vendredi 29 mars 2024
AccueilActualitésSociétéFilmer à Monaco : une impossible maîtrise ?

Filmer à Monaco :
une impossible maîtrise ?

Publié le

Diffusées sur Internet et les réseaux sociaux, certaines images tournées à Monaco échappent parfois au contrôle de la principauté.

Malgré la délivrance d’autorisation pour filmer sur la voie publique, à l’heure du smartphone et de la 5G, tout ne peut pas être contrôlé. Explications.

La vidéo ne comptabilise que 5 580 vues sur internet. Néanmoins, elle avait fait parler d’elle sur le Rocher. En mai 2017, David Laffargue, adepte de base jump [saut en parachute d’un point fixe — N.D.L.R.], s’était risqué à sauter du haut du rocher du palais princier, du côté du port de Fontvieille. Sur la vidéo, on le voit réaliser son saut, se faire ramener par un inconnu en bateau jusque sur le port. Et sa sœur l’emmener en voiture, avec une plaque d’immatriculation monégasque. Un saut sans autorisation, au nez et à la barbe des institutions monégasques… Dans le même genre de vidéos échappant au contrôle de la principauté, on peut penser à celle, pendant le Grand Prix 2018, où un couple avait été filmé en plein ébat à la fenêtre d’un hôtel. Et pourtant, le Grand Prix de Formule 1 (F1) de Monaco est le seul du circuit dont les images ne sont pas produites directement par le championnat, mais par la principauté. « Au-delà d’assurer la promotion de Monaco avec de belles images, cela permet aussi de maîtriser des plans qui pourraient choquer en cas d’accident grave », expliquait en mai 2015 à Monaco Hebdo la direction de l’automobile club de Monaco (ACM). Ce qui n’empêche pas des influenceurs, dont c’est le métier, de tourner en principauté et de générer avec ces images des retombées économiques sur les réseaux sociaux. Mais il est difficile de maîtriser complètement la production d’images à l’ère du smartphone et des réseaux sociaux. Pourtant, pour un territoire, contrôler parfaitement son image se trouve être aujourd’hui un enjeu majeur à l’heure de la globalisation (lire ci-après l’interview de Cynthia Gorra-Gobin, géographe et directrice de recherche émérite au CNRS, à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris 3). Puisque chaque localité est en compétition permanente pour attirer, entre autres, les investisseurs du monde entier, l’image qu’elle renvoie est déterminante. En sciences sociales, on parle de « marketing territorial » : il s’agit du fait de promouvoir les atouts d’un territoire, en utilisant les techniques de vente de produits commerciaux.

Des autorisations pour filmer, mais pas pour tous

A Monaco, toute prise de vue doit être autorisée par le gouvernement. Y a-t-il une volonté de contrôle des images produites dans l’espace public monégasque ? « Il n’y a aucune volonté de maîtrise des images, mais un simple besoin de connaissance et de maîtrise de l’occupation de l’espace public, dans une ville dense et exiguë. Aucun contrôle n’est opéré sur l’utilisation des images réalisées sur l’espace public monégasque, dès lors que l’autorisation a été donnée », affirme la direction de la communication du gouvernement. Dans un autre registre, des influenceurs présents parfois en principauté nous avaient confié filmer sans autorisation et n’être jamais inquiétés. Alors qu’une téléprocédure est normalement nécessaire pour obtenir une autorisation de filmer sur la voie publique. Paradoxe ? « Un smartphone n’étant pas considéré comme du matériel professionnel, aucune autorisation n’est en conséquence nécessaire », répond le gouvernement. En revanche, « une téléprocédure de demande de prises de vue est en place pour toute personne utilisant du matériel professionnel pour réaliser des prises de vue photos ou vidéos en principauté, à l’exception de la place du palais, des propriétés de la famille princière, des sites communaux et des territoires de la société des bains de mer (SBM) qui nécessitent des autorisations spécifiques ». Pour le gouvernement, la différence tient donc seulement au type de matériel utilisé.

Aucun critère d’attribution

Quels sont alors les critères d’attribution qui régissent les autorisations de prises de vue ? « Aucun critère particulier d’attribution » pour filmer sur la voie publique, assure le gouvernement. Alors pourquoi une demande est-elle nécessaire ? « La télédéclaration vise avant tout à renseigner les requérants, à les aider en fonction de leurs besoins et à les aiguiller vers les bons interlocuteurs : certaines demandes complexes (par exemple, tournage de clips, de publicités, de scènes de films) ou les demandes de prises de vue par drone impliquent, en effet, l’intervention de plusieurs services pour la bonne réalisation des tournages ». De plus, la direction de la communication précise que « plus de 1 000 demandes d’autorisations de prises de vue par an sont examinées et moins de 1 % de ces demandes est refusé pour des raisons liées principalement aux délais ». Des arguments validés par la géographe Cynthia Gorra-Gobin (lire ici), directrice de recherche sur des thématiques liées à l’espace public.

Publié le