mercredi 24 avril 2024
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Fête nationale monégasque :
une sacrée histoire

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Comme chaque année, les Monégasques et résidents ont célébré ce mardi leur prince à l’occasion de la Saint-Rainier, jour de fête nationale.

Sous un soleil timide, ils ont notamment pu assister au traditionnel salut de la famille princière depuis le balcon du palais. Mais ce salut a-t-il toujours existé ? Le 19 novembre a-t-il toujours été le jour de la fête nationale ? Qui a instauré cette fête ?… Monaco Hebdo revient sur l’histoire de la fête du prince avec Thomas Fouilleron, directeur des archives et de la bibliothèque du palais.

Ce mardi 19 novembre, les Monégasques, résidents et curieux étaient réunis autour de la famille princière pour fêter la Saint-Rainier, jour de fête nationale. Comme chaque année, le prince Albert II et la princesse Charlène les ont salués depuis le balcon du palais, accompagnés des jumeaux princiers, Jacques et Gabriella. Auparavant, une messe solennelle d’actions de grâce et un Te Deum, « messe de remerciement et de vœux à Dieu pour le prince », dirigés par l’archevêque Monseigneur Barsi, avaient été célébrés à la cathédrale de Monaco. 

Des célébrations qui marquent l’attachement à la foi catholique comme l’explique Thomas Fouilleron, directeur des archives et de la bibliothèque du palais : « Dans toutes les monarchies catholiques où le catholicisme est religion d’État, le passage par l’église, par la cathédrale est au cœur de la fête nationale. C’est une sorte de remémoration de l’intronisation des princes, puisque s’ils ne sont pas sacrés, les princes de Monaco sont néanmoins le jour de leur avènement bénis par l’évêque ou l’archevêque ».

Après les cérémonies religieuses, la famille princière a assisté à une remise de décorations dans la cour d’honneur du palais et à une revue des troupes. Synonyme de joie et de ferveur, la fête nationale est toujours un moment attendu par la population de la principauté qui exprime à cette occasion l’unicité de la nationalité monégasque et sa fidélité au prince : « Le double sens de la fête nationale, c’est l’expression de cette relation particulière où le prince manifeste sa proximité de la population monégasque et où la population monégasque manifeste aussi sa loyauté, sa légitimité à l’égard du souverain. C’est très symbolique de l’équilibre institutionnel monégasque », souligne Thomas Fouilleron.

Charles III, l’initiateur de la fête du souverain

Pour trouver l’origine de cette fête du prince, il faut remonter à 1857. À cette époque, le prince Charles III règne en principauté. Il décide d’instaurer une fête du souverain qu’il fixe au 4 novembre, jour de son saint-patron. « Charles III a surtout régularisé cette fête », raconte le directeur des archives et de la bibliothèque du palais, « Il y a toujours eu des cérémonies officielles à l’intronisation de chaque prince ou à la première entrée solennelle. On pavoisait, des arcs de triomphe étaient construits… Les princes auparavant étaient beaucoup moins résidents qu’aujourd’hui, ils vivaient en grande partie à la cour de France. La fête du prince avait lieu à chaque nouvelle arrivée du prince à Monaco, donc il n’y avait pas de régularité. Et l’innovation apportée par Charles III qui va être beaucoup plus présent, car résident à Monaco, c’est qu’il y a une régularité annuelle liée à la fête du saint-patron ». 

La date de cette fête changera donc au cours des différents règnes. Chaque souverain fixant la date de la fête du souverain, au jour de son propre saint-patron. Ainsi, le prince Albert Ier la décalera au 15 novembre en 1890 : « La fête du souverain peut faire référence au premier jour du règne, au jour des cérémonies d’intronisation. Et, en général, on essayait de faire coïncider ce jour d’avènement avec le jour du saint-patron du souverain », précise Thomas Fouilleron.

L’exception Louis II

Mais une exception va déroger à la règle : « Il y a eu une dérogation à cette tradition liée au prénom et au saint-patron sous le règne du prince Louis II. Le jour de la fête aurait dû être le 25 août, jour de la Saint-Louis,rappelle Thomas Fouilleron. Mais le 25 août, on est dans la période des congés d’été et par conséquent, il décide de fixer au cours de l’été 1922, le jour de la fête du souverain au jour de la fête de sa seule héritière à l’époque, la princesse Antoinette », soit le 17 janvier.

Sous le règne du prince Rainier III, qui succède à son grand-père le 9 mai 1949, plusieurs dates seront fixées. Si la fête du prince aura bien lieu le 19 novembre, jour anniversaire de son intronisation (19 novembre 1949) et également jour choisi pour célébrer le bienheureux Rainier d’Arezzo, elle sera fixée au 11 avril en 1950 et 1951. Thomas Fouilleron en explique les raisons : « Le prince Rainier succède à son grand-père le 9 mai 1949. Mais il y a une période de deuil. Et la cérémonie d’intronisation à l’issue des six mois de deuil est fixée le 19 novembre 1949. Ce ne sont toutefois pas les réjouissances. Les réjouissances sont reportées au 11 avril 1950. Si bien que pendant quelques années, les premières fêtes nationales ont lieu en avril. Finalement en 1952, la fête du souverain est définitivement fixée le 19 novembre, parce que jour du bienheureux Rainier et jour d’intronisation du prince Rainier III, en 1949 ».

L’hommage d’Albert II

La fête du prince a donc connu plusieurs dates depuis son instauration par Charles III. « La date du souverain dépend de ce à quoi on fait référence et les deux sont traditionnels. Fait-on référence au prénom donc au Saint-patron du souverain ou fait-on référence à l’intronisation, au jour des célébrations d’intronisation du souverain », résume Thomas Fouilleron, « Et dans l’histoire des monarchies, sous l’Antiquité, pour les empereurs romains la fête avait lieu le jour inaugural de leur règne. Les monarchies européennes et Monaco n’échappe pas à ces traditions et à ces règles, ont tour à tour adopté les deux possibilités ».

Alors que la fête nationale aurait de nouveau dû être fixée au 15 novembre, jour de la saint-patron du prince Albert II, le souverain a décidé en 2005 de la maintenir au 19 novembre, en hommage à son père : « Le prince Albert II a choisi de maintenir le jour du prince au 19 novembre. Par la même occasion, il en fait une vraie fête nationale », explique Thomas Fouilleron, car « La date est invariable comme en France le 14 juillet, indépendamment du souverain. Il a décidé de ne pas changer la date en hommage à son père ».

Un cérémonial qui a évolué

Si le cérémonial de la fête nationale est désormais bien connu (messe solennelle d’actions de grâce, Te Deum, remise de décorations…), il a quelque peu évolué au cours des règnes successifs comme le souligne ledirecteur des archives et de la bibliothèque du palais : « Il y a eu des ajustements progressifs, au fur et à mesure que les décorations monégasques ont été créées […] Aujourd’hui, il y a une promotion annuelle, mais auparavant, il y avait des promotions au fil de l’eau ».

La formalisation de l’ensemble des manifestations de la fête nationale, telles que nous les connaissons aujourd’hui, est intervenue sous le règne du prince Rainier III : « L’établissement de ce calendrier, qui va du 15 au 19 novembre, avec presque un marathon de remises de distinctions honorifiques, a été mis en place essentiellement sous le règne du prince Rainier III puisque l’ordre de Grimaldi, l’ordre du mérite culturel… ont été créés sous son règne ».

Quant au salut princier depuis le balcon du palais qui ravit chaque année la foule et les photographes, « dès qu’il y a une prise d’armes et un passage des troupes en revue, il y a ce salut », note Thomas Fouilleron. Mais il ne s’agit pas de la seule explication : « Comme on laisse approcher les Monégasques devant les portes du palais, ce salut s’est progressivement mis en place pour ne pas faire de ce moment de la fête nationale simplement une cérémonie militaire, mais une cérémonie où la population est véritablement associée, pas seulement comme spectateur, mais pouvant manifester quasiment directement au prince sa fidélité, sa loyauté ». Ce mardi 19 novembre, la famille princière a donc pu, une nouvelle fois, apprécier sa cote d’amour et la fidélité des Monégasques, très attachés à leur principauté.