jeudi 25 avril 2024
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« Le pluralisme syndical, c’est la division »

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Depuis la confirmation qu’une organisation syndicale concurrente se met en place, l’Union des syndicats est très remontée. Sa présidente Betty Tambuscio défend le territoire de l’USM et fustige un « syndicalisme de l’acceptation et du consentement ».

Monaco Hebdo : Une nouvelle organisation syndicale est en train de se mettre en place. Vous êtes au courant depuis quand ?
Betty Tambuscio : Cette histoire remonte déjà à deux ans. Depuis cette époque, nous sommes l’objet d’une campagne de diabolisation conduite de bouche à oreille, avec le dessein de nous faire passer pour des durs, des extrémistes, des irresponsables, des gens qui disent toujours non, des staliniens, voire des anti-Monaco.

M.H. : Sur le dossier des retraites, certains ont en effet considéré que vous vous meniez « une politique de la terre brûlée en appelant à une journée de grève, histoire de nuire à l’image de Monaco » (dixit Christophe Spiliotis-Saquet)…
B.T. : Nous ne tolérons plus cela. L’Union des syndicats de Monaco est une organisation qui a enraciné ses activités et son histoire dans la vie du pays, qui enseigne les institutions de Monaco, l’Etat de droit et les droits de l’homme dans ses stages, qui a mis depuis 70 ans des centaines de bénévoles au service de la collectivité dans les organismes socio-économiques, qui chaque année se trouve devant le monument aux morts pour célébrer la Libération… C’est l’organisation qui a exprimé son approbation au projet d’adhésion au Conseil de l’Europe alors que Rainier III se trouvait en butte à certaines réticences, une organisation responsable qui n’a jamais brûlé de pneus dans les rues, et qui a toujours cherché le compromis social. Mais depuis 30 ans, l’ultra-libéralisme nous met le dos au mur. En 2000 déjà, nous avions accepté un projet gouvernemental pour réglementer le contrat de travail. Qu’est-il devenu pour qu’on nous dise 12 ans plus tard qu’on va encore négocier cette question comme si rien n’avait jamais été fait ? Nous avons déjà vu trois projets à chaque fois de moins en moins protecteurs.

M.H. : Revenons à cette nouvelle confédération. En avez-vous été informé officiellement ?
B.T. : Non. Des bruits de constitution d’une fédération sont parvenus à nos oreilles, accompagnés de coups de fil anonymes pour tenter de débaucher nos responsables syndicaux. Il y a 50 000 travailleurs à Monaco et ils viennent chercher parmi les 2 500 adhérents de l’USM ! Après, nous avons eu droit à des velléités de déstabilisation interne, puis à nouveau depuis cet été ce projet de fédération assorti de coups de fil à quelques responsables syndicaux ce qui constitue des éléments de preuve de ce que nous avançons. Les bruits vont bon train en ville… Tout ça pose de vraies questions. Qui veut détruire l’Union des syndicats de Monaco ? Et pourquoi avancent-ils masqués ? On ne réglera pas les problèmes sociaux par la destruction de l’USM. Parce que l’USM c’est la soupape sur le couvercle de la cocotte-minute. Et sous la cocotte, il y a déjà plein feu. On ne gommera pas les problèmes sociaux en détruisant le syndicalisme.

M.H. : Pourquoi voudrait-on forcément détruire l’USM ? Après tout, pourquoi y aurait-il forcément un monopole syndical à Monaco en 2012 ?
B.T. : Ce qui est certain, c’est que nous sommes en présence d’une opération malveillante et sournoise organisée par des personnes étrangères au salariat. Une sorte de plagiat mal ficelé de ce qui fut réalisé en France dans les années 50 pour organiser et financer la scission syndicale. Cette opération est la plus grave intervenue à Monaco depuis la loi antigrève de 1980, qui fut abrogée pour inconstitutionnalité par le Tribunal suprême. Nous sommes persuadés que le prince ne veut pas de cela, et qu’il n’est pas au courant de ces basses besognes d’un autre âge. Comme la loi antigrève avait pour objet d’empêcher les salariés de revendiquer à l’aube du tournant ultra-libéral pris par Monaco dans les années 80, cette manœuvre a pour but de dissuader les salariés de s’unir et de revendiquer à l’orée de la cure d’austérité qui va s’abattre sur toute l’Europe. L’USM dérange, car elle fait obstacle à ce tour de vis déjà bien amorcé. Aussi, l’objectif est d’instaurer la division dans le salariat sous prétexte de pluralisme. Et c’est aussi celui de trouver quelques bonnes volontés disposées à conclure des accords à minima rendant service au patronat et au gouvernement.

M.H. : Qui est à la manœuvre ?
B.T. : Ces bonnes volontés ont sans doute été trouvées parmi les rares syndicats autonomes existant à Monaco. Les autonomes, nous les connaissons à l’oeuvre. Ils viennent par exemple de s’associer au patronat et au gouvernement pour voter la baisse du taux de compensation des employeurs à la CCSS et de se désolidariser de la déclaration de l’USM sur le projet de réforme des retraites présenté par l’USM à la CAR. Bonjour les dégâts !…. C’est le syndicalisme de l’acceptation et du consentement. C’est évidemment à l’opposé de l’action de notre organisation qui est à l’origine de tout le droit progressiste d’après-guerre, du fonds social et des accords de mensualisation dans les années 70.

M.H. : Quelles avancées ?
B.T. : Avec les salariés, elle a permis le rétablissement du remboursement Sécu à 80 %, elle a été à l’origine de l’unité d’action des organisations qui se sont battues pour le non assujettissement à la CSG et à la CRDS. Elle est le défenseur de notre régime de retraite, et de bien des acquis sociaux du siècle dernier. Les salariés trouvent en elle et trouveront toujours un rempart, un contrepoids et un acteur de progrès fédérateur de leur union.

M.H. : Concrètement, où en est cette nouvelle fédération ?
B.T. : Apparemment, l’affaire n’a pas l’air d’être aisée à monter car elle n’émane pas de l’aspiration exprimée par des salariés de s’organiser en fédération. Il a fallu deux ans pour trouver quelques volontaires. La difficulté est confirmée par un dépôt de statuts effectué semble-t-il sans que les adhérents concernés aient pris la décision en assemblées générales de constituer une fédération et de déposer des statuts, ce qui est non conforme à la démocratie et à la loi. Par ailleurs, ça concerne a priori un petit nombre de personnes.

M.H. : Pourquoi avoir tracté dans les rues de Monaco ? Cela pourrait paraître excessif alors qu’on parle de pluralisme syndical exprimant différentes sensibilités ?
B.T. : Nous ne sous-estimons pas cependant les intentions, car ce sont des volontés extérieures au salariat qui sont à l’origine de cet instrument de division né d’une machination. Voilà pourquoi nous nous sommes adressés aux travailleurs par voie de tracts. Il ne faut pas croire que plusieurs fédérations syndicales, c’est plus de syndicalisme et plus de force. Tout le monde le sait. Le pluralisme syndical, c’est la division, la pagaille et la cacophonie. A plus forte raison quand il naît dans les conditions malsaines que nous venons d’évoquer.