Le gouvernement français a institué début octobre la première journée nationale des aidants familiaux. S’ils sont plus de 3 millions en France à assister un proche, le statut et les moyens octroyés font débat. Explications avec Thierry Calvat, délégué général de la fondation Novartis qui vient de mener une grande enquête sur ces bénévoles de l’ombre (1).
Monaco Hebdo?: On compterait entre 3,3 et 3,7 millions d’aidants familiaux en France. Ces proches de malades ont-ils globalement les mêmes profils et champs d’action??
Thierry Calvat?: Non, et c’est d’ailleurs l’un des grands enseignements de notre étude. Avec le développement des maladies chroniques et des hospitalisations à domicile, les profils et rôles des aidants sont de plus en plus diversifiés. 60 % sont des femmes, mais la part d’hommes progresse. Et celle des jeunes aussi?: ils représentent 5 %. 18 % ne sont pas issus de la famille mais de cercles d’amis ou du voisinage. De même, les missions sont plus variées?: il s’agit de soutien moral et de surveillance au quotidien, mais aussi, dans plus de 60 % des cas, d’aide aux activités domestiques et à la gestion administrative et financière.
M.H.?: Pourtant 3 aidants sur 4 se sentent insuffisamment reconnus et accompagnés. Comment l’expliquez-vous??
T.C.?: C’est tout le paradoxe. Quand on leur demande s’ils ont l’impression de faire face à la situation, 90 % répondent oui. Mais ils le font souvent au prix de sacrifices importants, avec parfois des risques réels de marginalisation sociale et d’isolement. 70 % disent qu’ils souffrent d’une perte de lien social, 64 % aimeraient des horaires de travail aménagés… L’impact se joue même au niveau des finances et de la vie intime.
M.H.?: Cela plaide-t-il selon vous en faveur de la création d’un statut d’aidant, comme le réclament certaines associations??
T.C.?: Je ne suis pas sûr qu’un tel statut résoudrait les problèmes à court ou moyen terme. D’ailleurs, lors des récentes assises de « proximologie » que l’on a organisées, une partie des aidants s’est déclarée ouvertement hostile à cette idée. Ils craignaient de se trouver pris dans un carcan d’injonctions et d’obligations. Or, les enjeux et les difficultés sont très variables d’un cas à l’autre. A titre d’exemple, 25 % de nos sondés disent bien s’en sortir dans leur rôle d’aidant sans évoquer d’impacts négatifs. A l’inverse, 30 % mentionnent plus de 5 critères négatifs et réclament une vraie assistance. Il me paraît plus judicieux de mettre en place des mesures adaptées d’aménagements d’horaires ou de formations. Elles permettront aux aidants de mieux définir leur propre rôle et de mieux cerner les attentes des professionnels de santé à leur égard. Il sera alors temps de parler de statut.
M.H.?: Vous parlez d’aménagement d’horaires de travail. Certaines associations réclament un congé spécifique pour les aidants…
T.C.?: L’enjeu en tout cas est bien réel. Un actif sur douze est un aidant aujourd’hui. Ce sera le cas d’un sur six d’ici quinze ans?! Certes, ces personnes sont souvent sous pression, mais ce sont aussi parmi celles qui montrent le plus d’attachement à leur travail. Les attentes se situent plus au niveau d’une garantie de flexibilité des horaires que de l’instauration d’un congés. Différentes entreprises à l’étranger ont mis en place des aménagements d’horaires pour aidants – et cela fonctionne… n