jeudi 25 avril 2024
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Panique dans l’armoire à pharmacie des petits??

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Sirop pour enfant
© Photo D.R.

Le retrait du marché, à quelques semaines d’intervalle, de l’anti-nauséeux Primpéran et des suppositoires à base de terpène contre la bronchite sème le doute sur les trousses de médicaments pour enfants. Plusieurs cas d’atteintes neurologiques alertent. Certains regrettent une décision précipitée. Eclairages…

Pendant des décennies, il a été l’allié fidèle des mamans pour soulager vomissements et nausées des petits, aider à dormir parfois, combattre des reflux têtus… Une cuillère à café par ici, une cuillère à soupe par là. Depuis le 9 février, le Primpéran (ainsi que les deux variantes réservées à l’enfant) est officiellement interdit d’utilisation chez les mineurs par l’AFSSAPS- l’Autorité française de surveillance des médicaments. Les particuliers doivent même rapporter boîtes ou flacons non utilisés ou entamés. En cause?? Un risque d’augmentation de « symptômes neurologiques ». Le sirop vedette commercialisé depuis les années soixante aurait généré certains cas de crises soudaines — et spectaculaires — entraînant perte de contrôle de la langue, des jambes ou du cou, des tremblements voire même des convulsions… Ambiance?!

Surdosage
Le problème serait en fait moins lié au médicament lui-même qu’à son utilisation. Le fameux Primpéran contient en effet un neuroleptique dilué qui agit sur les symptômes des crises de nausée mais qui, au fil des années, a été employé aussi bien contre les reflux gastriques que comme somnifère pour les petits. Avec en prime un surdosage d’autant plus fréquent que la formulation s’est déclinée en suppositoires ou comprimés. En 2007 déjà, l’Autorité de contrôle française avait tiré l’alarme et réclamé une formulation plus claire?: avec des flacons spécifiques pour les enfants de moins ou plus de 15 kg, ainsi que l’intégration de pipettes permettant un dosage plus sécurisé. En vain…
La décision de retrait est d’autant plus alarmante que, dans le même temps, plusieurs suppositoires utilisés contre les bronchites des petits (Bronchorectine et Coquelusedal) faisaient également l’objet de retraits du marché en France. En cause?? Là encore des risques d’atteintes neurologiques…

Manque d’information
Faut-il pour autant crier panique face à l’armoire à pharmacie?? Il y a quelques jours, l’ancien journaliste du Monde et médecin Jean-Yves Nau (1) publiait une tribune, s’interrogant sur les conditions du retrait. « L’AFSSAPS a retiré ce produit, jugé anodin depuis longtemps, sans vraiment fournir d’études ou de chiffres détaillant les dangers réels, explique-t-il. Un retrait aussi précipité et peu explicité pourrait susciter un vent de panique chez les parents quelques mois seulement après le scandale du Mediator, alors qu’il n’y a rien de commun entre les deux dossiers?! Le manque d’information et d’accompagnement est préjudiciable pour les patients comme pour les praticiens qui prescrivent depuis des années le produit et se retrouvent d’un coup en porte-à-faux ».
L’inquiétude est d’ailleurs largement relayée par les professionnels de pédiatrie, obligés de se rabattre sur des traitements de substitution, eux aussi neuroleptiques et dont certains ont fait récemment l’objet d’alertes sur des patients âgés (pour le Motilium). Pas simple…

«?Des cas de convulsions dans la région?»

L’avis du Docteur Anne Spreux, responsable adjointe du Centre régional de pharmacovigilence de Nice qui couvre les départements du Var, des Hautes-Alpes et des Alpes-Maritimes.

Monaco Hebdo?: Quels types d’effets secondaires liés à l’utilisation du Primpéran a-t-on pu observer dans la région??
Anne Spreux?: Il est difficile d’avoir une vue d’ensemble car, sur ce type d’incidents liés à des traitements courants, de nombreux cas ne sont pas notifiés par les médecins. Néanmoins, on trouve des dossiers d’hospitalisations tout au long de ces trente dernières années rien que pour la ville de Nice. Ils concernent principalement des enfants autour de 5 et 12 ans, mais on a eu des cas chez des nourrissons comme chez des patients de 18 ans. Les symptômes sont tous d’ordre neurologiques. Ils se manifestent aux premiers stades sous forme de spasmes ou de mouvements anormaux qui peuvent se transformer en hypertonies généralisées. Un muscle est alors pris d’un excès de tonus et devient incontrôlable?: cela peut entraîner des grimaces soudaines, des mouvements brusques des yeux, des torticolis bloquants, des contractions au niveau des jambes pouvant empêcher tout déplacement. Dans les cas les plus graves, on note des crises d’hallucinations ou de convulsions.

M.H.?: Ces cas sont-ils liés à des surdosages du produit??
A.S.?: Essentiellement mais pas uniquement. Certaines crises se sont déclenchées après une prise à dose normale, ce qui montre qu’il peut exister une susceptibilité particulière chez certains. Même si l’on n’en connaît pas les caractéristiques.

M.H.?: Les crises sont souvent spectaculaires. Peuvent-elles entraîner des séquelles??
A.S.?: Clairement, non. Les symptômes s’arrêtent vite après l’arrêt du traitement. Les hypertonies et convulsions entraînent une souffrance neuronale réelle, mais nous disposons de suffisamment de neurones pour compenser sans risque. Il faudrait beaucoup de crises pour affecter durablement le système nerveux.

M.H.?: Quels conseils peut-on donner aux parents qui ont largement utilisé ce traitement??
A.S.?: Que tout médicament comporte une balance de bénéfices et de risques et que cet équilibre fait l’objet de surveillance suivie par nos réseaux. Les cas dont on parle sont impressionnants, mais ils restent très rares au regard de la population qui a consommé le produit. Peut-être qu’une telle affaire montre que l’on pourrait mieux éduquer les parents à l’apparition et la gestion de symptômes chez les petits.