vendredi 19 avril 2024
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Jean-Louis Grinda : « Renoncer totalement aux bateaux de croisière serait un sacrifice difficile »

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Face à l’urgence climatique, faut-il interdire les paquebots de croisière en principauté ? L’élu Union Monégasque, Jean-Louis Grinda, explique ses positions à Monaco Hebdo. Interview (1).

Que pensez-vous de la stratégie générale du gouvernement monégasque en ce qui concerne l’accueil des bateaux de croisière en principauté ?

Elle fait preuve de pragmatisme. C’est la seule réponse intelligente en la matière.

En avril 2022, le gouvernement a indiqué que son port ne sera ouvert qu’à des navires mesurant « jusqu’à 250 mètres » et de capacité inférieure ou égale « à 1 250 passagers » : ce choix est-il satisfaisant ?

En septembre 2019, j’avais répondu à Monaco Hebdo que renoncer aux bateaux de croisière serait un sacrifice pour la principauté… mais qui devenait tout à fait souhaitable si la toxicité des bateaux à quai était scientifiquement démontrée. Donc oui, limiter l’accueil des bateaux de croisière selon leur taille est un choix qui va dans la bonne direction.

Selon le chercheur au CNRS Grégory Salle, « l’impact écologique en termes d’empreinte carbone des 300 plus gros superyachts […], peut dégager plus de CO2 que des pays entiers, et que certains pays pauvres du continent africain, comme le Burundi » (2) : face à ce constat, faut-il limiter l’accès aux ports monégasques aux bateaux les moins polluants ?

Cela semble en effet une évidence pour Monaco d’être plus exigeant pour ses critères d’entrée dans ses ports.

L’accueil de bateaux de croisière rapporte environ 20 millions d’euros par an à l’Etat, soit à peu près 100 euros par croisiériste : faudrait-il renoncer à cet argent, afin d’atteindre les objectifs fixés par le prince Albert II, à savoir une réduction des émissions de gaz à effet de serre à 55 % d’ici 2030, et la neutralité carbone à l’horizon 2050 ?

Nous savons depuis de nombreuses années que les retombées économiques du passage des bateaux de croisière en principauté sont importantes. La crise du Covid-19 nous en a fait la démonstration la plus radicale. Nous avons vu la réalité de face, en l’absence des bateaux de croisière : le Rocher déserté par les touristes, des commerçants sans activité et totalement dépendants des aides de l’Etat… Sans oublier les conséquences sur la Société d’exploitation des ports de Monaco (SEPM) et la Société des bains de mer (SBM).

« Monaco ne peut agir qu’au sein d’un groupe de pays motivés du pourtour méditerranéen. C’est donc aux côtés de la France que nous devons le faire, mais également de l’Italie, et de l’Espagne qui comptent de très importants ports d’attache pour les croisiéristes »

Jean-Louis Grinda. Elu UM

Renoncer aux bateaux de croisière pourrait faire de Monaco un symbole mondial de l’écoresponsabilité, et permettrait d’envoyer un signal fort à la communauté internationale, à l’approche de la COP 15 pour la biodiversité, qui se déroulera du 5 au 17 décembre 2022 à Montréal, au Canada ?

Oui, ce serait un symbole. Mais le symbole est abstrait, par définition. Renoncer totalement aux bateaux de croisière serait un sacrifice difficile au niveau financier, mais également aux conséquences sociales et humaines sur l’emploi. Nous ne pouvons plus faire abstraction de ce que la principauté a subi pendant deux ans pour son économie liée au tourisme.

L’accueil à Monaco de croisières, de luxe ou non, et de méga-yachts, peuvent-ils être réellement compatibles avec l’écologie et l’urgence climatique ?

Encore une fois, la principauté peut montrer l’exemple, mais elle ne peut pas seule changer le monde. Monaco ne peut agir qu’au sein d’un groupe de pays motivés du pourtour méditerranéen. C’est donc aux côtés de la France que nous devons le faire, mais également de l’Italie, et de l’Espagne qui comptent de très importants ports d’attache pour les croisiéristes. Par ailleurs, si nous voulons voir plus large, la réduction sensible de la vitesse des bateaux de croisière est aussi une réponse écologique véritable et quantifiable.

1) Sollicités par Monaco Hebdo, les deux élus du groupe politique Horizon Monaco (HM), Béatrice Fresko-Rolfo et Jacques Rit, n’ont pas répondu  à nos questions avant le bouclage de ce magazine, le 12 juillet 2022.

2) Superyachts, luxe, calme et écocide, de Grégory Salle (éditions Amsterdam), 161 pages, 13 euros.

Pour revenir au début de notre dossier « Croisières à Monaco : stop ou encore ? », cliquez ici.