Depuis le retrait soudain de son principal investisseur, le groupe Finest, qui devait lui garantir une assise de 10 millions de dollars, la fédération monégasque d’e-sport (MESF), poursuit tant bien que mal ses projets d’envergure internationale. Mais le soutien financier de nouveaux investisseurs, et pourquoi pas, du gouvernement monégasque (1), semble nécessaire pour que l’aventure se poursuive à haut niveau.
Dix millions de dollars. C’est la somme qui est passée sous le nez de la fédération monégasque d’e-sport (MESF), principal organisme de la discipline en principauté, présidée par Louis Ducruet. À l’heure où l’e-sport génère de juteux partenariats, remplit des stades outre-Atlantique, en Europe et en Asie, et incite même le président Emmanuel Macron à développer une stratégie sur cinq ans pour faire de la France le leader européen du secteur, Monaco et la MESF auraient pu, avec cette somme promise par l’investisseur israélien Finest, jouer également dans la cour des grands. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu : en octobre 2022, cette organisation d’e-sport, qui avait annoncé huit mois plus tôt l’acquisition, pour 10 millions de dollars, de l’équipe Monaco e-sports, propriété de la MESF, a finalement rétro-pédalé. Dans un tweet, le groupe Finest a expliqué sa décision de mettre fin à ses opérations d’e-sport, la faute à la conjoncture économique mondiale, selon lui : « Après bientôt deux années d’opérations fructueuses dans le domaine de l’e-sport, et après avoir bâti l’une des meilleures marque et communauté du secteur, c’est le cœur lourd que nous mettons fin à nos opérations professionnelles d’e-sport, a expliqué cette organisation israélienne dans son communiqué. Tout cela est le fait de la conjoncture macro-économique que le monde est en train d’affronter. Sans oublier que le fait de posséder une équipe d’e-sport représente un investissement hautement spéculatif. » Le groupe Finest a également soutenu que leur décision a été prise après le retrait d’investisseurs clés de leur société. Cette organisation israélienne avait été rachetée en 2020 par la RadarZero et avait développé, depuis, divers partenariats avec de gros acteurs, comme Samsung, Pizza Hut, Tezos, et Logitech. Six mois avant l’annonce du rachat de la MESF, Finest venait même de recruter Rotem Kamer, patron de la fédération israélienne de football, pour le désigner comme chef exécutif de la société. Du solide, en apparence, qui s’est vite délité.
En octobre 2022, cette organisation d’e-Sports [Finest Group — NDLR], qui avait annoncé huit mois plus tôt l’acquisition, pour 10 millions de dollars, de l’équipe Monaco e-sport, propriété de la MESF, a finalement rétro-pédalé

Des événements internationaux
Malgré ce coup dur, la MESF ne chôme pas, et son équipe organise quasi bénévolement une pléiade d’événements et de tournois internationaux : une course de iRacing « Live from Monaco », des finales compétitives de League of Legends avec le « Monaco Gaming Day », et un tournoi sur Fortnite et Rocket League, avec le « Monaco Gaming Show ». Et, plus récemment, une coupe du monde de SimRacing, des courses de simulations automobiles sur le jeu Assetto Corsa. Initialement, cet événement aurait dû se dérouler au Grimaldi Forum selon la fédération monégasque d’e-sport, mais, après le retrait du financement du groupe Finest, c’est au salon d’honneur du stade Louis II que la compétition a eu lieu, le 23 octobre 2022. « Des pilotes représentant des fédérations d’e-sport d’Europe, d’Asie, d’Afrique, d’Océanie, et des Amériques, certains parmi les plus accomplis du monde, se sont affrontés devant des dizaines de milliers de téléspectateurs », explique la MESF. La finale de ce tournoi, soutenu par la fédération internationale d’e-sport, a d’ailleurs réuni du beau monde : l’influenceur GMK, dont la vidéo avec le prince Albert II dépasse les 2 millions de vues sur YouTube [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 8 novembre 2022 — NDLR], et Seb Delanney, le pilote britannique Jann Mardenborough en Super GT. Parmi les commentateurs, Anastasia Lopes, animatrice de la populaire émission GP Explorer, était de la partie avec Idreau, autre voix célèbre du SimRacing, ainsi que George Morgan et Steph Wentworth, deux commentateurs professionnels de courses automobiles. Quant au pilote, la MESF s’était rapprochée du Monégasque Arthur Leclerc pour qu’il représente la fédération en finale. Mais son écurie, la Scuderia Ferrari, ne lui aurait pas permis de participer à cette compétition. C’est donc Youssef Seddiki, représentant de l’entreprise Monaco Digital parmi les sept entreprises participantes [Monaco Digital, Monaco Telecom, CFM, IM2S, FNAC, ALLIRIA, Monaco Extended — NDLR], qui a porté les couleurs de la principauté pendant ce tournoi, remporté par le Slovène Jernej Simončič, le premier champion du monde SimRacing. Le potentiel est donc bien là, mais, pour que la cadence suive, il reste maintenant à le financer.

La finale de ce tournoi [SimRacing World Cup — NDLR], soutenu par la fédération internationale d’e-sport, a réuni du beau monde : l’influenceur GMK, dont la vidéo avec le prince Albert II dépasse les 2 millions de vues sur YouTube [Monaco Hebdo bouclait ce numéro le 8 novembre 2022 — NDLR], et Seb Delanney, le pilote britannique Jann Mardenborough en Super GT
Des projets à impulser
À titre d’exemple, un événement comme le Monaco Gaming Show se chiffre à un million d’euros, selon la MESF. Les besoins de trésorerie sont conséquents pour maintenir l’e-sport monégasque, dans son ensemble, au centre des événements internationaux. Si l’AS Monaco a, lui aussi, son club d’e-sport, celui-ci reste essentiellement cantonné à l’univers du football et de la simulation Fifa, là où la fédération s’étend à d’autres supports, et d’autres tournois. Dans cet esprit, la MESF projette de créer une académie du “gaming” : une sorte de centre de formation pour les talents locaux de l’e-sport, qui ferait aussi office d’accueil de joueurs professionnels en recherche d’installations concrètes, ainsi que de “coaching”. Le tout contre une licence annuelle. Et pourquoi pas imaginer, même si le temps presse, une participation aux Jeux Olympiques (JO) de 2024, alors que l’e-sport fera partie des disciplines reconnues ?

« En organisant un “showmatch” et en invitant une star de l’e-sport, on pourrait facilement remplir le stade Louis II. Ce serait un gros succès, à moindre coût. Aucune autre fédération en Europe n’a le potentiel de Monaco. » La fédération monégasque d’eSports
D’ici là, d’autres événements mériteraient de voir le jour, directement en principauté : « En organisant un “showmatch” et en invitant une star de l’e-sport, on pourrait facilement remplir le stade Louis II. Ce serait un gros succès, à moindre coût. Aucune autre fédération en Europe n’a le potentiel de Monaco. Quand on entend qu’Andorre se positionne pour devenir la capitale européenne de l’e-sport, il y a de quoi se poser des questions. Qu’attendons-nous ? C’est important pour le tourisme et l’attractivité du pays », explique-t-on à la MESF. La principauté d’Andorre a en effet développé une législation permettant de professionnaliser la pratique de l’e-sport, en créant tout un écosystème économique favorisant la création d’emplois dédiés, les infrastructures numériques, ainsi qu’une branche tourisme et éducative, avec l’introduction de la compétition d’e-sport en dehors des horaires scolaires. À Monaco, les outils sont là également pour que l’e-sport se développe. Il ne manque plus qu’une impulsion.
1) Contacté par Monaco Hebdo, et alors que la rédaction bouclait ce numéro le 8 novembre 2022, le gouvernement monégasque n’avait pas répondu à notre sollicitation.
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