jeudi 18 avril 2024
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Frédéric Bouraly : « Scènes de ménages est un triomphe, mais je n’y croyais pas »

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Frédéric Bouraly est un acteur populaire au sens noble du terme. Invité au 61ème festival de télévision de Monte-Carlo, celui qui incarne José dans Scènes de ménages sur M6, revient sur sa carrière avec Monaco Hebdo, et sur le succès fou que connaît cette série, alors que ce n’était pas gagné.

Scène de ménages affiche 4 à 5 millions de téléspectateurs par épisode : on peut parler de succès populaire ?

Un succès populaire, ça c’est sûr. J’ai cette chance-là, d’être un acteur populaire. Pour l’anecdote, j’ai eu l’opportunité de jouer une fois avec Gérard Lanvin et, il y a quelques années de cela, on s’est croisé lors d’un festival. C’est là qu’il m’a dit : « Tu vois Fred, nous on est des acteurs populaires. » Il me l’a dit dans un sens assez « joli », et je savais que c’était un sens « joli ». Ça fait longtemps que je le sais, car on peut être un acteur très connu, un acteur très apprécié, mais populaire ça ne se commande pas, ça ne se décrète pas. C’est très fort, car cela correspond à une appartenance très personnelle aux gens, qui ont l’impression que l’on peut se connaître.

Il y a une connexion grâce à José, votre personnage ?

C’est lié certainement au personnage, qui est très touchant. On l’a travaillé avec Valérie Karsenti [Liliane dans la série — NDLR], ma camarade, pour qu’il dégage une vraie sincérité, une vraie émotion. On voulait qu’il soit drôle, mais à son insu. Il ne fait pas l’andouille, pourtant il en fait des conneries. Mais ce n’est pas volontaire, et c’est ça qui le rend très touchant. Et on est tous comme ça dans la vie. Mais je ne cherche pas à être populaire, il faut être bête pour ça. Pourtant, dans la vie, on est tous ridicules par moment, ou pas au mieux de ce que l’on est. Et, le comique, se définit, en partie, comme ça.

« On peut être un acteur très connu, un acteur très apprécié. Mais populaire, ça ne se commande pas, ça ne se décrète pas »

Scène de ménage, ce sont justement des histoires de failles ?

Exactement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ça s’appelle « Scènes de ménages », et pas « tout va bien ». Il faut qu’il y ait des conflits, et des problèmes, comme dans la vie. Et les problèmes d’un jeune couple ne seront pas les mêmes que celui d’un couple de 25 ans, comme celui qu’on incarne avec Liliane. Donc, ce ne sont pas les mêmes ressorts, pas les mêmes conflits. Ces conflits, si c’est un jeune couple qui les gère, il se sépare aujourd’hui.

D’une façon plus générale, comment expliquer le succès de cette série ?

Vous savez, les raisons d’un succès, c’est un mille-feuille. Il y a mille raisons, et on ne les connaît pas toutes. Il y en a certaines que l’on peut deviner, et je dis bien deviner, car on ne peut pas affirmer de telles choses, sinon tout le monde aurait du succès.

Au début, vous n’y croyiez pourtant pas ?

Scènes de ménages c’est un triomphe, c’est extraordinaire. Mais c’est vrai, moi, je n’y croyais pas. Je croyais en ce qu’on faisait, j’avais adoré le travail tel qu’il avait été conçu et j’arrivais à me marrer en voyant le résultat. Je riais des conneries que je faisais, et c’est très rare. Mais, à l’époque du lancement, ça passait à 20 heures. Donc, au moment où il y avait les émissions de Canal+, le journal télévisé de TF1 et de France 2, et Plus belle la vie… Il y avait tout le monde. C’était monstrueux, je me disais qu’on n’avait aucune chance. Et c’est pourtant la première fois que la chaîne, M6, a fait ce pari-là.

« À l’époque du lancement, Scènes de ménages passait à 20 heures, au moment où il y avait les émissions de Canal+, le journal télévisé de TF1 et de France 2, et Plus belle la vie… Il y avait tout le monde. C’était monstrueux, je me disais qu’on n’avait aucune chance »

Il y a pourtant eu Caméra Café (2001) et Un gars, une fille (1999), dans le même registre, qui ont réussi ?

Mais ce n’était pas diffusé à la même heure, c’était diffusé plus tard. Et Un Gars, une fille, c’était avant le journal télévisé, ce qui est royal. Et puis, ça ne durait que cinq minutes. Nous c’est une demi-heure. Je me disais donc qu’on allait droit à la catastrophe en étant diffusé entre 20 heures et 20 h 30. Et, pourtant, ça a pris tout de suite, en une semaine. C’était extraordinaire.

Qui y a cru, alors ?

De tous, celui qui y a cru le plus, c’était Nicolas de Tavernost, le patron de M6. C’est lui qui y a cru tout de suite, preuve qu’il sait bien faire son métier.

Ce personnage de José, vous le jouez à 100 %, ou il y a chez lui une part de vous-même qui ressort ?

Je le joue, bien sûr, car je ne suis pas comme lui dans la vie. Il a beaucoup de défauts, volontairement, pour être drôle. En fait, l’obsession que l’on a avec Valérie [Karsenti — NDLR], c’est la vérité des choses. Par exemple, quand José pleure, il est important que je pleure vraiment, car c’est ça qui rend les choses drôles. Si je fais semblant, ça ne fonctionne pas, ou du moins ça m’intéresse moins, en tant qu’acteur. Tout doit être pensé et conçu comme ça, sur la vérité des choses. Alors après, ce sont les situations qui sont ridicules, et elles doivent l’être pour que ça soit drôle. Tout doit être vrai. Il n’y a pas de grandes différences, dans l’investissement d’acteur, avec une tragédie jouée au théâtre. Toutes les émotions sont les mêmes, c’est la situation qui change. Mais c’est la vraie sincérité, la même colère, et la même émotion.

Votre premier amour, d’ailleurs, c’est le théâtre ?

Oui, et j’y retourne. Je jouerai au théâtre Rive Gauche, à Paris, en début d’année prochaine, à partir du 20 janvier 2023. Je travaille déjà dessus. Le titre est encore provisoire, mais il y a des chances pour que la pièce s’intitule Sexy thérapie. On sera deux acteurs, Christelle Reboul, une formidable actrice, et moi même. Je suis très heureux, et j’ai déjà le trac.

« J’ai fait des essais, et j’ai été pris pour le rôle de Mr Satan, qui est super à faire, car, dans Dragon Ball Z, c’est un imbécile. C’est un personnage très imbu de lui-même, doublé d’un mythomane »

Que racontera cette pièce ?

Un couple, au bout de 25 ans de mariage, bas de l’aile. La femme décide de louer une chambre d’hôtel pour faire un bilan du couple. On rit, on pleure, autant le public que les acteurs, tout du long. Je l’ai déjà fait tester avec des lectures, et les gens rient et pleurent. Mais il n’y a pas une différence énorme avec l’investissement que j’ai porté sur José. Ce n’est pas du tout le même langage, ni les mêmes situations. Mais c’est la même sincérité, le même abandon, et le même désespoir.

Ce désespoir, ces failles, ces coups durs de la vie, c’est votre matériel d’acteurs ?

Ça, c’est ma sauce. Je me débrouille avec ça, comme tous. Chacun a sa mécanique interne. Le but est de donner la plus grande vérité à l’instant.

Vous exercez un travail d’écriture, aussi ?

Oui, j’ai écrit aussi beaucoup, des scénarios de pièces de théâtre notamment. Et, pour Scènes de ménages aussi, au début, la première année. Après, j’ai lâché. Je n’ai plus le temps de le faire. Je fais d’autres choses à côté.

Comment travaillez-vous avec ces auteurs ?

Ils sont vingt environ. C’est un boulot de dingue. Et ce sont les acteurs qui choisissent le texte. Ça n’existe pas ailleurs. On lit une centaine de textes, et avec Valérie, on choisit, en argumentant. On dit « oui » quand ça correspond à la situation de nos personnages, et que c’est très bien écrit, car il faut que ce soit parlé. Vous remarquerez qu’il n’y a pas de vannes dans Scènes de ménages. Il n’y a pas de jeux de mots ou d’histoires drôles. Ce ne sont que des situations. Donc, c’est très difficile à écrire. Par contre, à jouer, c’est génial, car c’est bien plus intéressant. Des vannes, tout le monde peut en faire. Puis, le réalisateur et le directeur d’écriture font le lien avec les autres auteurs. Une semaine après, on joue ces textes. Donc, il n’y a pas d’improvisation, car les textes sont choisis, et ils sont très bons. On n’improvise qu’en fin de sketch, parfois, quand on ne coupe pas la scène. C’est un travail très, très, précis. Les gens sont souvent surpris.

Des modèles du genre vous ont inspiré, comme la série Les Deschiens, diffusée par Canal+ de 1993 à 2002, par exemple ?

Ah, ce sont des amis. Avec, Philippe Duquesne, on a tourné 18 films ensemble, c’est d’ailleurs pour ça que je l’ai fait venir en « guest » [en invité — NDRL] dans la série. On est comme des frères, et on va tourner encore bientôt ensemble. Tout comme avec François Morel. C’est la même famille.

À vos débuts, vous avez fait également du doublage pour Dragon Ball Z (1989-1996) ?

C’est un coup de chance, qui a eu un succès fou. Mais, moi, j’ai fait ça presque par hasard. Vous savez, quand on est acteur, on fait plein de choses. Et du doublage, je n’en ai plus fait depuis 25 ans.

Comment est-ce arrivé ?

Des copains me l’ont proposé. C’est un peu plus compliqué aujourd’hui, mais j’ai fait des essais. Et j’ai été pris pour le rôle de Mr Satan, qui est super à faire, car, dans Dragon Ball Z, c’est un imbécile. C’est un personnage très imbu de lui-même, doublé d’un mythomane. J’avais donc la création à faire, chercher à le rendre idiot. C’était très rigolo. J’ai eu beaucoup de chance.

Le doublage, c’est un véritable métier d’acteur ?

Les acteurs de doublage, j’en connais plein, et c’est un travail extraordinaire qu’ils font. Ce sont de super acteurs. J’avais un ami, qui est décédé il n’y a pas longtemps, Patrick Poivey (1948-2020), qui faisait la voix de Bruce Willis. C’était un grand acteur.

Vous écrivez aussi des chansons, dont l’une était dédiée au personnel hospitalier ?

Oui ça me touche beaucoup. J’ai de la famille et des amis très proches dans ce milieu-là. Je suis parfaitement au courant de la réalité de ce qu’il s’est passé chez les infirmiers. Ils sont extrêmement mal payés, à faire un boulot très difficile, dans des conditions très difficiles. C’est un scandale qu’ils soient si mal payés en France, pour sauver des vies. Ce qui les rend fous, c’est la perte de lien humain. Ils n’ont plus le temps de l’entretenir, car ils sont débordés. Parmi ceux que je connais, certains ont arrêté le métier, et d’autres sont en HP [hôpital psychiatrique — NDLR]. Ils allaient au boulot en pleurant, alors qu’ils adoraient leur métier. Ça vient de 30 ans de gabegie politique, où l’on a placé des financiers pour diriger les hôpitaux. Or, ça n’a pas de sens, en France, de gagner de l’argent pour sauver des vies.

Vous pensez que les soignants ont été oubliés depuis la fin du confinement ?

Les gens les ont beaucoup applaudis pendant le Covid, car ils avaient peur. Et maintenant, tout le monde s’en fout. Il y a un chantier colossal pour les revaloriser, et les faire travailler dans des conditions meilleures. Ce qui est fou dans tout cela, c’est que c’est pour nous qu’ils se battent. Quand ils sont en grève, ils bossent quand même. Ma chanson c’était un cri du cœur, pour être avec eux sur le moment. Mais elle n’a pas plus de prétention que ça.

Sur une note plus légère, il paraît que vous êtes un amoureux de la région, et du Var en particulier ?

Oui, j’adore cette région, je vais souvent à Tourtour où je me suis marié. Et je suis même immatriculé « 83 », par solidarité.