jeudi 28 mars 2024
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5G : Comme Monaco,
la France s’interroge

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Alors qu’après Monaco la France s’apprête à déployer la 5G d’ici fin 2020,

des questionnements subsistent sur les effets de cette technologie sur la santé, comme sur l’environnement. Faute de données, le rapport préliminaire de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur la 5G, dévoilé le 27 janvier 2020, ne tranche pas ce débat.

En France, le premier rapport sur la 5G de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) été rendu public le 27 janvier 2020, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la prudence prédomine. Alors que Monaco est entièrement couverte par la 5G depuis son lancement officiel le 9 juillet 2019, côté français il faudra attendre fin 2020 pour voir les premières offres fleurir. En effet, la procédure d’attribution de fréquences dans la nouvelle bande 3,5 GHz, nécessaire à la 5G, prend du temps. Dans les faits, la 5G fonctionnera sur deux bandes de fréquences nouvelles, en plus des réseaux actuels 2G, 3G et 4G : la bande 3,5 GHz, utilisée dans un premier temps, et la bande 26 GHz.

« Effets sanitaires potentiels »

Depuis le 30 décembre 2019, c’est l’autorité de régulation des télécoms qui gère l’attribution des fréquences sur le territoire français. Or, comme en principauté (lire l’interview de l’association 5G Monaco dans ce numéro), beaucoup d’inquiétudes résident quant à l’impact que pourrait avoir la 5G sur la santé. Exagérée ou non, cette inquiétude d’une partie de la population, mais aussi d’associations, de scientifiques et de groupes de réflexion français, a poussé les ministères de la santé, de l’écologie et de l’économie à se tourner en juillet 2018 vers l’Anses. Un rapport préliminaire a été publié le 27 janvier 2020, dans lequel l’Anses pointe « un manque important, voire une absence de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés aux fréquences autour de 3,5 GHz ». Partant de ce constat, l’Anses réclame donc un supplément d’informations de la part des opérateurs, afin d’être en capacité de pouvoir estimer avec précision les éventuels risques sur la santé. En effet, tout dépendra du type d’antennes, de leur puissance et de l’usage que feront les clients de cette nouvelle technologie. Quant à la bande de fréquences 26 GHz, il s’agit des fameuses « ondes millimétriques », notamment utilisées dans les portiques des aéroports qui fonctionnent avec des fréquences variant de 24 à 30 GHz. « Aucune étude portant sur les effets des expositions à des ondes millimétriques dans les fréquences comprises entre 24 et 28 GHz n’a été identifiée dans les rapports des précédentes expertises portant sur les scanners corporels », a indiqué l’Anses dans ce rapport préliminaire, réclamant, là encore, « d’approfondir la recherche », tout en pointant déjà un certain nombre de directions : « les effets biologiques des ondes « millimétriques », notamment sur les tissus épithéliaux qui sont les tissus directement exposés à ce type d’ondes ; en particulier les effets sur la cornée et les terminaisons nerveuses cutanées ». Mais aussi « les effets sanitaires potentiels des ondes « millimétriques », notamment sur des populations exposées professionnellement ». Plus globalement, l’Anses attend des travaux de recherche menés sur les « effets sanitaires potentiels des champs électromagnétiques, notamment sur les effets à long terme ».

Moratoire

On se souvient qu’en 2011, le Centre international de recherche sur le cancer avait estimé que les radiofréquences comprises entre 30 kHz et 300 GHz étaient « un cancérogène possible pour l’homme ». Reste donc à savoir précisément ce qu’il en est pour les radiofréquences à 3,5 GHz. Si en principauté l’association 5G Monaco réclame un moratoire au gouvernement, la situation est identique en France. D’autres vont même plus loin, puisque les associations Agir pour l’environnement et Priartem-Electrosensibles sont en train de plancher sur un recours qu’elles souhaitent présenter devant le Conseil d’Etat. Objectif : obtenir l’annulation de l’arrêté du 30 décembre 2019 qui fixe les modalités d’attribution de fréquences dans la bande 3,5 GHz. En parallèle, une pétition « Stop à la 5G » a été lancée par un collectif d’associations. Rappelant qu’en France, le déploiement de la 5G « n’a fait l’objet d’aucun débat démocratique » et que « 180 scientifiques de 37 pays différents ont signé un appel pour un moratoire sur le déploiement des technologies 5G », ce collectif estime aussi que cette nouvelle technologie « va augmenter le brouillard électromagnétique existant déjà beaucoup trop élevé avec, entre autres, la 2, 3 et 4G, le WiFi, le Bluetooth, les compteurs communicants d’électricité (Linky), d’eau et de gaz (Gazpar) et leurs infrastructures annexes ». Invoquant le « principe de précaution », tous demandent la suspension du déploiement de la 5G, tant que des études indépendantes n’auront pas clairement démontré l’absence de danger sanitaire. D’autres pointent également un risque pour l’environnement, dans la mesure où la 5G permet de doper considérablement la consommation de contenus, notamment vidéo, ce qui se traduira nécessairement par une dépense énergétique accrue. Alors que la notion de « sobriété numérique » fait de plus en plus son chemin, de plus en plus d’experts se demandent comment 5G et consommation énergétique vont pouvoir s’articuler. Dans une tribune publiée le 9 janvier 2020 par Le Monde, Hugues Ferreboeuf, directeur du projet « sobriété » au Shift Project, un groupe de réflexion sur la transition énergétique, et Jean-Marc Jancovici, président du Shift Project, estimaient qu’« au final, avec ce déploiement la consommation d’énergie des opérateurs mobiles serait multipliée par 2,5 à 3 dans les cinq ans à venir, ce qui est cohérent avec le constat des opérateurs chinois, qui ont déployé 80 000 sites 5G depuis un an. Cet impact n’a rien d’anecdotique puisqu’il représenterait environ 10 TWh supplémentaires, soit une augmentation de 2 % de la consommation d’électricité du pays ». En principauté, comme en France, beaucoup se demandent pourquoi lancer la 5G, alors qu’aucune évaluation sanitaire et environnementale indépendante n’a été menée. En Principauté, l’association 5G Monaco estime que, même si cette technologie est un projet industriel majeur et un enjeu stratégique pour le pays, cela ne doit pas se faire au détriment de la santé de la population. Le rapport définitif de l’Anses ne devrait pas être terminé avant le premier trimestre 2021.

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