samedi 20 avril 2024
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Journée mondiale contre le sida – Princesse Stéphanie : « La discrimination me révolte »

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La princesse Stéphanie
© Photo F. Nebinger/Wire Images

A l’occasion de la journée mondiale contre le Sida, le 1er décembre 2011, la princesse Stéphanie a tenu une conférence de presse dans les locaux de Fight Aids Monaco (FAM). Un point-presse convivial, en présence d’affiliés et de bénévoles de l’association. Discriminations dont sont victimes les séropositifs, prévention des jeunes… La princesse a répondu aux médias locaux avec Hervé Aeschbach, coordinateur de FAM et Muriel, qui a porté le projet Courtepointes à Monaco.

Monaco Hebdo : Le 28 novembre, de grandes toiles ont été déployées sur le parvis du stade Louis II en hommage aux personnes disparues à cause du Sida. Comment est venue l’idée de cette opération Courtepointe à Monaco ?
Muriel : Les courtepointes sont nées en 1987. A l’époque, de nombreuses personnes mortes du Sida n’avaient ni service commémoratif, ni sépulture. Cleve Jones, militant dans la lutte contre le Sida à San Francisco, a créé la Fondation Names Project Aids Memorial Quilt (Courtepointe commémorative du Sida), car cette réalisation permettait de célébrer la mémoire des personnes disparues. C’est lors d’un lors d’un atelier de la Fondation à Vienne que j’ai découvert le concept. Avec l’objectif de réaliser une courtepointe de 1,90 m, soit la taille d’une fosse humaine. Aujourd’hui encore, les maisons funéraires refusent de gérer les dépouilles des personnes séropositives. En septembre, on a vécu l’expérience avec des affiliés de Monaco. Cette année, on a eu malheureusement cinq décès en une semaine.

M.H. : Cette discrimination est courante ?
Hervé Aeschbach : C’est une réalité. En septembre, une personne décédée a été refusée par un funérarium à Cannes*. Aujourd’hui, j’ai même appris qu’une personne hospitalisée pour une opération a été refusée par la maison de repos sollicitée par l’assistante sociale. Voici la réalité des discriminations du fait du VIH.
Princesse Stéphanie?: Cela ne devrait pas être permis.

M.H. : Vous avez eu connaissance de tels problèmes à Monaco ?
P.S. : Heureusement, à Monaco, il n’y a jamais eu de tels cas. Mais ce qui est grave, c’est qu’en France, cette situation discriminatoire est établie par un décret national. C’est le ministère de la Santé et les politiques qui imposent cela. On a beau crier à la discrimination, rien ne change. Cette intolérance me révolte. Quand Hervé m’a raconté cette histoire, j’avais envie d’aller au funérarium et de leur dire ce que je pensais… Déjà de leur vivant, les personnes vivant avec le VIH connaissent des atteintes à leur dignité et leur intégrité. Et même au-delà de la mort, on les traite de façon inhumaine. C’est complètement contradictoire avec le travail que nous essayons de faire au quotidien?: nous essayons de protéger un maximum de personnes et de pousser les gens à se faire dépister. Mais pourquoi voudraient-ils savoir qu’ils portent le VIH si c’est pour avoir cette vie-là??
Muriel?: Déjà la dégradation physique de la personne décédée est très dure, mais voir un mort avec les yeux et la bouche ouverts, c’est un choc pour les familles. J’ai dû exiger de rouvrir le cercueil de mon mari qui avait été fermé à l’Archet. Et j’ai alors dû affronter des regards dégoûtés…

M.H. : Cette année, la journée mondiale contre le Sida associe de nombreux partenaires. Preuve que les mentalités ont changé à Monaco ?
P.S. : Il faut dire que nous avons fait nos preuves et aujourd’hui, à force de parler du Sida à Monaco, les gens nous font confiance. C’est difficile à dire mais, dans la mentalité des gens, il faut que cela devienne cool et « à la mode » de parler du sida pour que les gens s’associent à nous. D’où le slogan de la campagne pour les jeunes « sans capote t’es pas au top ». Pour l’instant, nous sommes à la mode, il faut en profiter tant que c’est le cas. Car les modes changent rapidement. Une fois que les choses seront installées, on espère voir perdurer cet engagement pour aider la prévention.

M.H. : Pour diffuser ce message de prévention auprès des jeunes, il faut distribuer des préservatifs via les infirmières scolaires dans les lycées par exemple ?
P.S. : C’est déjà le cas. Mais parfois cela pose problème. C’est notre métier de parler aux adolescents et de distribuer des préservatifs. Mais nous recevons parfois des coups de fils ou des lettres de parents outrés nous disant que nous incitons leurs enfants à avoir des rapports sexuels. Je ne crois pas que les jeunes nous ont attendus pour faire ça (rires). Nous sommes là pour protéger les enfants comme devraient le faire tous les parents mais là c’est un autre débat. Il faut éduquer les jeunes à avoir ce réflexe car il n’existe que le préservatif comme véritable protection.

M.H. : Comment avez-vous parlé du sida à vos enfants ?
P.S. : J’en ai toujours parlé de manière tout à fait normale. Sans rentrer dans leur intimité non plus car ils doivent conserver leur jardin secret. A chaque âge différent de l’enfant, il y a une étape et un discours différent. Il faut trouver les mots adaptés au jeune enfant, à l’adolescent et au jeune adulte. Mais en tout cas, il faut commencer tôt. Parler de ces questions au jeune une fois qu’il est au lycée, c’est trop tard.
H.A.?: L’important est de provoquer le débat. Quand on présente un préservatif féminin ou masculin, le jeune pose des questions. Qu’est-ce que c’est?? A quoi ça sert?? Ce n’est pas pour autant qu’on va rentrer dans les détails. L’important c’est qu’il puisse avoir une réponse aux questions qu’il se pose.

M.H. : En tant qu’ambassadrice de l’Onusida, avez-vous un déplacement de prévu cette année ?
P.S. : Cette année, c’est un peu difficile vu la conjoncture. Ces déplacements représentent de gros budgets pour l’association. Ce n’est pas l’Onusida qui prend en charge ces voyages. Pour l’instant, on va à l’économie pour subvenir aux besoins de nos affiliés et de la maison de vie. Pour le volet international, on verra après, quand nous serons sortis de la crise et que nous pourrons avoir des aides de la coopération internationale du gouvernement. Nous continuons bien entendu à aider les gens avec qui nous avons un partenariat en Afrique. Mais faire le voyage, pour l’instant c’est du superflu.

M.H. : Le pape devrait venir à Monaco en 2012. Vous auriez un message à lui faire passer par rapport à l’utilisation du préservatif ?
H.A. : Il y a déjà une avancée. Le pape semble progresser sur l’ouverture et l’acceptation de l’utilisation du préservatif pour les personnes vivant avec le VIH.
P.S. : Je ne veux pas rentrer dans ce débat-là… Nous entretenons de très bons rapports avec le clergé. Dans le cadre du centenaire de la cathédrale, un concert est donné au profit de Fight Aids. Nous avons un projet avec une paroisse monégasque pour l’an prochain. A Monaco, les membres du clergé sont très ouverts. Heureusement. Quand une âme monte, pour eux, peu importe quelle maladie l’a emporté.

*L’arrêté du ministère de la santé du 20 juillet 1998 fixe dans son article 2 les maladies contagieuses qui interdisent des soins funéraires pour conserver les corps. Intégrant l’infection au virus du sida dans cette liste, au même titre que la rage.

Courtepointe Fight-Aids
© Photo Charly Gallo / Centre de Presse.

Sida : 30 ans déjà

C’est un anniversaire dont l’Humanité se serait bien passé. L’épidémie du sida a trente ans.

Par Carine Julia.

Le fléau sévit depuis trente ans maintenant, sans qu’un vaccin soit trouvé. Malgré les décennies qui passent depuis la découverte du virus, dans la rue, les idées reçues ont la dent dure. Que sait-on du Sida en ce triste anniversaire ?
L’émergence en elle-même du virus de l’immunodéficience humaine (VIH*) n’est pas déterminée, elle daterait du début du XXème siècle. La théorie de l’origine du VIH, généralement admise par la communauté scientifique, parle d’une mutation du virus de l’immunodéficience simiesque. La contamination viendrait d’une morsure ou de la consommation de la viande de singe pas assez cuite. Le premier échantillon séropositif* au VIH date de 1959, au milieu de centaines de prélèvements dans le cadre d’un dépistage de la malaria en Afrique. Il a été découvert bien longtemps après, en 1985, quand la prise de conscience du problème sanitaire que représente le sida* a nécessité des recherches.

Epidémie galopante

Fin des années 1970, cinq cas de maladies similaires sont relevés par les médecins de New York, Los Angeles et San Francisco, ils éveillent l’attention du Centre de contrôle des maladies américain. Il s’agit surtout du sarcome de Kaposi, une forme de cancer s’attaquant aux leucocytes, les défenses de l’organisme. Le 5 juin 1981, la fréquence de plus en plus élevée des cas devient un problème sanitaire, c’est le début officiel de l’épidémie du Sida. Les régions d’Haïti et d’Afrique, déjà touchées, et le premier cas chinois donnent une dimension mondiale au mal. A partir de là, les recherches commencent. A l’origine de l’épidémie, il n’était pas évident qu’elle était due à un virus. Il faut attendre 1983 pour l’isoler, 1984 pour pouvoir le dépister.
Depuis, plus de 25 millions de personnes sont mortes du sida, la population atteinte par le VIH grossissant d’année en année. En 2002, c’est devenu une pandémie mondiale. Les estimations de l’Onusida chiffrent à 34 millions les personnes vivant avec le VIH (le sachant ou non) en 2010. En France, le site sidaweb.com parle de 46 cas en 1982. En 2010,150?000 personnes seraient atteintes. Alors qu’à Monaco, le centre hospitalier Princesse Grace (CHPG) suit 450 personnes.

Message d’espoir

Malgré cette explosion des statistiques, le dernier rapport de l’Onusida, sorti le 21 novembre, comporte un message d’espoir. « Selon l’OMS, si 80 % des personnes vivant avec le VIH étaient suivies, on arriverait à endiguer l’épidémie. Aujourd’hui seulement la moitié des personnes vivant avec le VIH sont sous traitement. Et grâce à cela, on a réduit, en 15 ans, de 21 % le nombre de nouvelles infections par an dans le monde entier. Et sur 6 ans, cela représente 21 % de décès en moins », alerte le coordinateur de Fight Aids Monaco, Hervé Aeschbach. Dommage que le lendemain, on ait appris que les pays riches tels que la Communauté européenne et les Etats-Unis ne tiendront pas leurs engagements financiers vis-à-vis du Fonds mondial. Cette coupe brutale « empêche le lancement d’une campagne qui devait prendre en charge 500 000 personnes dans les pays pauvres », soupire Hervé Aeschbach. « Des millions sont dépensés pour des épidémies moins graves. Mais pour le Sida on ne fait rien. C’est la maladie que l’on traite en dernier », se révolte la princesse Stéphanie. Avant d’appeler à la mobilisation : « Tout le monde doit faire quelque chose à son niveau. Il faut se battre ».

Idées reçues

Se battre, c’est aussi lutter contre les idées reçues. Depuis des années, les modes de transmission du VIH ont été mis en évidence : relation sexuelle non protégée, échange sanguin précis — partage de matériel d’injection, piqûre accidentelle, transfusion avant 1985 — et transmission de la mère à l’enfant pendant la grossesse et l’allaitement. En clair, il faut que le sang ou les sécrétions sexuelles infectés entrent en contact avec le sang ou les muqueuses pour contaminer. Les autres fluides (salive, urine, sécrétion nasale, etc.), eux, ne contenant pas le VIH. Pourtant la peur de la maladie a fait dire nombre de contre-vérités qui restent encore dans l’inconscient collectif, notamment sur l’impact des piqûres de moustique. Ou sur le rôle de l’orientation sexuelle. Il n’y a pourtant qu’à regarder les chiffres du CHPG pour que les clichés tombent. Sur les 34 personnes séropositives monégasques ou résidents monégasques, soit 21 hommes et 13 femmes (âge moyen 47 ans), l’on compte 9 personnes contaminées par voies intraveineuses (toxicomanes), 13 par voies homosexuelles et 12 par voies hétérosexuelles…
33 d’entre-eux sont placés sous trithérapies. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Car une dernière vérité doit être soulignée : selon le conseil national du sida, en France, 40 000 personnes ignoraient leur séropositivité au VIH en 2010.

Objectif Zéro
Cette année, Fight Aids Monaco multiplie les opérations de prévention et de communication lors de la Journée mondiale de lutte contre le sida. D’abord avec « Objectif Zéro », la déclinaison de la campagne de l’Onusida?: placées dans les lieux publics, les affiches reprennent les slogans Zéro nouvelle infection, Zéro discrimination, Zéro décès lié au sida. Autre nouveauté : l’initiative « Restaurants solidaires de Monaco ». Impulsée par la galerie SEM-ART, l’idée a été acceptée par 42 restaurants. A savoir diffuser des messages de prévention au choix : à l’aide de sets de table reprenant une courtepointe, d’un préservatif offert au moment du café (Café Coquin) ou d’un don à l’association.
Mais la plus grosse opération, en dehors de la vente aux enchères (le 1er décembre à partir de 19h30 au Méridien), c’est évidemment l’opération Courtepointe. Chaque courtepointe comprend huit toiles peintes et brodées, cousues entre elles, et porte le nom d’une personne disparue. Ces trois patchworks de 16 m2, qui ont nécessité plus de 380 heures de travail, ont été réalisées par 25 personnes de Fight Aids, la plupart vivant avec le VIH, en mémoire de proches. « La courtepointe fournit un moyen positif d’expression pour ceux dont les vies ont été touchées par l’épidémie, elle illustre l’impact de l’épidémie du sida en montrant l’humanité derrière les statistiques, elle encourage le soutien aux personnes vivant avec le VIH et leurs proches, elle est un soutien pour l’éducation préventive », a expliqué Muriel lors du déploiement des courtepointes, le 28 novembre, sur le parvis du stade. Ces toiles seront exposées dans les lycées monégasques le 1er décembre.
Lexique
VIH : virus de l’immunodéficience humaine, il détruit progressivement certaines défenses de l’organisme humain. Le VIH ne touche que les êtres humains, même s’il existe un équivalent simiesque (VIS) et félin (VIF), il n’y a pas de contamination inter-espèce.
Séropositivité : ce terme s’applique à toutes les personnes contaminées par un virus, le VIH comme celui de la grippe. Peu à peu et à tort, il est devenu pour la population l’une des façons de désigner une personne touchée par le VIH.
Sida : Syndrome de l’immunodéficience acquise. Les effets du VIH affaiblissent le système immunitaire. Avec le temps, d’autres maladies interviennent plus facilement, car elles sont moins combattues par les défenses de l’organisme. Quand une personne séropositive au VIH est touchée par plusieurs maladies, dites opportunes parce qu’elles profitent de la faiblesse, on dit qu’elle a le Sida.
Alerte epidemiologique
Dans la région PACA, le Centre régional d’information et de prévention du sida (CRIPS) a tiré la sonnette d’alarme. Alors que l’épidémie de sida semble se stabiliser en France, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) connaît une hausse des découvertes de séropositivité entre 2008 et 2009, augmentation qui se confirme et s’accentue sur les 6 premiers mois de 2010.