Ils ne peuvent pas prendre la parole sans parler de nous, plutôt que de leurs projets. Certains tentent ainsi, sans succès, de diviser notre communauté en répandant invectives et rumeurs malveillantes. Il y a même des propos sur internet qui flirtent avec la calomnie, parfois jusqu’à la haine, qui tentent de créer une tension malsaine entre Monégasques.

Surtout que le Prince Albert II a réclamé une campagne électorale apaisée ?

J’ai entendu la demande du Prince Albert II pour une campagne sereine, comme nous la menons. Nous avons certes des idées et des projets différents. Mais nous, si nous avons certes des concurrents, nous n’avons pas d’ennemis parmi les Monégasques. Nous n’avons de haine contre personne. Et après le 11 février, tous ensemble, quel que soit le résultat des élections, nous devrons œuvrer dans l’unité pour notre pays et l’avenir de nos enfants.

 

« Il y a des propos sur internet qui flirtent avec la calomnie, parfois jusqu’à la haine, qui tentent de créer une tension malsaine entre Monégasques »

 

Depuis vos débuts en politique, de quelle façon ce climat a-t-il évolué ?

Nous avons tous la mémoire courte, mais les élections sont par définition des moments de tension. Ce qui change, avec les réseaux sociaux en particulier, c’est la virulence qui s’étale sur la place publique, de manière impulsive, non maîtrisée. Malheureusement, ce qui était autrefois de simples paroles qui s’envolaient, sont désormais des écrits qui demeurent. C’est regrettable et parfois affligeant. Vous remarquerez que nos candidats sont, eux, mesurés et constructifs.

Comment et pourquoi en est-on arrivé là ?

Demandez à nos concurrents ! Mon analyse est simple. Faute de proposition, ils se sentent sans doute obligés d’attaquer les nôtres. Faute de se sentir favoris, ils tentent de nous dénigrer. Les Monégasques ne sont pas dupes. J’ai été frappé, l’autre semaine, par exemple, après la mesure injuste prise par l’exécutif gouvernemental contre notre colistier Guillaume Rose (lire notre article publié dans Monaco Hebdo n° 1040), du formidable élan de soutien qu’ils nous ont manifesté, malgré les tentatives de récupération scandaleuses de cette mesure par nos concurrents.

En meeting, le 22 novembre 2017, vous avez dit avoir souffert de désaccords, lorsque vous étiez au sein du gouvernement : avec qui et sur quels dossiers ?

En effet, je constatais de plus en plus de divergences au sein du gouvernement. Or, dans un gouvernement on ne peut agir que dans le champ de ses propres responsabilités ! Je m’occupais donc du social et de la santé, pas du logement qui, aussi étrange que cela puisse paraître, relève à Monaco des finances, tout comme la SBM. Je ne m’occupais pas non plus de l’Europe, qui relève des relations extérieures, ni de la qualité de vie, qui relève de l’équipement ou de la fonction publique et de la retraite des fonctionnaires, qui relève du ministre d’Etat.

Vous avez essayé de vous battre pour défendre vos idées ?

Sur ces sujets-là notamment, pour lesquels je partageais l’inquiétude des Monégasques, je ne pouvais agir, même si je n’hésitais pas à exprimer mon avis au sein du gouvernement. Lorsque mes remarques dérangeaient, on me rappelait que ces dossiers ne relevaient pas de mon autorité. Pour tout vous dire, même dans ma partie, je devais me battre bec et ongles pour défendre le modèle social et de santé monégasque contre une logique purement comptable et technocrate de compression des dépenses publiques, qu’on tentait de m’imposer. J’ai toujours respecté mon devoir de réserve.

 

« Au sein du gouvernement, lorsque mes remarques dérangeaient, on me rappelait que ces dossiers ne relevaient pas de mon autorité »

 

Et puis, vous avez fini par démissionner de ce gouvernement ?

En démissionnant, mais je ne voulais le faire qu’après avoir achevé l’essentiel des missions que m’avait confiées le Prince Albert II, j’ai décidé de retrouver ma liberté de parole et d’action. Oui, j’avais donc des désaccords, notamment avec le ministre d’État, dont je ne partageais pas certaines approches.

Mais concernant les travaux de l’extension en mer, la tête de liste UM, Jean-Louis Grinda, vous reproche d’avoir laissé faire, alors que vous étiez au gouvernement ?

Je rappellerais d’abord à Jean-Louis Grinda qu’il a voté en juillet 2016 la loi de désaffectation permettant l’urbanisation en mer en motivant son vote par, je le cite, « un enthousiasme certain ». Et de se réjouir, je le cite encore « des avancées substantielles et crédibles obtenues en matière de contrepartie. » Quel culot, aujourd’hui, de vouloir me faire la leçon ! Mais vos lecteurs se souviennent sans doute que M. Grinda n’était pas le seul à partager cette opinion.

Qui d’autre était d’accord avec Jean-Louis Grinda ?

M. Nouvion, président pendant trois ans du Conseil national, n’avait pas agi en amont pour négocier des contreparties dans l’intérêt des Monégasques. Où sont passés, ce soir-là, le courage et les convictions de M. Nouvion, de son héritière politique Mme Fresko, de leur groupe politique HM, mais aussi le courage et les convictions de M. Grinda et de son groupe politique UM, qui ont tous voté comme un seul homme en faveur de ce projet de loi, sans obtenir —ni même demander— des logements, des bureaux et des commerces pour l’Etat, et donc pour les Monégasques et leurs enfants ?

C’est donc un véritable échec pour le Conseil national ?

Sur le fond, je regrette en effet qu’aucun équipement public, et surtout aucun logement domanial, n’ait été prévu sur cette extension de notre territoire. C’est un dossier historique totalement raté par le Conseil national. Cet effacement de l’assemblée, auquel je ne peux me résoudre, a été évidemment un élément important de ma décision de me présenter à nouveau aux suffrages des Monégasques. Pour répondre plus précisément à votre question, et sans vous révéler le contenu de discussions privées, je peux vous certifier que je me suis, en particulier auprès du ministre d’État de l’époque, fortement ému de l’absence de logements dans le projet. Mais ma position n’a pas été suivie.

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© Photo Iulian Giurca – Monaco Hebdo

C’est pour cela que vous avez martelé lors de votre meeting du 22 novembre 2017, qu’il fallait un « Conseil national fort » ?

S’il fallait une seule preuve que les Monégasques ont besoin d’un Conseil National fort, utilisant ses prérogatives constitutionnelles pour défendre leurs intérêts, vous l’avez avec ce dossier. Si nous sommes majoritaires, je m’engage solennellement à ce que jamais nous ne votions une désaffectation d’un terrain public, pour un projet privé sans qu’il y ait une compensation équitable pour l’Etat, notamment à travers des logements pour les Monégasques. Notre besoin le plus essentiel aujourd’hui et demain ne consiste pas à augmenter encore et toujours le fonds de réserve constitutionnel, mais à obtenir des espaces et des mètres carrés pour le logement et pour l’installation professionnelle de nos enfants !

Quel regard portez-vous sur la législature 2013-2018 qui s’achève ?

Le même regard que la grande majorité des Monégasques. Des batailles inutiles d’egos ont conduit à des divisions menant à l’effacement de l’assemblée, non seulement dans l’opinion des gens, mais surtout, ce qui est plus grave, face au gouvernement. Sur les grands dossiers, nous venons de parler de l’extension en mer, mais je pourrais citer la SBM, le dossier du logement, et tant d’autres, le Conseil national est apparu comme une chambre d’enregistrement.

 

« Je peux vous certifier que je me suis, en particulier auprès du ministre d’État de l’époque, fortement ému de l’absence de logements dans le projet [extension en mer — N.D.L.R.]. Mais ma position n’a pas été suivie »

 

Aucune note positive ?

Je tiens toutefois à saluer le travail de Christophe Steiner, qui s’est efforcé, sur la fin, de remettre au travail les équipes pour faire voter des textes trop longtemps laissés en souffrance par la majorité conduite par M. Nouvion et Mme Fresko. Comme tous, j’ai envie que les Monégasques soient fiers, à nouveau, de leur Conseil national.

Pour mettre en place un Conseil national « fort » face au gouvernement, que comptez-vous faire ?

Il s’agit de remettre les choses à leur place. A Primo !, nous considérons que nos institutions ont fait leur preuve. Elles sont parfaitement adaptées à notre pays. Nous ne voulons pas jouer aux apprentis sorciers en demandant à les modifier pour affaiblir, par voie de conséquence, les pouvoirs du Prince. Mais leur bon fonctionnement nécessite un Conseil national qui joue pleinement son rôle, tel que prévu par les textes. Rien que son rôle, mais tout son rôle. Il ne doit être ni une chambre d’enregistrement, ni une chambre d’opposition, mais un partenaire respecté, fort et indépendant du gouvernement.

Le Conseil national a vraiment du pouvoir face au gouvernement ?

Rappelons qu’aucune loi, et notamment la loi de budget, ne peut être votée sans majorité. Cela donne donc un vrai pouvoir au Conseil national. Ce qu’il faut changer, ce n’est pas la Constitution, c’est donner au Conseil national une nouvelle équipe soudée, dotée d’une ligne politique claire. Car croyez-moi, une assemblée forte et unie peut beaucoup avec nos institutions actuelles. Elle est nécessaire pour que le Prince appuie sa vision, non seulement sur le point de vue du gouvernement, mais aussi sur les attentes de son peuple que nous voulons représenter avec dignité et responsabilité. Pour que le Conseil national redevienne fort, nous aurons besoin d’être élus avec un soutien massif des électeurs, qui nous légitimerait.

Le gouvernement est défaillant sur quels dossiers ?

Précisément, là où le Conseil national aurait eu son mot à dire : le logement des Monégasques, la qualité de vie, le rôle de l’Etat dans la définition des orientations stratégiques de la SBM et Monaco Telecom, la manière d’appréhender le dossier européen, ou encore la façon de penser la fonction publique et l’avenir des retraites des fonctionnaires.

Mais HM et UM vous présentent comme un homme du passé, qui fait de la politique depuis 30 ans ?

Depuis quand l’expérience est-elle un handicap ? J’estime que Monaco est aujourd’hui confronté à des défis majeurs, que ce soit le logement, la qualité de vie ou la négociation de l’accord avec l’Union européenne notamment. Avoir de l’expérience, loin d’être un handicap, est un atout indispensable. Avoir fait ses preuves, c’est rassurant pour les Monégasques et ce sera forcément un avantage lors de ces élections. Mais Primo ! ne se résume pas à sa tête de liste. Avec moi, il y a toute une nouvelle génération qui s’engage. Si nous sommes élus, je ferai du Conseil national une pépinière de jeunes talents en politique pour préparer la relève. Certains ne font que parler des jeunes, moi je leur donne la parole et des responsabilités.

Concernant le dossier des Jardins d’Apolline, vos concurrents estiment que vous n’avez rien fait lorsque vous étiez au gouvernement ?

Aucune personne de bonne foi ne peut sérieusement imaginer que le conseiller de gouvernement-ministre des affaires sociales et de la santé soit responsable des défauts de construction dans les bâtiments domaniaux ! Si la campagne de dénigrement de mes concurrents continue sur ce terrain, je serai bientôt responsable de tous les maux, y compris du réchauffement climatique ! Soyons sérieux, nous parlons de familles monégasques.

Et pour les Jardins d’Apolline ?

Pour revenir au dossier d’Apolline, je n’ai évidemment pas été impliqué dans les causes de ce désastre. Il faut rappeler la réalité des faits : c’est une terrible crise de la construction dont il s’agit. Les Jardins d’Apolline ont été construits avec un budget très serré, avec l’obsession permanente des économies budgétaires. Et cette politique du moins-disant, je ne peux la partager. Je ne vais pas revenir ici sur la genèse de cette crise et l’historique de sa gestion, ni sur le problème du contrôle de ses chantiers par l’Etat, qui, dans ce cas, a été défaillant. Je rappelle par ailleurs que c’est le département des finances qui a la tutelle de l’administration des domaines, et donc de la gestion des immeubles de l’État. A partir de 2015, dès que des champignons et moisissures ont commencé à apparaître dans certains appartements, il y a eu immédiatement intervention de mon département au travers de la direction de l’action sanitaire (Dasa).

Qu’avez-vous fait ?

Dans les cas les plus graves, nous avons demandé des relogements de ces familles. Et c’est vrai qu’il y a parfois eu des lenteurs de la part des domaines chargés de les reloger. Courant 2016, la Dasa a mis en place un contrôle de la qualité de l’eau. Les prélèvements étaient bons. Le premier problème constaté a été immédiatement signalé en juin 2017. Je défends l’action des services placés alors sous mon autorité, qui ont bien fait leur travail. En revanche, les causes de cette grave crise doivent être analysées et les conséquences doivent en être tirées, en toute transparence, pour que cela ne se reproduise jamais.

Avoir été membre du gouvernement, tout comme votre colistier José Badia, ça présente quels avantages si vous êtes élu au Conseil national ?

C’est un grand avantage d’avoir la connaissance et la pratique quotidienne des deux institutions. L’esprit de notre Constitution, c’est la politique du pas vers l’autre qui doit aboutir à « l’accord des volontés », celle du Prince à travers le gouvernement nommé par Lui et celle du peuple monégasque, à travers ses élus. Bien connaître les deux côtés de la place de la Visitation est donc incontestablement un atout.

Le 24 novembre 2017, comment avez-vous vécu la décision, officialisée par ordonnance souveraine, de muter votre colistier, le directeur de la direction du tourisme et des congrès, Guillaume Rose, « dans l’intérêt du service » ?

La loi sur les élections nationales fixe dans son article 54 la liste des postes incompatibles avec le mandat de conseiller national… et ne concerne évidemment pas les annonces de candidatures ! De toutes manières, le poste de directeur du tourisme n’en fait pas partie ! Il était donc inutile d’aller plus loin en invoquant, comme l’a fait le gouvernement, « l’intérêt du service ». D’ailleurs, à ma connaissance, le poste est toujours vacant : est-ce là vraiment l’intérêt du service ? Ou encore, d’invoquer « l’obligation de réserve », qui sont des notions parfaitement compatibles avec le mandat d’élu.

Vraiment ?

La meilleure preuve en est qu’en 2011, Guillaume Rose avait été nommé à ce poste en étant conseiller national, et que ce dernier a été maintenu à son poste, tout en étant candidat en février 2013. Il est choquant de penser qu’un fonctionnaire puisse être sanctionné parce qu’il est candidat sur une liste, en ayant refusé une disponibilité rémunérée non prévue par les statuts de la fonction publique. La mesure prise à l’encontre de notre colistier a cherché à contourner, de fait, les textes en vigueur et semble totalement arbitraire à beaucoup de compatriotes, qui en déduisent que l’exécutif gouvernemental s’est immiscé dans l’élection contre notre liste. En tout état de cause, ce débat sur les incompatibilités, tranché par le gouvernement avant même qu’il ait eu lieu, ne devait pas être ouvert en pleine campagne électorale et sans un changement de la loi.

Vos adversaires vous ont reproché d’avoir osé commenter publiquement, et par deux fois, une décision du Prince ?

Rappelons que nos princes, dans leur grande modernité, ont permis via la Constitution, la saisine du tribunal Suprême pour contester une ordonnance souveraine. La possibilité de les commenter est donc un droit. En remettant en cause ce principe constitutionnel, ce sont nos adversaires qui mettent en danger nos institutions et qui font preuve d’un esprit particulièrement rétrograde. Pire, ils tentent insidieusement de suggérer un message d’opposition entre le Prince et notre démarche, ce qui est absolument faux et qui constitue un manque de respect pour Sa personne. Le souverain étant, par définition, au-dessus des prises de position électorales.

Jean-Louis Grinda et UM estiment que professionnaliser les élus à Monaco provoquerait un changement de régime pour aboutir à une monarchie parlementaire ?

Qui a parlé de « professionnaliser » les élus à Monaco ? Certainement pas moi ! Il faut arrêter cette désinformation entretenue à des fins électoralistes par mes concurrents, non seulement par M. Grinda, mais aussi par Mme Fresko. Compte-tenu de la dimension de notre pays, je suis, au contraire, favorable à ce que les élus continuent d’exercer une réelle activité professionnelle, de manière à conserver un ancrage dans la société civile.

Et le président du Conseil national ?

Je sais en revanche par mon expérience que le président du conseil national doit se consacrer à plein temps à sa fonction. Il est le premier interlocuteur des Monégasques, il doit étudier l’ensemble des textes, présider toutes les séances et être en contact permanent avec le gouvernement. De 2003 à 2010, j’y ai consacré toute mon énergie et tout mon temps. Mes successeurs n’ont pas continué en ce sens. On a vu le résultat. Comment en effet réussir dans cette fonction en s’y consacrant à temps partiel ? En stigmatisant cette évidence, mes adversaires font de la démagogie.

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© Photo Iulian Giurca – Monaco Hebdo

Les deux “affaires” Badia et Rose ont cristallisé beaucoup de réactions : comment capitaliser sur ces sujets délicats pour en tirer des conséquences positives pour vous et pour votre liste ?

Nous ne voulons pas « capitaliser » sur ce que vous appelez vous-même des « sujets délicats ». Si quelqu’un fait de la récupération électorale de ces décisions, regardez ailleurs ! Ce qui est certain, c’est que les Monégasques ont clairement été choqués. Cela a renforcé la détermination de nos sympathisants. Les adhésions ont continué d’arriver, en particulier chez les fonctionnaires, plutôt réservés à la base. En ressentant cette décision comme une atteinte à leur liberté d’engagement dans la vie démocratique de leur pays, ils nous rejoignent désormais discrètement, mais plus nombreux qu’avant.

Vous avez beaucoup insisté sur la crise du logement : que ferez-vous de plus que vos adversaires sur ce thème porteur électoralement ?

Votre question est révélatrice. Nos concurrents semblent découvrir bien tard, lors de chaque campagne électorale, que le logement est un thème incontournable. Déjà en 2003, et encore en 2008 sous les sarcasmes de M. Nouvion et de Mme Fresko qui me traitaient de démagogue, j’en avais fait ma priorité absolue. Près d’un millier de familles monégasques habitent aujourd’hui dans des appartements domaniaux, qu’avec la volonté politique de mes équipes, nous avons réussi à faire construire. Mon bilan parle donc de lui-même. Mes adversaires ont eux un piètre bilan en la matière. Pire, ils sont responsables de la pénurie qui sévit de nouveau. Et pourtant, quand je lis les propos de Mme Fresko et de ses soutiens, ils semblent en être plutôt fiers. La réalité, c’est que 500 familles ont une demande d’appartement en attente, et que plus de 300 resteront sur le carreau après la prochaine commission, en janvier 2018. Pour nous, c’est tout simplement inacceptable.

 

« Un plan d’urgence pour le logement des Monégasques pourra être réalisé, vu les excédents actuels, tout en conservant des budgets équilibrés auxquels nous tenons. En dehors de projets farfelus, je n’ai rien lu de précis sur les solutions proposées par mes concurrents »

 

Justement, que ferez-vous de plus que Béatrice Fresko-Rolfo et HM ?

Que ferons-nous de plus ? Déjà, ce qui n’a pas été fait, c’est-à-dire combler le déficit de logements. Ensuite, il faudra construire plus de 100 nouveaux appartements chaque année. Des solutions existent, il faut maintenant une volonté politique forte. Face à un gouvernement qui privilégie la logique comptable des excédents budgétaires, c’est au Conseil national d’exiger un plan ambitieux de constructions, en contrepartie des votes des lois de budget.

Mais cela risque d’impacter lourdement les finances de l’Etat ?

Oui, un plan d’urgence pour bien loger les Monégasques aura un coût élevé, mais c’est un investissement vital et particulièrement pour nos jeunes. Il pourra être réalisé, vu les excédents actuels, tout en conservant des budgets équilibrés auxquels nous tenons. En dehors de projets farfelus, je n’ai rien lu de précis sur les solutions proposées par mes concurrents. Nous, nous voulons des logements domaniaux sur le terrain public de l’esplanade des Pêcheurs, dans la restructuration de la zone du centre commercial de Fontvieille (CCF), sur le Grand Ida, comme sur d’autres opérations de remembrement de bâtiments privés anciens, ou à l’Annonciade II. Et dans toutes les opérations où les promoteurs demandent des droits supplémentaires à bâtir.

Que fait le gouvernement actuellement ?

Actuellement, le gouvernement négocie en échange de ces droits supplémentaires, une soulte financière. Nous voulons désormais qu’il obtienne systématiquement des appartements pour les Monégasques. Mais notre programme ne se limite pas à construire. Notre projet d’Aide Nationale à la Mobilité (ANM) permettra de libérer jusqu’à plusieurs centaines de grands appartements, habités par des personnes seules ou des couples sans enfants, pour une occupation optimale du parc domanial, tout en répondant mieux aux besoins des familles. Je le répète : notre priorité absolue est de bien loger tous les Monégasques qui en ont besoin dans leur pays. Nous le ferons, je m’y engage solennellement.

Certains vous reprochent d’attiser les inquiétudes autour des négociations entre Monaco et l’Union européenne (UE) ?

Nous n’attisons rien, le malaise est bien présent. Et nous ne demanderons jamais, qui peut en douter, la construction d’une ligne Maginot autour de la Principauté ! Alors j’entends, et je lis ici et là, que certains voudraient me faire passer pour un anti-européen ?

Vous n’êtes pas un anti-européen ?

Pour bien comprendre, il faut rappeler deux éléments importants. Tout d’abord, j’ai pleinement soutenu la volonté du Prince Rainier III de faire adhérer Monaco au Conseil de l’Europe. Ce fut chose faite sous ma présidence du Conseil national dès le mois d’avril 2004. On ne peut donc pas me taxer d’être un anti-européen. Mais voilà, il ne vous aura pas échappé, ensuite, que le Conseil de l’Europe, ce n’est pas l’UE. Le Conseil de l’Europe fait avancer les droits de l’homme et les droits sociaux et sociétaux. L’UE est une construction économique, avec des règlements, des circulaires, des normes, des directives qui prennent de plus en plus le pas sur les législations nationales.

Mais, dans le cadre de ces négociations Monaco-UE, il existe des « lignes rouges » que le gouvernement ne doit pas dépasser ?

Dans le cadre de la négociation en cours pour un éventuel traité d’association avec l’UE, le Prince a demandé au gouvernement de définir des lignes rouges qui ne doivent pas être franchies. A ce stade des discussions, force est de constater que le gouvernement n’est pas en mesure de présenter précisément ces lignes rouges. Avec Primo !, nous voulons comprendre les enjeux et peser avec lucidité les avantages, les inconvénients et les risques liés à cette négociation. C’est une attitude responsable et politiquement saine.

Jean-Louis Grinda et UM estiment qu’il faut arrêter de faire peur avec l’Europe ?

Je suis stupéfait par la position de la liste de M. Grinda à ce sujet. Il ne faudrait pas en discuter pendant la campagne ! Quant à Mme Fresko et ses amis, elle n’est pas loin de penser la même chose, puisque, je la cite elle ne « veut pas agiter de chiffons rouges ». Elle se contente de demander des réunions pour en discuter et elle met le mot transparence à toutes les sauces. La réalité c’est qu’elle n’a pas de position sur l’Europe, et que les Monégasques sont sceptiques sur sa capacité à les représenter face aux technocrates européistes.

Engager une réflexion à ce sujet, c’est vraiment le rôle du Conseil national ?

Le Conseil national et à travers lui les Monégasques qui l’élisent, ont le droit de réfléchir à ces lignes, ces lignes que nous voulons rouges et blanches, puisque l’assemblée a le pouvoir constitutionnel de ratifier, ou de ne pas ratifier, un éventuel traité.

 

« La réalité c’est que Béatrice Fresko-Rolfo n’a pas de position sur l’Europe, et que les Monégasques sont sceptiques sur sa capacité à les représenter face aux technocrates européistes »

 

Mais ces négociations Monaco-UE sont importantes à plus d’un titre pour la Principauté ?

Tant mieux si nous pouvons obtenir la sécurité juridique d’exporter nos produits et services dans les quelques secteurs où elle n’est pas totalement assurée aujourd’hui. Tant mieux, évidemment, si nos étudiants peuvent bénéficier de droits d’inscription réduits dans les universités européennes et les Monégasques d’un droit au travail systématique en Europe. Mais, nous sommes lucides.

C’est-à-dire ?

Aujourd’hui, sans traité, notre modèle économique et social est une réussite à nulle autre pareille. Et il y a des divergences profondes entre les modèles économiques et sociaux européen et monégasque. Qu’en serait-il de notre priorité nationale dans un modèle européen qui interdit toute discrimination ? Quid de notre système d’autorisation de création d’entreprises et d’installation des résidents, dans un modèle qui prône une totale liberté sans régulation ? Quid de notre souveraineté par rapport à la transposition législative des directives européennes ?

Donc, quelle est votre position sur ce dossier sensible ?

Oui, nous serons donc prudents et vigilants. Et comme toujours, loin des certitudes des idéologues, nous serons pragmatiques ! A l’issue des négociations, nous ferons deux colonnes : les plus pour Monaco et les Monégasques d’un côté, et les moins de l’autre. Et notre décision ne sera dictée que par le seul intérêt supérieur du pays et des Monégasques. Voilà notre position : elle est très claire. Les Monégasques savent qu’ils peuvent compter sur nous.

Quel regard portez-vous sur la séquence de l’échec de la fusion des listes HM et UM ?

Franchement, chez Primo ! nous avons une campagne d’écoute et de proposition qui suit son cours et qui mobilisent les Monégasques sur des sujets de fond. Nous attachons peu d’intérêt aux discussions de marchands de tapis de nos adversaires. Alors qu’ils prétendent faire de la politique « autrement », ils n’ont pas trouvé d’accord, non pas sur des idées ou un programme, mais pour la comptabilité des places à se partager sur une liste commune. Je ne vois là que le retour aux vieilles pratiques d’une politique à bout de souffle, dont les Monégasques ne veulent plus.

Comment sera organisé votre agenda politique jusqu’à l’élection du 11 février 2018 ?

Mon agenda et celui de tous les candidats est bien rempli, à la rencontre permanente des Monégasques. Le prochain grand rendez-vous entre les 24 candidats de notre liste entière et les familles Monégasques sera l’occasion d’une soirée conviviale, à l’Espace Léo Ferré à l’occasion des fêtes, le lundi 18 décembre de 18h à 21h. Puis il y aura deux grandes réunions publiques en janvier et en février. L’équipe est très motivée. Nous travaillons actuellement sur le programme détaillé et complet, qui sera distribué courant janvier à tous les Monégasques. Et, bien sûr, je donne rendez-vous à tous sur notre site www.primo-monaco.org et sur nos réseaux sociaux. Cette campagne en ligne est très vivante et permet à chacun d’être tenu au courant quotidiennement de nos initiatives, propositions, réactions, événements…