vendredi 19 avril 2024
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Jean-Pierre Pastor : « La grande loge n’a jamais donné d’instruction de vote »

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Jean-Pierre Pastor, grand maître de la Grande loge nationale régulière de la principauté de Monaco (GLNRPM), assure n’être jamais intervenu dans les élections communales. Et annonce l’ouverture fin mai, début juin, d’un temple dédié aux frères monégasques.

 

Franck Nicolas est grand secrétaire de la loge monégasque. Vous avez participé, d’une manière ou d’une autre, à sa campagne pendant les élections communales ?

Absolument pas. Je ne suis intervenu à un aucun moment dans cette élection communale. De toute manière, je n’ai pas le droit d’intervenir. Cela ne rentre pas dans la philosophie de la franc-maçonnerie où nous avons comme mot d’ordre de n’aborder ni les faits religieux, ni les faits politiques. Je sais que des bruits ont couru à Monaco sur ce point. Mais je suis formel. La grande loge monégasque n’a jamais fait et ne fera jamais de politique.

Vous n’avez donc pas soutenu le candidat Franck Nicolas ?

Qu’en tant que citoyen, je préfère un candidat à un autre à titre personnel, c’est tout à fait mon droit. Mais il n’y a jamais eu d’instruction de vote donnée par la grande loge. Deux membres de la GLNRPM se sont présentés à des élections : Claude Boisson aux élections nationales et Franck Nicolas aux élections communales. La grande loge n’a jamais été derrière ces candidats. Et il n’y a jamais eu la volonté d’investir la politique nationale.

Mais Franck Nicolas est aussi votre cousin…

Oui, absolument. Nous avons des liens familiaux. Mais je ne me suis jamais rendu à une seule réunion politique. Que ce soit celles organisées par Georges Marsan ou celles organisées par Franck Nicolas. Je défie donc qui que ce soit d’apporter une quelconque preuve de mon implication ou de l’implication de la grande loge au niveau de la politique monégasque. Les frères qui décident de s’investir en politique sont dans une démarche purement personnelle.

Franck Nicolas a subi de nombreuses attaques parce qu’il est franc-maçon : votre réaction ?

Quand on décide de faire de la politique, il faut s’attendre à recevoir des coups. Attaquer la franc-maçonnerie est l’un des coups possibles. Je rappelle que s’il avait été élu à la tête de la mairie, il aurait démissionné de son poste de grand secrétaire. Dans nos statuts, on ne peut pas assurer la mission d’élu, tout en ayant un poste administratif au sein de la grande loge.

Comment sa candidature à la mairie a été perçue ?

Ce sujet n’a pas du tout été évoqué dans les différentes loges.

Certains prétendaient aussi qu’il pourrait s’appuyer sur le réseau franc-maçon pour capitaliser des voix ?

C’est absurde. Comment les 30 ou 40 Monégasques membres de la grande loge auraient-ils pu faire basculer un vote à Monaco ? En France, on parle de “réseaux maçonniques” car ils sont des dizaines de milliers. Ce n’est évidemment pas le cas à Monaco.

Justement, combien de membres comptez-vous désormais à la GLNRPM ?

Environ 250, dont une trentaine de Monégasques. Quand la loge a été créée en 2011, on était 180.

Comment les adhésions ont évolué ?

Durant les quatre dernières années, nous avons atteint un pic de 300 membres. Puis nous sommes redescendus à 212, pour remonter aujourd’hui à 250 frères.

Pourquoi ces 90 frères sont partis ?

Ils ne partageaient pas notre philosophie. Certains ont été indélicats. Et d’autres initiés se sont rendus compte que la maçonnerie ne correspondait pas à leur attente.

Une trentaine de Monégasques, c’est peu non ?

Pas forcément. Je rappelle que l’on est seulement 8 000 Monégasques à Monaco et que nous avons seulement 4 ans d’existence.

Vous avez ouvert les statuts assez largement : c’est pour gonfler les rangs ?

Nous avons ouvert la loge aux enfants du pays, aux résidents de plus de 18 ans, à ceux qui travaillent à Monaco, mais aussi aux personnes ayant un rapport avec Monaco : les personnes qui ont de la famille en Principauté ou celles qui possèdent un appartement par exemple. Ce n’est pas pour gonfler les rangs. C’était une demande de ces personnes qui venaient à Monaco ponctuellement et qui souhaitaient intégrer notre grande loge.

Vous comprenez les critiques récurrentes sur l’affairisme dans la franc-maçonnerie ?

Il y a toujours eu des membres qui ont voulu utiliser les réseaux maçonniques pour faire des affaires. Cela existe, on ne peut pas le nier.

Y compris à Monaco ?

Que des personnes souhaitent rentrer dans la maçonnerie monégasque pour essayer de faire des affaires, c’est une chose. Mais qu’elles y adhèrent c’est autre chose.

Certains sont passés entre les mailles du filet ?

Oui, mais dès que l’on détecte leurs intentions, on leur signifie que leur place n’est pas chez nous. Si l’un d’entre nous utilise la maçonnerie à des fins affairistes ou politiques, il prend la porte. C’est très clair. Chez nous, pas de politique, pas de religion, pas d’affaires. Sinon, mieux vaut aller dans un club services…

Vous les repérez facilement ?

Dans les grandes loges françaises, comme au Grand Orient, il y a des milliers de frères. C’est évidemment plus difficile à repérer lorsque des personnes ont des intentions peu louables. A Monaco, il y a seulement 8 loges et 250 frères. Dans un pays comme le nôtre, on se connaît tous. On arrive donc toujours à séparer le bon grain de l’ivraie.

En octobre 2014, vous aviez indiqué à Monaco Hebdo qu’un temple ouvrirait ses portes à la fin de l’année 2014 : c’est fait ?

Le temple existe déjà. Il est en train d’être aménagé. C’est un local des domaines situé à la ZAC Saint-Antoine d’environ 600 m2. Il devrait ouvrir fin mai, début juin.

C’est important d’avoir un temple ?

C’est important d’avoir un lieu où les frères puissent se réunir et partager. A l’heure actuelle, nous nous réunissons dans un local situé sous l’Eglise réformée. C’est peu pratique, car c’est une salle de 50 m2 qu’il faut aménager à chaque tenue.

Combien a coûté ce temple ?

Des sommes importantes… Ce sont les frères de la grande loge qui l’ont financé.

Le public pourra y accéder ?

Logiquement, non.

Et la presse ?

Nous montrerons le temple à la presse. Mais on ne sait pas encore si des photos seront autorisées.

Vous avez toujours en projet de faire un musée ?

C’est en effet l’un de nos projets. L’idée serait d’exposer dans un musée les différentes pièces de collection que possèdent les frères : des diplômes, des meubles, des livres anciens, des tableaux ou encore des tabliers de francs-maçons peints par des artistes. A chaque fois que l’on se rend à l’étranger ou que des grands maîtres viennent chez nous, nous recevons des cadeaux. Le musée servirait donc aussi à exposer ces derniers.

Ces pièces ont beaucoup de valeur ?

Ces pièces sont souvent très chères. Il faut donc être sûr de pouvoir assurer ce musée et le protéger.

Ce musée pourrait être ouvert au public ?

Ce n’est pas encore décidé.

On a le sentiment que la maçonnerie a davantage envie de communiquer qu’auparavant ?

Oui, sans doute. C’est peut-être dans l’air du temps. C’est probablement aussi pour montrer que nous n’avons rien à cacher. Tout le monde parle du mystère de la franc-maçonnerie. Le seul moyen pour comprendre ce mystère, c’est de le vivre. Et chacun le vit à sa façon. La maçonnerie est une recherche de la connaissance. Une élévation de soi. Une quête spirituelle.

Vous avez candidaté pour accueillir à Monaco en 2021 une conférence maçonnique internationale qui réunirait toutes les grandes loges ?

Nous n’avons pas encore candidaté. Mais, effectivement, on envisage de le faire. C’est un gros évènement qui réunirait entre 400 et 600 délégués, sans compter les épouses. C’est sur 5 jours. Cela nécessite donc une grosse organisation. Il faut voir ainsi si nous sommes capables de l’organiser et si cela intéresse les autorités monégasques. Si c’est le cas, nous déposerons un dossier dans le courant de cette année ou de l’année prochaine.

Quel est l’objectif de cette conférence internationale ?

Nous réunir, partager, parler des difficultés que l’on rencontre et de la place de la franc-maçonnerie au 21ème siècle. L’idée est aussi de vendre la destination Monaco. Car en dehors du fait que nous sommes francs-maçons, nous sommes aussi Monégasques. Si nous pouvons amener à Monaco une manifestation qui permette de remplir les hôtels, les restaurants et les commerces de la Principauté, autant ne pas s’en priver. D’autant qu’en 2021, toute la place du casino sera réaménagée.

Le 21 mars a eu lieu l’assemblée générale des frères monégasques au Méridien : pourquoi un tel évènement ?

C’est une tradition. Toutes les grandes loges internationales font une réunion annuelle. Ce que nous appelons une « communication annuelle. »

Qui avez-vous invité ?

Une vingtaine de grandes loges étrangères étaient présentes. Soit 250 personnes en tout.

La Grande Loge Nationale Française (GLNF) était présente ?

Oui.

Les relations sont toujours tendues avec la GLNF ?

Aujourd’hui, les rapports sont excellents. Le grand maître, Jean-Pierre Servel, a remis de l’ordre à la GLNF.