jeudi 28 mars 2024
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Covid-19 et sida : Fight Aids Monaco reste mobilisé, malgré la pandémie

Publié le

Si la pandémie de Covid-19 a quelque peu éclipsé la lutte contre le sida depuis un an, entraînant une inquiétante baisse du dépistage, les associations comme Fight Aids Monaco (1) restent pleinement mobilisées.

Une aide et un accompagnement précieux pour des malades bien souvent isolés.

Près de 300 000 cas d’infection de plus et jusqu’à 150 000 décès supplémentaires d’ici à 2022 liés au Covid-19. Les projections de l’Onusida — le programme des Nations unies sur le VIH — font froid dans le dos. Mais elles disent à quel point la pandémie, et les mesures de confinement et couvre-feu qui en ont découlé, ont entravé un peu partout l’accès aux services consacrés à la lutte contre le sida. À commencer par les associations.

Baisse du dépistage

Selon les estimations du Sidaction, environ 650 000 tests de moins ont été effectués en France depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020, ce qui représente une baisse de 10 % sur un an. Ce recul du dépistage laisse donc craindre une recrudescence de l’épidémie, et une hausse de la mortalité. « Cela nous inquiète parce que la prévention est toujours compliquée, et la crise sanitaire complexifie encore davantage les choses, confie le coordinateur de Fight Aids Monaco, Hervé Aeschbach. Par exemple, il n’y a plus la possibilité de prendre un verre. Donc, souvent, ça va passer par des réseaux sociaux et directement à des actes qui seront peut-être plus rapides et moins protégés », redoute le coordinateur de Fight Aids Monaco. L’association monégasque, qui œuvre depuis 2004 en faveur des personnes atteintes du VIH, s’inquiète aussi pour le suivi des malades. « De ce que disent les statistiques, oui il y a une baisse par rapport au dépistage. C’est certain. Il y a moins de dépistages qu’en temps normal, parce qu’on cumule deux choses. On parle beaucoup du dépistage du Covid-19, mais le dépistage du VIH est aussi important ».

Selon les estimations du Sidaction, environ 650 000 tests de moins ont été effectués en France depuis le début de la crise sanitaire en mars 2020, ce qui représente une baisse de 10 % sur un an

La peur de la contamination

Par peur de la contamination, beaucoup de personnes vivant avec le VIH ont en effet déserté les cabinets médicaux et les hôpitaux : « Certaines ont peur de sortir, par crainte d’être contaminées par le Covid-19. Elles craignent ce virus et s’inquiètent aussi sur la prise en charge dans les hôpitaux, parce que les services sont surchargés », signale Hervé Aeschbach. Pour éviter tout renoncement aux soins, qui pourrait dégrader de manière significative leur état de santé, Fight Aids Monaco maintient donc un contact régulier avec ses 114 affiliés : « Nous voulons les inciter à garder le bon suivi médical. Car les rendez-vous médicaux sont parfois reportés, les examens de suivi et de contrôle vont être reportés, sinon négligés. Et il y a des pathologies où les traitements doivent être suivis très précisément. Car si on ne va pas faire les examens de suivi ou voir son médecin pour les renouvellements d’ordonnance, ou pour vérifier que tout va bien, les risques d’être malade augmentent. […] Pour compenser les accueils [que l’association a suspendus en raison de la crise sanitaire — NDLR], nous faisons un suivi téléphonique avec notre équipe d’accompagnants. Et quand il y a vraiment un besoin, nous les recevons sur rendez-vous ».

Double peine

Ce suivi est aussi un moyen pour l’association de rompre l’isolement des personnes séropositives. Car, si la maladie est devenue de moins en moins taboue selon Hervé Aeschbach, les personnes atteintes par le VIH se retrouvent souvent face à un isolement social, affectif et sexuel. Un phénomène amplifié par les mesures de confinement et de couvre-feu mises en place pour lutter contre la propagation du coronavirus. « Nous entendons clairement les personnes qui se disent d’autant plus isolées. Certaines ne parlent à personne de la journée, explique Hervé Aeschbach. Habituellement, l’association leur permet de sortir de cet isolement. Mais aujourd’hui, elles ne peuvent plus venir [à Fight Aids Monaco — NDLR]. L’angoisse et la solitude sont donc exacerbées ». Et ce, d’autant plus que, parfois, la précarité s’ajoute à la maladie : « Des personnes vivent dans des lieux qui sont exigus, parfois même dans des conditions difficiles. Nous sommes donc inquiets pour ces personnes », reconnaît le coordinateur de l’association monégasque. Pour lutter contre cette double peine, et même cette triple peine, Fight Aids Monaco propose une aide financière à ses affiliés dans le besoin : « Notre commission a mis à disposition une enveloppe pour les aides d’urgence. Tout au long de l’année, nous aidons financièrement, et ponctuellement, pour des situations difficiles. Mais plus spécifiquement, pendant la crise du Covid, certains ont perdu des petits boulots et ils se retrouvent en difficulté. Du coup, nous débloquons des aides d’urgence pour les aider ».

Hervé Aeschbach, Coordinateur de Fight Aids Monaco © Photo Manuel Vitali / Direction de la Communication

« Il n’y a plus la possibilité de prendre un verre. Donc, souvent, ça va passer par des réseaux sociaux et directement à des actes qui seront peut-être plus rapides et moins protégés », redoute le coordinateur de Fight Aids Monaco, Hervé Aeschbach

Des dons en baisse

Reste que la crise sanitaire a fortement fait chuter les revenus de l’association qui a été contrainte d’annuler la plupart de ces événements en 2020 (Test in the city, gala d’été, Fight Aids Cup…). Et notamment ceux destinés à la collecte de dons, sur lesquels repose Fight Aids Monaco. « Nos événements sont annulés. Certains donateurs consacrent aussi plus leurs dons à la crise du Covid et du coup, ils réduisent [leur participation – NDLR] que ce soit pour la lutte contre le sida ou pour d’autres causes. Il y a donc des répercussions directes », déplore Hervé Aeschbach. L’association a tout de même pu compter sur les carabiniers du prince qui ont récemment renouvelé leur maillot cycliste dans le but de le proposer à la vente au grand public au profit de Fight Aids Monaco. Mais aussi sur certains acteurs locaux, comme Doux Village, la plateforme d’achat monégasque sur Internet qui s’est proposée de faire un don à la fin des achats en ligne. Le gouvernement princier a également apporté sa pierre à l’édifice en 2020 en offrant une subvention pour couvrir les charges administratives, notamment les salaires, de cette association. « Heureusement que nous avons des partenaires qui restent mobilisés. Mais la situation est quand même inquiétante. Nous sommes en danger sur l’avenir, si cela perdurait », insiste Hervé Aeschbach.

Impatient

Fight Aids Monaco attend donc avec impatience de pouvoir reprendre son activité habituelle, et notamment ces événements qui lui permettront de lever à nouveau des fonds. « Nos gardons espoir de pouvoir reprendre nos activités et de repartir sur des projets. Nous pouvons avoir des projets de collectes de fonds, mais cela signifie rassembler du monde. Or, ce n’est pas possible actuellement. Donc il faut qu’on innove. Si nous pouvons reprendre nos activités d’accompagnement, forcément nous pourrons reprendre nos collectes de fonds qui vont faire appel à un spectacle, comme le gala ou à d’autres actions ». En attendant, l’association poursuit ses missions de prévention, de sensibilisation et d’accompagnement tant bien que mal : « Pour nous, il est certain que c’est une période difficile parce qu’on subit la question de la mise à distance. Dans notre organisation, le télétravail n’est pas simple. Et par rapport à l’accompagnement, nous sommes dans la mise en relation. Le bien-être passe par la socialisation, par le toucher, par tout ce qui fait que l’on va vers l’autre. Mais avec le Covid, on demande au contraire de mettre de la distance. Nous sommes vraiment dans une problématique qui est contraire à ce que nous faisons habituellement », explique Hervé Aeschbach.

© Photo Frédéric Nébinger

« Certaines personnes porteuses du VIH ont peur de sortir, par crainte d’être contaminées par le Covid-19. Elles craignent ce virus et s’inquiètent aussi sur la prise en charge dans les hôpitaux » Hervé Aeschbach. Coordinateur de Fight Aids Monaco

Prévention

Le coordinateur de Fight Aids a d’ores et déjà défini ses priorités pour la reprise : « Nos actions seront d’abord orientées vers les personnes vivant avec le VIH. C’est-à-dire pouvoir répondre le mieux possible à leurs besoins immédiats. Nous reprendrons sûrement nos activités. Et nous mettrons d’emblée en place des actions pour mobiliser des fonds pour nos activités », projette-t-il. La prévention figurera également au centre des préoccupations, notamment auprès des plus jeunes. « Nous retournerons dans les lycées, nous referons les “Tests in the city” et peut-être d’autres projets. […] Nous travaillons avec la direction de l’éducation nationale pour que ce message perdure, et que les jeunes puissent être sensibilisés aux risques liés à la sexualité. Il ne faut pas baisser la vigilance », martèle Hervé Aeschbach. Avant de rendre hommage à sa présidente, la princesse Stéphanie : « À Monaco, nous avons eu la chance qu’elle choisisse de s’engager dans cette lutte difficile. Le sida était mal vu, et aujourd’hui, grâce à elle, les choses ont quand même évolué, en principauté comme ailleurs. Même s’il y a encore du travail à faire ».

1) Pour faire un don à Fight Aids Monaco, vous pouvez vous rendre sur le site Internet de l’association : https://www.fightaidsmonaco.com/faire-un-don/. Ou contacter le (+377) 97 70 67 97 par téléphone.

Sida et Covid-19 : séjours suspendus à la Maison de vie de Carpentras

Lieu de répit, de ressourcement et d’accompagnement pour les personnes vivant avec le VIH, la Maison de vie de Carpentras subit elle aussi les effets de la crise sanitaire. « Nous avons suspendu les séjours », annonce Hervé Aeschbach. N’étant pas considérée comme un établissement de santé, mais comme un lieu recevant du public, la Maison de vie est soumise à la législation française : « Elle nous donne des directives sur la possibilité d’ouvrir ou pas. Et après, c’est la princesse Stéphanie qui validera la réouverture ». Celle-ci était espérée pour avril 2021, « mais ce ne sera pas possible » déplore le coordinateur de Fight Aids Monaco. « Nous sommes à la merci de la situation sanitaire. C’est elle qui va nous autoriser à reprendre les activités ou pas ». Inaugurée en juin 2010, la Maison de vie accueille pour de courts séjours (15 jours) des personnes séropositives. Elle leur offre un lieu d’activité, de rencontre, de partage et d’échanges, leur permettant ainsi de rompre leur isolement.

Vaccin contre le Covid-19 : Les personnes séropositives ne sont pas prioritaires

Cela peut paraître saugrenu, mais les personnes vivant avec le VIH ne sont actuellement pas considérées comme à très haut risque face au Covid-19. Et donc, par conséquent, ne sont pas prioritaires pour la vaccination, sauf en cas de comorbidités. « En termes de risque, les personnes vivant avec le VIH ont aujourd’hui des traitements qui leur permettent d’avoir une bonne défense immunitaire. Elles ne vont donc pas être considérées comme prioritaires parmi les personnes à vacciner ou les personnes à risque. En revanche, s’il y a des comorbidités (insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque…), ou si elles ont eu un accident vasculaire cérébral (AVC), ou si elles sont obèses, elles vont bien sûr devenir prioritaires. Mais la plupart ne sont pas plus à risque que la population en général », explique Hervé Aeschbach, coordinateur de Fight Aids Monaco.

Plus de 4 millions d’euros promis au Sidaction

L’association française de lutte contre le sida a conclu dimanche 28 mars 2021 son traditionnel week-end de collecte avec 4 479 159 euros de promesses de dons. Une mobilisation forcément bienvenue après l’annulation de l’édition 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. « Face au contexte actuel incertain, aux difficultés économiques que rencontrent de nombreux Français, nous étions très inquiets. Malgré cela, le grand public s’est mobilisé au-delà de nos espérances », s’est félicitée la directrice générale du Sidaction, Florence Thune. Et alors que la France a enregistré une baisse drastique du dépistage l’année dernière (650 000 tests de moins selon les estimations), Florence Thune a tenu à rappeler que le sida était loin d’avoir disparu : « Le VIH ne doit pas être invisibilisé. La crise sanitaire a eu un impact sur les activités de lutte contre le sida en France et à l’étranger : les prévisions pour les années à venir sont très préoccupantes. Continuons le combat et ne laissons pas le VIH regagner du terrain dans l’ombre de la Covid-19 », a-t-elle lancé à l’issue de la campagne. Les fonds collectés par le Sidaction sont destinés à financer des programmes de recherche et de soins, ainsi qu’à des programmes associatifs de prise en charge et d’aide aux malades, en France et à l’international. « Aujourd’hui, 173 000 personnes vivent avec le VIH en France et 38 millions dans le monde », rappelle l’association dans un communiqué.

© Photo Gaetan Luci / Palais Princier

Fight Aids Monaco en chiffres (1)

114

C’est le nombre de personnes vivant avec le VIH inscrites à Fight Aids Monaco. La majorité sont des hommes (52 % contre 48 % de femmes).

plus de 80 %

Plus de 80 % des affiliés à Fight Aids Monaco sont Français. « Nous avons aussi quelques Italiens et quelques résidents. Mais ce sont principalement des Français qui viennent d’abord de Nice », précise le coordinateur de l’association Hervé Aeschbach.

17 ans

Fight Aids Monaco fêtera cette année ses 17 ans. L’association œuvre depuis le 22 juillet 2004 en faveur des personnes atteintes du VIH. La princesse Stéphanie en est sa fondatrice et sa présidente.

3,5

C’est le nombre de personnes travaillant au sein de l’association Fight Aids Monaco. Par ailleurs, une douzaine de personnes (cuisiniers, accompagnants…) sont mobilisées au sein de la Maison de vie de Carpentras.

15 jours

Comme la durée du séjour de répit, de ressourcement et d’accompagnement, proposé par la Maison de vie de Carpentras (lire par ailleurs) aux personnes séropositives.

1 million d’euros

C’est le montant nécessaire à Fight Aids Monaco pour faire fonctionner l’association. « C’est la Maison de vie qui nous coûte le plus cher parce qu’elle reçoit des résidents 24 heures sur 24. Et les personnes que l’on héberge pendant quinze jours sont à notre charge. Leur participation est minime, environ 5 euros par jour », indique Hervé Aeschbach.

1) Source : chiffres communiqués par l’association Fight Aids Monaco.