mardi 23 avril 2024
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Monseigneur Bernard Barsi : « Les divorcés remariés ne sont pas excommuniés »

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Dans cette interview, Monseigneur Bernard Barsi se dit ouvert « à la discussion » concernant le célibat des prêtres d’Occident, et souhaite « chercher des solutions » pour les “divorcés remariés” qui se sentent souvent mis au ban de la communauté chrétienne. Interview relue.

Monaco Hebdo : Dans une interview accordée au quotidien vénézuélien El Universal, Monseigneur Pietro Parolin, aujourd’hui numéro deux du Pape, a indiqué que le célibat des prêtres n’était pas « un dogme » et que « cela peut être discuté. » Que pensez-vous de ces déclarations ? Vous ont-elles surpris ?
Monseigneur Bernard Barsi : Les déclarations de Mgr Piero Parolin, nouveau secrétaire d’Etat du Pape, sur le célibat des prêtres ne m’ont pas surpris car effectivement cette question ne relève pas du dogme, c’est-à-dire que cela ne concerne pas la révélation évangélique, ni le dépôt de la foi catholique. D’ailleurs les pratiques sont différentes dans l’Eglise unie au Pape. Dans l’Eglise catholique d’Occident, seuls des hommes célibataires et qui s’engagent à vivre dans le célibat peuvent être ordonnés prêtres. Tandis que dans l’Eglise catholique d’Orient, des hommes célibataires (qui s’engagent à le rester) et des hommes déjà mariés peuvent être ordonnés prêtres. La règle commune pour l’Eglise universelle, c’est qu’une fois ordonné prêtre, l’on ne change plus d’état de vie et que tous les évêques, quel que soit leur rite, soient célibataires.

M.H. : Etes-vous personnellement favorable à ce que le célibat des prêtres soit remis en cause ?
B.B. : Mgr Parolin en évoquant la question du célibat des prêtres dans l’Eglise d’Occident a ranimé un débat que les médias évoquent fréquemment. A l’heure de ce que l’on appelle le « mariage pour tous », nos sociétés ont du mal à comprendre le célibat en général et sa fécondité. Certes, il y a le célibat subi ou imposé par les événements de la vie, mais il y a aussi le célibat choisi, non par refus d’aimer, mais pour signifier le don de soi à Dieu et aux autres. Cela ne me gêne pas que la question du célibat des prêtres d’Occident soit discutée. Cela permettra peut-être d’en approfondir le sens, de découvrir que les prêtres mariés d’Orient exercent leur ministère avec autant d’ardeur apostolique que leurs autres frères, et de valoriser le mariage chrétien. Dans toutes ces vocations différentes (mariage, célibat, prêtrise), nous percevrons que la fidélité est sans cesse à tenir, malgré les difficultés.

M.H. : Pensez-vous qu’un “assouplissement” serait un moyen efficace pour résoudre la problématique du manque de prêtres au sein de l’Eglise catholique ?
B.B. : Je ne pense pas qu’un « assouplissement » sur le célibat serait un moyen efficace pour résoudre la problématique du manque de prêtres au sein de l’Eglise catholique d’Occident car l’engagement dans le ministère presbytéral est une réponse à un appel venant de Dieu. Cette réponse ne peut se faire que dans la foi et l’amour pour Dieu et les autres. Mon expérience me montre que dans l’ensemble, et même si cela peut poser question à tel ou tel, les hommes voulant répondre à l’appel de Dieu ont intégré le célibat. Leur crainte, c’est une certaine solitude qui peut être neutralisée par une vie fraternelle entre prêtres et avec les fidèles. Il convient par conséquent que dans l’accompagnement des vocations soit parfaitement discerné la capacité mais aussi l’équilibre de vie des futurs prêtres.

M.H. : Seriez-vous malgré tout favorable à un changement dans l’Eglise catholique d’Occident ?
B.B. : J’imagine que tout en maintenant le célibat des prêtres, en Occident, nous pourrions nous inspirer de la pratique de l’Orient et appeler au presbytérat des hommes déjà mariés. Cela n’ira pas sans changement important dans nos pratiques pastorales. C’est ce qui se vit avec les diacres permanents. Des hommes célibataires ou déjà mariés sont ordonnés ministres de l’Eglise. Pour ces derniers, le consentement des épouses et celui des grands enfants est légitimement demandé car une ordination apporte beaucoup de nouveauté dans la vie d’un couple et d’une famille.

M.H. : Pourriez-vous nous rappeler historiquement d’où vient cette règle du célibat des prêtres et depuis quand cette discipline est-elle appliquée ?
B.B. : Les premiers textes qui parlent explicitement du célibat, de la continence des prêtres remontent au IVème siècle. Ce qui est d’abord une recommandation louable deviendra une règle pour l’Occident vers l’an mille. Des motifs économiques ont été avancés pour justifier cette discipline car il est difficile de faire vivre une famille pour un prêtre. Mais surtout ce sont d’autres motifs qui l’ont légitimé. D’ordre pastoral (mobilité missionnaire, disponibilité des prêtres) et d’ordre spirituel rappelés par le Pape Benoît XVI dans son Exhortation apostolique « Sacramentum caritatifs » de 2007 : « Le célibat comme signe exprimant le don de soi total et exclusif au Christ, à l’Eglise et au Règne de Dieu » (§ 24).

M.H. : Le Pape François a récemment évoqué la question des “divorcés remariés”. Le mariage étant chez les catholiques un sacrement indissoluble, ceux qui se séparent et se remarient se trouvent dans une situation où ils ne peuvent plus recevoir les sacrements — notamment la communion — à moins que leur premier mariage ne soit reconnu comme “nul” canoniquement par un tribunal ecclésiastique. Une reconnaissance qui ne peut aboutir qu’après des démarches généralement longues de plusieurs années. Des voix s’élèvent régulièrement pour demander un assouplissement des règles à leur égard. Qu’en pensez-vous ?
B.B. : Cette question des « divorcés remariés » dans l’Eglise est extrêmement importante car elle touche de nombreuses personnes qui souffrent de cette situation. Elles se croient rejetées de l’Eglise. La difficulté peut se résumer en ces propos : comment tenir l’équilibre entre l’indissolubilité du sacrement de mariage tel que le Christ nous le révèle dans l’évangile : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! (Matthieu, 19,6) » et la miséricorde, la sollicitude à pratiquer envers celles et ceux qui ont connu la brisure de leur union et contractent un nouveau mariage ? Les divorcés remariés ne sont pas contrairement à ce que l’on dit « excommuniés ». Ils ne sont pas séparés de l’Eglise. Comme tous les baptisés, ils doivent participer à sa vie même s’ils ne sont pas admis à la communion eucharistique. Dois-je rappeler que les divorcés non remariés peuvent communier, s’ils sont dans les dispositions requises pour tout un chacun ?

M.H : Etant donné le nombre de divorcés qui ne cesse d’augmenter, un assouplissement sur ces questions doit-il être étudié, selon vous ?
B.B. : Le Pape François vient de déclarer dans l’avion qui le ramenait des Journées Mondiales de la Jeunesse de Rio de Janeiro que ce sujet devait être à l’ordre du jour du prochain Synode d’évêque qui se tiendra à Rome en octobre 2014 et qui a pour thème : « Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation ». Lors d’une audience privée avec le Pape Jean-Paul II, j’avais abordé avec lui cette question sensible. A Monaco, le Conseil pastoral diocésain et le service diocésain de la pastorale familiale se sont penchés à plusieurs reprises sur ce sujet douloureux et urgent. En harmonie, avec l’Eglise nous devons chercher des solutions. Sans banaliser la séparation et l’échec de l’engagement matrimonial, je souhaite que l’Eglise puisse offrir aux divorcés remariés un vrai chemin de foi.