jeudi 25 avril 2024
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« Les barrières n’existent plus entre télévision et cinéma »

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La 54ème édition du Festival de télévision de Monte-Carlo se tiendra du 7 au 11 juin au Grimaldi Forum. Le vice-président délégué de l’événement, Laurent Puons, fait le point sur le développement du festival et du milieu des séries télévisées.

Monaco Hebdo : A quoi faut-il s’attendre pour cette 54ème édition ?
Laurent Puons : Comme l’an passé, nous aurons un large contenu dédié au public. Dans notre stratégie, le succès et la notoriété du festival passent par le public, mais aussi par la compétition, qui reste le cœur de l’événement. Nous avons fait un gros effort sur la compétition cette année. Un effort récompensé puisqu’un grand nombre de nominés ont confirmé leur participation. Ils viendront représenter et défendre leurs programmes lors de la soirée de clôture. Nous avons des programmes qui proviennent de nombreux pays à travers le monde. Ces programmes rassemblent des castings composés de talents très connus, qui eux aussi ont accepté de venir. C’est une preuve que notre festival est reconnu et que la nymphe d’or est un trophée convoité.

M.H. : L’archevêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix en 1984, sera présent. Quel est son lien avec le festival ?
L.P. : Nous avons l’opportunité de projeter en avant-première le film Children of the Ligh, en sa présence. Le long-métrage retrace la vie de Desmond Tutu et insiste sur le rôle essentiel qu’il a joué dans l’émergence du miracle sud-africain. Ce sera un moment fort.

M.H. : L’invitation de prix Nobel, c’est le début d’une série pour le festival ?
L.P. : Effectivement, j’aimerais pouvoir renouveler cela. Pourquoi pas dès l’année prochaine ? Un Prix Nobel, qui aurait, bien entendu, un lien avec le festival pour le lancement de son film. Ça a été évoqué.

M.H. : Une Nymphe d’honneur va être décernée à Jerry Bruckheimer. Pourquoi ce choix ?
L.P. : C’est une personnalité qu’on a invité au festival depuis longtemps. Qu’il ait accepté notre invitation cette année, c’est une preuve de reconnaissance et de notoriété importante pour le festival. Jerry Bruckheimer est le producteur de télévision et de cinéma le plus connu au monde. Il est connu tant par les professionnels que par le public. Il y a évidemment d’autres grands producteurs et grands réalisateurs mais Jerry Bruckheimer a la puissance d’un producteur et le charisme d’un acteur. Ça, c’est énorme pour le festival de télévision. Durant la soirée d’ouverture, le prince Albert II, président d’honneur du festival de télévision, lui remettra la Nymphe d’honneur. Ce sera un autre temps fort de cette édition.

M.H. : Parmi les castings attendus, il y a ceux d’Amour, gloire et beauté et des Feux de l’amour. Ils sont devenus incontournables pour l’événement ?
L.P. : On m’a demandé pourquoi on faisait venir les soap opera au festival. Plus belle la vie, ça fait 10 ans que ça dure. Le programme enregistre une audience de quatre millions de téléspectateurs chaque soir. Ce n’est pas près de s’arrêter. Amour, gloire et beauté, ils ont fêté leurs 25 ans au festival en 2012 et Les Feux de l’Amour, leurs 40 ans au festival en 2013. En étant l’organisateur de l’un des plus prestigieux festivals de télévision, il me semble obligatoire et important de présenter chaque année des talents de ces différents shows. Ça reflète que la télévision se porte bien, qu’elle est regardée. Il suffit de regarder la qualité des mini-séries et des séries télévisées. On constate qu’il y a un véritable modèle économique qui se met en place autour de la télévision. Les budgets alloués à la production sont de plus en plus importants, ce qui permet sans cesse d’augmenter la qualité de la réalisation et d’avoir des acteurs de très haut niveau.

M.H. : Souvent, la télé a servi à relancer les acteurs de cinéma, ce n’est plus le cas aujourd’hui ?
L.P. : Aujourd’hui, la télévision confirme le talent des acteurs. Prenons l’exemple de Kevin Spacey. Il interprète un rôle époustouflant dans House of Cards. On l’avait invité afin qu’il reçoive une Nymphe de cristal. Il voulait venir mais il est retenu au théâtre à Londres. L’invitation est lancée pour l’an prochain. Les barrières n’existent plus aujourd’hui entre la télévision et le cinéma. Tous les grands acteurs ont compris leur intérêt. Ils ont autant de chances d’être vus à la télévision, sinon plus, qu’au cinéma. A Monaco, les talents viennent pour défendre un programme en compétition. La compétition doit être développée. Elle nous permettra de faire venir des talents de très haut niveau, qui viendront représenter leurs oeuvres.

M.H. : On parle de plus en plus de crowdfunding pour financer les séries TV ou les films qui en sont tirés, vous en pensez quoi ?
L.P. : Ça permet de laisser sa chance à tout le monde. Ça a très bien marché pour le secteur de la musique. Il s’agit d’une opportunité à ne pas écarter.

M.H. : C’est une manière pour les fans de s’approprier davantage leurs séries ?
L.P. : Certainement. Quand on voit ce que sont capables de faire certains fans, je ne serais pas surpris que ça marche.

M.H. : Vous dites que l’industrie de la télévision se porte bien. Mais n’est-elle pas largement concurrencée par Internet ?
L.P. : Les monopoles ne sont jamais bons. L’“émergence” d’Internet, l’arrivée de Netflix en septembre en France, tout ça va obliger à une remise en question. Généralement, quand les remises en question sont faites par des gens intelligents, ça ne peut apporter que du plus.

M.H. : La crainte des chaînes et des services de vidéo à la demande vis-à-vis de Netflix est fondée ?
L.P. : Bien sûr. Netflix, on en parle depuis des années. On s’attendait bien à ce que Netflix débarque en Europe et donc en France. Aux chaînes et aux services de vidéo à la demande d’anticiper et de faire le nécessaire.

M.H. : Le nécessaire, c’est quoi selon vous ?
L.P. : Pour moi, organisateur d’un festival de télévision, l’arrivée de Netflix est un point positif dans le cadre de mon événement. Pour un patron de chaîne, il y a une remise en question. Il va leur falloir trouver la meilleure programmation possible. Cela dit, si demain sur Internet, la programmation est moyenne ou ne prend pas et que les chaînes comme Canal+ et Orange continuent d’avoir la programmation qu’elles ont aujourd’hui, le choix sera vite fait. Ce n’est pas parce qu’une série sera diffusée sur Internet qu’on ira forcément la voir.

M.H. : En même temps, House of Cards a été un succès sur Netflix.
L.P. : House of Cards a connu un succès phénoménal. Si elle avait été programmée sur TF1 ou M6, elle l’aurait également connu. Certaines séries diffusées sur Orange et Canal+ rencontrent aussi du succès, d’autres un peu moins. Je suis convaincu que l’arrivée de Netflix ne pourra de toute façon qu’améliorer la qualité de la programmation. Game of Thrones, diffusé à la base sur Orange, a tellement bien marché que Canal+ l’a pris sur son réseau et le diffuse aujourd’hui, pourquoi ne pas envisager à l’avenir une diffusion sur Orange, Canal+ et le Net.

M.H. : D’ailleurs Game of Thrones a été lancée pour le continent européen au festival de télévision en 2011. Aujourd’hui, elle explose. Quel regard portez-vous sur ce succès ?
L.P. : Game of Thrones dépasse tout ce qu’on pouvait imaginer. Il s’agit du programme le plus téléchargé au monde. Ce n’est pas un film, ce n’est pas une autre série, c’est Game of Thrones. N’oublions pas que le festival a aussi lancé d’autres grandes séries comme Lost, Greys Anatomy, Desperate Housewives.

M.H. : Le festival peut-il envisager un partenariat avec Netflix ?
L.P. : J’ai rencontré les responsables de Netflix il y a deux ans. Nous voulions déjà les avoir comme partenaires cette année. Il faudra faire attention à ne pas vexer les chaînes si Netflix devient partenaire du festival. Si nous organisons une soirée Netflix, les acteurs des séries diffusées par Orange et par Canal + auront quelques réticences à s’y rendre. Il faut que je m’entende bien avec tout le monde, avec les chaînes comme avec Netflix. L’an prochain, j’espère pouvoir organiser le lancement de Netflix en France, via le festival de télévision. Nous rassemblons quand même près de 300 médias internationaux. C’est une opportunité unique pour Netflix de communiquer durant le festival.

M.H. : Certaines sociétés, comme Microsoft, ont décidé d’offrir à leurs clients des séries exclusives sur leurs plateformes, comment cela peut-il impacter le festival ?
L.P. : C’est un moyen pour le festival d’avoir de nouveaux sponsors, par le biais de Microsoft. C’est une opportunité pour nous de se rapprocher d’eux, pour voir dans quelle mesure ils peuvent être nos partenaires.

M.H. : Pour sa série Mafiosa, Canal+ a donné la possibilité à ses abonnés de visionner tous les épisodes d’un coup. Ça traduit quoi pour vous ?
L.P. : Pour le téléspectateur, c’est bien. C’est un choix stratégique. Dévoiler la totalité d’une série, c’était presque le mieux à faire pour éviter de se faire pirater. Aujourd’hui, une série, on la télécharge ou on regarde les épisodes en streaming le lendemain de leur diffusion aux Etats-Unis. Ce qu’a fait Canal+ avec Mafiosa, ça peut permettre de combattre ces pratiques.

M.H. : Des programmes qui cartonnent sur Internet comme Norman fait des vidéos ou Cyprien auront-ils un jour leur place au programme du festival ?
L.P. : Il faut savoir se remettre en question. Je ne veux pas de la télé-réalité au festival car j’estime que les protagonistes ne sont ni des acteurs ni des professionnels de la télévision. Je n’ai pas l’intention de revenir sur cette décision. En revanche, pour les programmes auxquels vous faites mention, on l’a évoqué. Cependant, il ne faut pas être trop précurseur, ni trop en retard. A moi de choisir le bon timing mais cela est envisageable.

M.H. : Rallonger la durée du festival de télévision est-il envisageable ?
L.P. : L’an prochain, il y aura un jour de plus. Compte tenu de l’ampleur que prend la compétition, nous allons rajouter une soirée, la veille de la clôture, qui sera dédiée aux nominés. Ils seront tous invités. Nous aurons également un partenariat avec un gros média international. Nous fêterons les 55 ans du festival, donc une grosse soirée d’anniversaire est prévue.

Stars

Parmi les stars qui devraient fouler le tapis rouge cette année figurent Vahina Giocante, Jeff Perry et Bellamy Young (Scandal), Andrea Joy Cook (Criminal Minds), Justin Chambers (Grey’s Anatomy), Emily Wickersham (NCIS). Les castings de Black Sails, Plus belle la vie, Nos chers voisins, Amour, Gloire et Beauté sont également de la partie. Entre autres acteurs français attendus : Francis Perrin, Pascal Légitimus, Zinedine Soualem, Antoine Duléry, Francis Huster et Robert Hossein. Côté animateurs, Ariane Massenet, Chris Marques et Vincent Cerutti (Danse avec les stars), Sandrine Quétier (50’ Inside), Louise Ekland, Aida Touihri (Grand Public), Mathieu Delormeau (Le Mag) Karine Ferri (The Voice) se rendront à Monaco. La liste des vedettes est à retrouver sur le site du festival.

Amnesty International

Amnesty International a lancé le 13 mai une campagne contre la torture. Celle-ci qui doit durer deux ans, accuse certaines séries télévisées (24 heures, Homeland,…) de « glorifier » la torture. Un point de vue que « comprend » Laurent Puons. Mais pour le vice-président délégué du festival, les séries violentes font partie du business : « Il faut voir ce qu’aime le public. On ne va pas produire des séries que le public ne va pas regarder. La télé, c’est un business, c’est une industrie avec d’énormes retombées économiques. Il faut que ce soit regardé pour ça tourne bien. On ne va peut-être pas regarder les Bisounours comme on va regarder Homeland. »

Une carte pour le public

Cette année, une carte a été lancée pour le public du festival. Baptisée OMG et disponible au prix de 49 euros sur le site internet de l’événement, elle permettra à ses possesseurs d’être prioritaire pour les séances de dédicaces et les places pour les projections publiques. « L’an dernier, lors des autographes des Feux de l’Amour, je ne sais pas comment on a réussi à éviter l’émeute. J’ai une équipe de sécurité qui a fait un travail formidable, une équipe de programmation impliquée à 100 %. Quand vous avez 600 personnes qui veulent une signature et que vous en avez 200 qui restent sur le carreau alors qu’elles attendent depuis quatre heures, c’est pas appréciable. Il fallait trouver une solution pour que ceux qui font l’effort de venir et d’acheter la carte OMG puissent avoir des facilités. Je précise que le festival reste ouvert à tout le public », explique Laurent Puons. Quant à la carte OMG+, au prix de 149 euros, elle permettra d’accéder à une des trois soirées partenaires durant le festival pour pouvoir approcher les stars de plus près.  //A.P.
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