vendredi 29 mars 2024
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Claude Challe, DJ baba cool

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C’est le fondateur des Bains Douches et de la musique lounge… Entre deux vols pour Marrakech et Ibiza, Claude Challe a fait escale, le 27 juin, à Monaco pour fêter les 16 ans du Buddha Bar dont il est aussi le créateur. Rencontre.

Propos recueillis par Margaux Biancheri.

Monaco Hebdo : Vous vous sentez plus DJ ou homme d’affaires ?
Claude Challe : Je ne suis pas DJ ! Je ne suis pas un musicien, ni un technicien. A l’époque où je jouais souvent en Angleterre, on m’a qualifié de “sound designer”, je trouve que c’est la formule la plus proche de la réalité. Lorsque je suis devenu propriétaire des Bains Douches, je m’occupais du son et puis de temps en temps, je passais derrière les platines pour m’amuser. Depuis, c’est devenu un endroit mythique. Je crois qu’à part le Pape, tout le monde y est passé… Aux Bains, il y avait une musique très pointue aux accents espagnoles, indiens, thaïlandais. C’était à la fois new wave, trip hop et world music. A contrario les autres endroits à la mode passait souvent une musique très commerciale. On trouvait ce genre nulle part ailleurs.

M.H. : Et la musique lounge fut, n’est-ce pas ?
C.C. : C’est ça ! Pascal Nègre, le patron d’Universal était souvent aux Bains. Je lui ai dit que je voulais faire une compilation pour laisser une trace de l’endroit… Une sorte de testament. Il m’a signé pour huit disques. Entre temps, j’ai revendu les Bains Douches. Et, pour la première fois où j’ai eu de l’argent de côté, ma banque a fait faillite… J’avais pour projet de faire un film. Finalement, j’ai dû me remettre à travailler la nuit. J’ai ouvert le Buddha Bar, le restaurant bar lounge que vous connaissez. L’ambiance allait crescendo. Pour la première fois, on pouvait manger à l’étage dans une ambiance zen puis trois heures plus tard, danser sur les tables au rez-de-chaussée. Les compilations Buddha Bar c’est le même concept. J’ai mis deux en un avec les deux ambiances du Buddha Bar. CD 1 : restaurant, CD 2 : dancefloor.

M.H. : Votre musique est à part. Qu’est-ce qui vous inspire ?
C.C. : Le voyage et les femmes… Je suis un hédoniste, un épicurien… Je suis très branché spiritualité. Certaines musiques emmènent en lévitation. Mon secret, c’est le plaisir de vivre ! Je crois que je suis le plus vieux DJ du monde, chaque année est censée être ma dernière… Mais je suis encore là et je n’ai pas peur de la mort. Ce que j’aime, c’est rencontrer des gens et partager des moments incroyables avec eux.

M.H. : On dit que vous pêchiez avec Coluche, que Jack Nicholson est un de vos plus proches amis. Quelle rencontre vous a le plus marqué ?
C.C. : Y a tellement de gens fantastiques. Une des personnes les plus extraordinaires que j’ai rencontrées est Jack Nicholson. Il est dans la vie comme dans ses films. Un fou positif, un bouffeur de vie, très humble qui se promène sans chauffeur et parle à tout le monde. Je vais passer au mois d’août mes vacances avec le directeur du cirque du soleil, Guy Laliberté. Une des rares personnes à être allée dans l’espace. Qui d’autre ? Polanski m’a fait rencontrer Harisson Ford. Depuis je ne me fie plus aux apparences. Malgré son costume de banquier, c’est l’homme le plus allumé que je connaisse. J’ai passé un réveillon chez Michael Douglas : à table, il n’y avait que des légendes… La fête a duré 48 heures. Ces gens-là ne savent pas dormir. Les produits qu’ils ingurgitent aident à cela aussi…

M.H. : Vous êtes la preuve que la spiritualité et le monde de la nuit ne sont pas incompatibles… Que pensez-vous, d’ailleurs, des excès liés à la fête ? En avez-vous fait les frais ?
C.C. : J’ai eu la chance de connaître mes limites très vite. J’ai vécu dans une communauté hippie au Népal et à Ibiza on dormait sous les arbres. J’ai vu des gens qui prenaient deux ou trois LSD par jour. Cela ne m’est jamais arrivé. Je sors tout le temps mais je ne bois que de l’eau, du jus de fruit. J’ai l’énergie naturelle. Bien sûr, j’ai essayé pour l’expérience mais ce n’était pas pour moi… Je suis malheureux de voir la jeunesse actuelle qui prend n’importe quoi et pense qu’on ne peut pas sortir sans avoir pris quelque chose. C’est dommage ! Les grandes boîtes de nuit aujourd’hui passent de la musique de zombies et les gens qui y rentrent sont comme des zombies. Il n’y a plus d’âme, plus rien.

M.H. : Alors ? Que pensez-vous des grands DJ actuels ? David Guetta par exemple ?
C.C. : Je suis enchanté de la réussite de David Guetta ! Il a d’ailleurs commencé chez moi. Sa femme, Cathy, a travaillé pendant douze ans chez moi. Je les connais très bien. David est un homme délicieux et extrêmement touchant. Sa musique marche mais elle ne me touche pas. Après, il a trouvé un filon. C’est le DJ qui vend le plus de disques au monde et ça, c’est un exploit alors qu’on ne vend plus de disques. Aujourd’hui, je produis 20 000 disques, avant j’en vendais 200 000. Je suis incapable de faire du David Guetta. C’est aussi pour ça qu’il est le DJ le plus cher sur le marché.

M.H. : Et combien coûte un set par Claude Challe ?
C.C. : Je suis le premier DJ à avoir demandé 10 000 euros pour une soirée ! A l’époque, ça n’existait pas… Aujourd’hui c’est normal. Mais l’argent je ne le garde pas. Je ne suis pas un économe, je préfère faire des cadeaux… Il faut que l’argent tourne. Quand je suis devenu célèbre, j’ai voulu faire des concerts caritatifs à Bali. Quand on est à Monaco, jamais on ne pourrait croire que le monde va mal. Je n’oublie pas qu’ailleurs c’est la pauvreté.

M.H. : Comment avez-vous préparé le set des 16 ans du Buddha Bar ?
C.C. : Je ne prépare jamais rien. C’est au feeling, selon comment je me sens, la vibration, l’énergie… Les nouveaux DJ voyagent avec une clef usb, c’est magnifique… Je suis jaloux ! Je suis un feignant, je n’enregistre rien. J’ai une mémoire visuelle donc j’emmène avec moi 20 à 25 kg de CD.

M.H. : A quoi ressemblait votre vie avant votre réussite ?
C.C. : L’école m’ennuyait. Mon oncle était un coiffeur à la mode. Il avait de belles voitures, de belles filles. Je me suis dit que j’allais faire comme lui. Je lui ai demandé de m’apprendre le métier et j’ai appris très vite. Je me suis fait une clientèle très rapidement parce que j’étais très exubérant… J’avais des costumes rouges, oranges, alors qu’on était dans les années 1960 très conservatrices. Avant, les femmes avaient des mises en plis, des rouleaux… Je les décoiffais et je coupais les cheveux au naturel, comme on fait aujourd’hui. A seulement 19 ans, j’étais déjà riche. Mon vrai nom c’est Challom, je suis né en 1945, il y avait beaucoup de collabos, même après la guerre. Cela m’a porté préjudice quand j’étais jeune, c’est pour cela que j’ai changé de patronyme. Je me battrais aujourd’hui contre les religions. Tous les gens qui meurent à cause d’elles, c’est dramatique. Il faudrait apprendre à nos enfants une spiritualité laïque.