jeudi 25 avril 2024
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Hassan de Monaco :
« L’humour est cyclique »

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Le Marocain et résident monégasque Hassan Moukfi est plus connu sous le nom de « Hassan de Monaco ». Nous l’avons rencontré pour parler avec lui de son parcours et évoquer aussi le lancement d’un Monaco Comedy Club pour 2020. Interview.

Comment avez-vous fait évoluer votre premier show Hassan fait son show, lancé en 2016 ?

Ce spectale raconte mon enfance à Monaco, de la maternelle au lycée Albert Ier. Je porte le regard de quelqu’un qui n’est pas de la principauté, mais qui s’adapte, malgré les décalages. J’ai gardé ce qui, pour moi, était essentiel dans ce spectacle créé il y a déjà quatre ans : il s’agissait de rendre, à ma manière, un hommage à Monaco, car je me suis toujours senti chanceux de vivre en principauté. Je voulais aussi rendre hommage à mon métier, qui est infirmier anesthésiste, et en profiter pour faire un clin d’œil au milieu hospitalier. J’aime mon métier et je souhaitais donner un regard de l’intérieur. Je veux montrer qu’un hôpital est avant tout un lieu de vie, plus qu’un lieu de mort. Or, on a souvent tendance à l’oublier, alors qu’il se passe beaucoup de belles choses dans un hôpital. Enfin, et c’est ce qui ressort aujourd’hui le plus, ce spectacle est un hommage à mes parents.

Pourquoi ?

Souvent, un premier spectacle est un spectacle de présentation. Du coup, j’ai voulu parler de ceux qui ont fait ce que je suis aujourd’hui. On me dit toujours : « Vous êtes de Monaco ? Non… Vous êtes de Morocco, oui ! ». Pourtant, la principauté est un pays très cosmopolite. Ensuite, on me demande aussi comment je suis arrivé à Monaco. J’ai donc voulu raconter comment mes parents sont arrivés en principauté.

Vos parents sont arrivés à Monaco quand ?

Mes parents sont arrivés en principauté dans les années 1970. Ma famille est originaire de Tinghir, une ville berbère du centre-est du Maroc, qui se trouve dans la région du Drâa-Tafilalet, entre Ouarzazate et Errachidia. Je ne suis pas chauvin, mais c’est pour moi la plus belle région du Maroc. C’est irrigué, c’est à 1 300 mètres d’altitude, il y a des palmiers partout et des couleurs magnifiques. Ma grand-mère, qui est centenaire, vit encore là-bas. J’essaie d’aller voir ma famille au Maroc en moyenne une fois tous les deux ans.

Comment vos parents se sont implantés en principauté ?

Mon père est venu pour travailler ici. Il est arrivé seul et, au départ, il a travaillé dans la construction du stade Louis II, puis celle du Beach Plaza. Ensuite, il a enchaîné beaucoup de petits métiers. Depuis 2 000, il travaille au centre de la jeunesse princesse Stéphanie. Ce contact avec les jeunes lui a d’ailleurs beaucoup apporté. Notre éducation a été portée par ça : nous sommes très sociables, on s’adapte. Et surtout, on nous a appris à ne pas faire de vagues.

© Photo Iulian Giurca – Monaco Hebdo.

« Je ne parle pas de la religion dans mon spectacle. Ce genre de sujet nécessite un gros travail d’écriture pour ne pas franchir la ligne. Car, en changeant la tournure d’une phrase, on peut envoyer des messages différents »

Hassan de Monaco. Humoriste

Vous avez reçu quel type d’éducation ?

Mon père était dur, mais on savait pourquoi. C’était parce qu’il fallait y arriver. Mes parents ont tout fait pour que leurs enfants réussissent. Mon frère est médecin et ma sœur est bien implantée ici, à Monaco. Avec ce spectacle, j’ai donc aussi voulu dire merci à mes parents.

Votre spectacle est aussi adapté par rapport à l’actualité du moment ?

Bien sûr ! C’est un peu comme si, en ce moment, Monaco Hebdo ne parlait pas du coronavirus. A un moment donné, ça ferait un peu déni d’actualité [rires] ! L’actualité me nourrit. En plus, par rapport au coronavirus, j’ai aussi ma casquette de soignant, et j’ai besoin de dédramatiser ce sujet. Aux Sérénissimes de l’humour, on attend 800 spectateurs et certains ont peut-être peur d’attraper ce virus. Mais moi, je suis un humoriste qui viens voir 800 personnes : moi aussi j’ai peur [rires] ! En tout cas, je ne parle que de ce que je connais et que j’aime.

Que pensez-vous de l’humour communautaire ?

Ce type d’humour plaît parce que c’est ancré dans le vécu d’un certain public, donc pourquoi pas ? Je trouve ça très bien quand c’est bien fait. D’ailleurs, tout est bien quand c’est bien fait… A Monaco, il n’y a pas une grande communauté marocaine, je ne suis donc pas dans l’humour communautaire. Après, bien sûr, quand je parle de mon père, l’accent marocain ressort. Mais, en même temps, mon père n’est pas suédois…

Pourriez-vous évoquer dans vos spectacle la religion musulmane, comme l’a fait avec subtilité et intelligence le scénariste et acteur Ramy Youssef dans sa série Ramy (2) ?

Je ne parle pas de la religion dans mon spectacle. Ce genre de sujet nécessite un gros travail d’écriture pour ne pas franchir la ligne. Car, en changeant la tournure d’une phrase, on peut envoyer des messages différents.

En 2020 on peut encore rire de tout, ou vous faites partie de ceux qui estiment que la liberté de rire de tout est en chute libre depuis quelques années ?

En 2020, il y a davantage de pare-feu et de systèmes de précautions. Pour moi, la question n’est pas de savoir de quoi rire ou avec qui. L’humour est cyclique. Il y a des choses qu’on ne pouvait plus dire et qu’on peut dire à nouveau, et inversement. L’art est cyclique, en général. Il faut accepter qu’il y ait une sorte de temporalité dans l’humour. De mon côté, je fais un humour rassembleur. C’est un choix d’écriture que j’assume.

Qui sont les gens qui vous font le plus rire ?

Je suis très francophone. J’aime bien Thomas Ngijol, Pierre-Emmanuel Barré, Aymeric Lompret, Jamel Debbouze, Blanche Gardin, Florence Foresti, Tania Dutel… Il y a une nouvelle génération d’humoristes qui arrive qui est absolument incroyable. Mais mes valeurs, ça reste encore Les Inconnus que je regarde encore aujourd’hui au moins une fois par trimestre. C’est indémodable !

Pourquoi vouloir lancer un Monaco Comedy Club ?

J’ai joué dans des comedy club un peu partout : au Kings of Comedy Club en Belgique, en Suisse, à Paris… Or, dans la région, il n’y a pas vraiment de clubs qui font venir des artistes très talentueux. Alors, j’ai eu envie d’essayer. Je suis donc allé frapper à la porte du patron de Monaco Live Productions, Salim Zeghdar, qui me fait confiance depuis mes débuts.

Sa réaction ?

Salim Zeghdar m’a dit que ce projet lui trottait dans la tête, et qu’il avait même déjà essayé il y a quelques années. Il m’a donc suivi, et on a décidé de lancer le Monaco Comedy Club.

J’ai joué dans des comedy club un peu partout : au Kings of Comedy Club en Belgique, en Suisse, à Paris… Or, dans la région, il n’y a pas vraiment de clubs qui font venir des artistes très talentueux. Alors, j’ai eu envie d’essayer. Je suis donc allé frapper à la porte du patron de Monaco Live Productions, Salim Zeghdar, qui me fait confiance depuis mes débuts

Hassan de Monaco. Humoriste

Le concept ?

Nous voulons faire venir au Monaco Comedy Club la nouvelle génération de l’humour. Il ne s’agira donc pas de faire venir de très grands humoristes, déjà très connus. L’idée, c’est aussi de développer la culture de l’humour à Monaco et de montrer toutes les formes d’humour : de l’humour noir, de l’humour engagé, de l’humour absurde, de l’humour visuel, de l’humour communautaire, de l’humour rassembleur…

Qui seront les invités ?

Pour l’essentiel, ce seront des humoristes francophones. Je pense faire une soirée spéciale Suisse, avec trois artistes de ce pays. Mais aussi une spéciale Belgique. Je pense aussi à une soirée anglaise une fois par an, pour la communauté anglo-saxonne de Monaco. J’ai eu la chance de pouvoir jouer au Comedy Store à Londres, et il y a en Angleterre une touche plus traditionnelle que j’aime bien. Pour inviter ces artistes, je travaillerai surtout à partir de mon réseau.

Comment se dérouleront les soirées ?

Une fois par mois, le jeudi, au Star Deck, au dessus du Stars’n’Bars, trois humoristes se partageront la scène. Ils auront 20 minutes chacun pour présenter leur univers. Je serai le maître de cérémonie, mais je serai très discret, puisque l’idée c’est de mettre ces jeunes artistes en lumière. La date de lancement du Monaco Comedy Club n’est pas encore fixée, mais ce sera cette année, en 2020.

Pas question de démissionner du centre hospitalier princesse Grace (CHPG) pour vivre uniquement de vos spectacles ?

Je pourrais, mais je crois que je n’ai pas envie. J’ai la volonté de garder mon travail, parce que j’aime vraiment ce que je fais. Et puis, ça permet de garder les pieds sur terre. Après, si un jour une partie est lésée, que ce soit mes spectacles ou le CHPG, on se mettra autour d’une table pour en discuter. Mais la communication est facile, libérée et bienveillante. Je ne suis pas inquiet.

1) Pour leurs 15 ans, les Sérénissimes de l’humour proposent aussi Kheiron le 18 mars, Gil Alma le 20 mars, et Kevin et Tom le 21 mars. Tous les spectacles débutent à 20 heures. Cette année, les Sérénissimes de l’humour apportent leur soutien à la fondation Flavien.

2) Ramy est une série signée par le scénariste et acteur Ramy Youssef. La saison 1 est diffusée sur Starzplay.

Vidéo : Hassan de Monaco nous parle de son actualité 2020

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