vendredi 29 mars 2024
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« J’aime mon imperfection »

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Le chanteur Christophe sera en concert, samedi 18 novembre à l’opéra Garnier, dans le cadre du Monte-Carlo Jazz Festival (1). Il raconte à Monaco Hebdo son amour de la musique et de la création.

Christophe, c’est cet homme de 72 ans, qui a bloqué l’horloge biologique. Cela s’entend dans sa voix, d’abord. Mais surtout, dans la passion qui habite chacun de ses mots. Des mots qu’il ponctue régulièrement de « comment », lorsqu’il veut préciser sa pensée. « Je venais souvent à Menton. Je traînais souvent dans la région, dans les années 80, se souvient-t-il. Mais je n’ai jamais chanté à Monaco. » En fait si. Il rectifie. « J’ai dû chanter, mais pour moi, ça ne compte pas du tout. C’était l’époque de la tournée de Michèle Torr et Hervé Vilard. Et je crois que j’avais chanté dans un parc. » Cela ne lui a pas laissé un souvenir indélébile. Car son truc, ce sont les salles. « Les beaux théâtres, surtout. » Aussi, c’est avec enthousiasme qu’il aborde son concert à l’Opéra Garnier, samedi 18 novembre. Et puis, il se souvient aussi de l’époque où il venait faire des radios, des télés avec RMC et TMC. « Je faisais ma petite télé d’été. C’était trop sympa. Trop, insiste le chanteur des Mots bleus (1974). Ça, ça me manque. »

Synthétiseur

Mais Christophe ne s’attarde jamais beaucoup sur le passé, il pense à sa tournée. « Je n’ai pas l’impression de faire un métier. La chanson, c’est une expression comme un art. Ou peut-être aussi une béquille et une thérapie par rapport à ma vie, ma pensée, une philosophie, retrace-t-il. Mais c’est vrai que je prends de plus en plus de plaisir grâce à toutes ces nouveautés pour travailler. Je me prends plus pour un ingénieur du son que pour un chanteur. » Il est d’ailleurs l’un des premiers à s’emparer des synthétiseurs et des samplers. Christophe s’est lancé avec entrain dans les nouvelles technologies : « J’aime la matière sonore, tout ce qui est digital, analogique, acoustique. Quand j’étais jeune, j’aurais aimé avoir les outils qu’ont les jeunes d’aujourd’hui. » Ces outils lui permettent sans doute de compenser ce que l’on ressent parfois comme un complexe chez lui. Le fait qu’il ne soit pas musicien professionnel.

« Imbuvables »

Venir au Monte-Carlo Jazz festival, c’est un peu un challenge pour Christophe. Pas si simple. « Moi je suis un autodidacte, je suis le contraire d’un instrumentiste. C’est pour ça que venir dans un truc de jazz, avec tous ces musiciens, tout ça… Ce n’est pas forcément ma tasse de thé… Même si j’adore et admire beaucoup les très, très bons, il y a des génies, des phénomènes, précise l’auteur-compositeur-interprète. Mais moi, je suis le contraire des phénomènes. J’aime mon imperfection. J’aime ma faille, c’est un peu mon art. » Il se souvient d’un festival sur la Côte d’Azur où certains musiciens de jazz « des mecs imbuvables », l’avaient regardé avec mépris. « Ce sont des mecs qui détestent la différence. Mais la différence, c’est tellement beau », décrit-il avec émotion. Et d’enfoncer le clou : « Je connais ma dimension et j’emmerde tout le monde, quoi ! »

« Instrumentistes »

D’ailleurs, il estime qu’il n’aurait jamais dû prêter l’oreille aux « instrumentistes » qui ont un peu ralenti son évolution. « Je suis un autodidacte surréaliste. J’ai souvent croisé des musiciens de jazz qui voulaient me donner des conseils… Et franchement, si je ne les avais pas écoutés, Les Vestiges du Chaos (2016), je les aurais fait il y a 20 ans, estime-t-il. De faire des choses comme Succès fou, dans les années 80, ça ne m’a pas dérangé, parce que j’aime bien. Je suis un mec des mélodies, du gimmick. Mais j’aurais pu tout de suite débarquer dans les années 80-85 dans quelque chose de beaucoup plus expérimental. »

« Peinture sonore »

Artiste complet, Christophe peint aussi. D’ailleurs, il rapproche sa création musicale de sa création picturale. Il élabore sa musique dans un atelier de peinture sonore, où chaque couleur évoque un son. Pour lui, un trait noir est un son « qui dégage quelque chose de très puissant. » Depuis tout jeune, il a été touché par « la résonnance du son ». Des artistes aux voix si reconnaissables l’inspiraient tout particulièrement, comme Elvis Presley (1935-1977), ou Little Richard. Mais il ne voulait pas chanter à l’époque, parce qu’il excluait le français. Et puis, en anglais, « j’étais obligé de chanter en yaourt, en Yop, donc c’était compliqué ! » Il avait alors 15 ans. Ce n’est que plus tard qu’il a décidé de poser sa voix : « J’avais fait une robe sonore qui m’inspirait et qui me donnait envie de mélanger ma voix avec elle. »

« Basta »

Christophe ne fait rien à la légère. Pour son dernier album Les Vestiges du Chaos, c’est un long et minutieux travail qu’il a entrepris il y a près de 8 ans, réécrivant encore et encore chacun de ses textes. La durée de cette gestation n’est pas uniquement due à son perfectionnisme. Enfin si, mais c’est aussi un peu à cause de l’incompréhension des autres. « Il faudrait l’écrire ça, c’est trop court pour raconter ça dans une interview comme ça. C’est un moment de vie, débute-t-il, hésitant. Je ne suis pas dans les moments de formatage, dans les moments des chanteurs de showbiz. Moi je suis complètement dans ma bulle. »

Les explications de Christophe fonctionnent souvent en digressions. On apprend qu’il a composé Les Mots fous (2016) à bord de son voilier, équipé d’un studio qu’il retrouve chaque été à Port Grimaud, dans le Var. Il a aussi beaucoup créé au Liban et il a enregistré dans son studio parisien : « En fait, cet album a été long. Pas par rapport à moi, mais parce qu’à un moment, les gens avec lesquels je travaillais, les musiciens,… cela ne fonctionnait plus. Il y a eu un moment d’inspiration, de respiration, de vie. Et j’ai tout largué, j’ai dit “basta” à tout le monde. » Christophe dit non à son label, laissant « la passion l’emporter sur la connerie de tout ce qui est business ».

Artistes

Il n’a pourtant pas abandonné son projet. « J’avais envie de créer. Ça m’a permis de retravailler sur ma matière sonore, et de revenir avec une chanson qui s’appelle Lou [hommage à Lou Reed — N.D.L.R.], que j’ai complètement créée en deux heures, la nuit, comme ça. J’ai tout essayé, et j’ai trouvé qu’elle était grandiose. » Le reste a coulé de source. Il a reçu un petit coup de main de Jean-Michel Jarre sur le titre phare de l’album, Vestiges du Chaos. Il sait s’entourer d’artistes brillants. « Au départ, je sais ce que je veux. Je crée avec la mélodie, les gimmicks, tout ça. Ensuite, j’ai besoin de Christophe Van Huffel [son guitariste — N.D.L.R.] avec qui je travaille depuis 2001, pour avancer sur les guitares et sur les idées qu’il peut avoir, explique Christophe. Ensuite, quand j’ai des idées, quand j’ai envie d’avoir des cordes, un instrument comme un “sax”, un accordéon, un harmonium, un synthétiseur que je ne peux pas gérer, je fais appel à des gens. J’ai toujours du plaisir à travailler avec eux. »

Nouvel album

Un travail en équipe que l’on retrouve dans un album de duos prévu pour le mois de mars 2018. À ses côtés, on croisera Julien Doré, Juliette Armanet, probablement Nick Cave et peut-être Gérard Depardieu, Laurent Garnier, Sébastien Tellier, le groupe belge Vive la Fête, Laëtitia Casta… « Ce sont des chansons anciennes, comme Aline (1965), les Mots Bleus, Les Paradis perdus (1973). » Et puis, plus tard, « pas pour tout de suite », un autre album sur lequel Christophe travaille comme le ferait un peintre. Quelque chose de plus expérimental. À son image.

 

 

1) Christophe en concert à l’opéra Garnier, le samedi 18 novembre 2017, à 20h30 (ouverture des portes à 20 heures). Tarif : à partir de 80 euros (places assises, places numérotées).

 

Monte-Carlo Jazz Festival 2017 : la prog’

Le Monte-Carlo Jazz Festival se déroule du 16 novembre au 2 décembre 2017.

 

Jeudi 16 novembre à 20h30 :

Marcus Miller/Cory Henry & the Funk Apostles/80 euros.

 

Vendredi 17 novembre à 20h30 :

Stacey Kent & l’Orchestre philarmonique de Monte-Carlo/Laurent Coulondre/80 euros.

Renseignements et réservations au 98 06 36 36 ou sur digitick.com, ticketmaster.fr ou fnac.com.