Le centre hospitalier princesse Grace a organisé mercredi 30  octobre 2019 une visite de chantier du nouvel hôpital

à une cinquantaine d’architectes, ingénieurs et managers hospitaliers internationaux, présents à l’occasion du congrès francophone des Journées de l’architecture en santé, qui se tenait à Menton. L’occasion pour Benoîte de Sevelinges, directrice du CHPG, et Jean-Luc Nguyen, directeur des travaux publics, de faire le point sur l’avancement de ce chantier faramineux.

C’est un chantier absolument titanesque qu’ont eu l’occasion de découvrir, mercredi 30 octobre, les participants au congrès francophone des Journées de l’architecture en santé. Après une présentation générale du projet, orchestrée par la directrice du centre hospitalier princesse Grace (CHPG), Benoîte de Sevelinges et le directeur des travaux publics, Jean-Luc Nguyen, les visiteurs ont enfilé bottes, casque de chantier et gilet jaune pour un tour du propriétaire avec les architectes du projet. Ils ont ainsi pu mesurer l’ampleur et l’avancement des travaux du nouvel hôpital.

Un projet ambitieux, mais complexe

Avec un budget aujourd’hui estimé à 800 millions d’euros, le nouveau CHPG est le deuxième chantier de la principauté après celui de l’extension en mer. Jean-Luc Nguyen, qui a avoué que ce projet était « très objectivement l’un des plus complexes de notre portefeuille d’activités », a rappelé la nécessité de rénover un hôpital en fonctionnement sur le site actuel depuis 1902 : « La question de sa modernisation s’est posée à de multiples reprises. Et en 2011, les hautes autorités de la principauté ont décidé de reconstruire un nouvel hôpital à côté de l’existant, en maintenant l’actuel hôpital en fonctionnement. Cette décision est assez structurante sur l’organisation même du projet ». La reconstruction sur site a en effet été décidée faute d’emprise foncière en principauté. Problème : une telle reconstruction est particulièrement complexe et réclame des aménagements dans un environnement ultra-urbanisé et restreint comme l’a confié Benoîte de Sevelinges : « Les conséquences de ce choix étaient connues dès le départ, avant même qu’on lance le concours. Le phasage est inévitable, ce qui allonge la durée du projet et engendre des difficultés ». Les architectes ont notamment dû faire face à de nombreux « aléas géotechniques », qui ont engendré des surcoûts et des retards (voir par ailleurs). Devant le parterre d’architectes, ingénieurs et managers hospitaliers internationaux, le directeur des chantiers publics et la directrice du CHPG ont évoqué l’ampleur du chantier. « Le programme est d’environ 400 lits. Le projet initial comportait trois ailes. Mais il a été décidé en 2016 de rajouter une quatrième aile pour finir la construction », a expliqué Jean-Luc Nguyen, avant de préciser : « Le dimensionnement du nouvel hôpital a été conçu pour traiter les besoins de la population de la principauté mais aussi des territoires voisins », soit un bassin d’environ 125 000 personnes, entre Villefranche-sur-Mer et la frontière italienne.

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«  À aucun moment, on ne peut fermer un service

Il faut assurer une continuité totale de l’ensemble des activités  »

Benoîte de Sevelinges. Directrice du CHPG

Assurer la continuité des soins

Autre complexité de ce chantier, le CPHG étant « le seul établissement de santé public de la principauté » comme l’a justement rappelé sa directrice Benoîte de Sevelinges, cette structure publique ne peut se permettre de fermer des services pendant la durée du chantier. « À aucun moment, on ne peut fermer un service. Il faut assurer une continuité totale de l’ensemble des activités. Alors que très souvent, quand on fait des reconstructions sur site, on arrive à se passer pendant un moment d’un service de consultation ou autre. Ce n’est pas notre cas », a regretté la directrice du CHPG. Pour faire face à cette contrainte et être en mesure de répondre à une éventuelle crise sanitaire en principauté, Benoîte de Sevelinges a dévoilé le dispositif mis en place : « 20 % de nos chambres sont doublables, ce qui était prévu au programme et qui devient finalement d’une grande aide, puisque cela va permettre de faciliter le phasage. À terme, 100 % des chambres seront des chambres individuelles mais pendant le phasage, on va utiliser les chambres doublables pour gagner des locaux ». Car le chantier situé en face de l’hôpital actuel sera amené très prochainement à « se rapprocher de nous jusqu’à nous envahir complètement », a souligné Benoîte de Sevelinges. Par ailleurs, les opérations de déménagements et de réinstallations s’annoncent complexes selon les dires du directeur des travaux publics. « On a affiné en 2018 la séquence des opérations tiroirs car le projet a une séquence de déménagements, de réinstallations dans les nouveaux locaux qui est relativement complexe ». Des mesures vont donc être prises pour faciliter ces opérations sans impacter le bon fonctionnement des services. « Nous avons identifié des travaux à faire, y compris sur l’existant pour permettre ces déménagements successifs », a annoncé Jean-Luc Nguyen.

Des enjeux environnementaux

Autre volet sur lequel ont insisté Benoîte de Sevelinges et Jean-Luc Nguyen : le respect de l’environnement. À ce sujet, le directeur des travaux publics a rappelé les engagements de la principauté de « diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre en 2030 et d’aller vers la neutralité carbone en 2050 », avant d’indiquer que le projet du nouvel hôpital s’inscrivait dans cette démarche. « L’hôpital, à son niveau, contribue à respecter ces objectifs. Le projet fait l’objet d’une certification environnementale. Un audit réalisé récemment a confirmé que les ambitions de la phase étude étaient respectées », s’est réjoui Jean-Luc Nguyen. De son côté, Benoîte de Sevelinges a souhaité évoquer la « politique de transition énergétique très importante » en principauté, qui s’articule autour de trois thèmes : les déchets, l’énergie et la mobilité. Concernant ce dernier thème, si des navettes ont d’ores et déjà été mises en place entre la gare, des parkings de la ville et l’hôpital pour les employés du CHPG, Benoîte de Sevelinges a annoncé travailler avec « la compagnie des autobus pour avoir davantage de rotations aux heures qui nous sont utiles, que ce soit pour le personnel de l’hôpital ou pour les patients ». Toujours concernant la mobilité, l’hôpital, qui dispose d’une station de vélos électriques devant son entrée, devrait prochainement accueillir une deuxième station dans son antre. Enfin, des fauteuils roulants et voiturettes électriques sont également mis à disposition par le CHPG pour permettre à ceux qui ont du mal à se déplacer de venir malgré tout en transports en commun. Du point de vue énergétique, le directeur des travaux publics, Jean-Luc Nguyen, a annoncé que le nouvel hôpital utiliserait l’énergie thermique marine : « À Monaco, il y a une longue tradition d’utiliser l’énergie thermique marine pour rafraîchir et chauffer les immeubles, par un système d’échange thermique avec des pompes à chaleur. Nous avons déjà 65 pompes à chaleur qui fonctionnent à Monaco, un réseau public qui existe aujourd’hui à Fontvieille, deux réseaux publics sont en cours de réalisation et il a été décidé de remonter le réseau de thermique à eau de mer jusqu’à l’hôpital. Cette décision est assez structurante parce qu’il y a un peu de dénivelé mais elle permet à l’hôpital, en s’équipant de pompes à chaleur, de profiter de cette énergie décarbonée pour son chauffage et sa climatisation ». Enfin, du côté des déchets aussi, on joue la carte verte en misant sur une collecte pneumatique : « Il y a des sujets assez structurants dans le fonctionnement de l’hôpital, comme la collecte des déchets par une collecte pneumatique vers le centre de traitement à l’extérieur de l’hôpital. Au sein de l’hôpital, il y a aussi une réflexion pour que les déchets soient collectés de façon pneumatique », a prévenu Jean-Luc Nguyen.

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Si les deux premières ailes, d’une hauteur de dix étages, devraient, en principe, être livrées fin 2024,

la mise en service globale du nouvel hôpital est, elle, prévue pour 2032

Lutter contre les nuisances

Les nuisances générées par les travaux en principauté ont été au cœur des débats, parfois houleux, des séances publiques du mois d’octobre dédiées à l’examen du budget rectificatif de l’État. Si le Conseil national a largement pointé les insuffisances du gouvernement en matière de gestion des chantiers publics, les élus de la représentation nationale se sont élevés contre le bruit des travaux, qui impacte la qualité de vie des Monégasques. Une attention toute particulière a donc été portée sur le chantier du nouveau CHPG. Si l’hôpital a changé les filtres de l’ensemble des centrales de traitement d’air pour lutter contre les poussières générées par le chantier, Benoîte de Sevelinges a présenté au cours de la visite les mesures prises pour limiter au maximum les nuisances sonores : « La première chose qui a été décidée est de protéger l’existant du bruit et des poussières. Un écran acoustique complet a été créé ». Des doubles vitrages sur l’ensemble des façades exposées au chantier ont également été installés. Enfin, selon Jérôme Bataille, un des architectes du projet (AIA Life designers), des contrôles réguliers avec prises de sons sont effectués : « On est sur un chantier exemplaire d’un point de vue environnemental. Et la nuisance bruit fait partie de ces contraintes. On est sous surveillance permanente avec des enregistrements sons ». La dérogation accordée par le gouvernement pour des travaux de nuit, pour ne pas accuser plus de retard, réclame elle aussi une vigilance particulière comme le confie Jérôme Bataille : « On nous demande d’être présent presque jour et nuit pour surveiller […]. Ces travaux de nuit ont normalement pour vocation à ne pas faire de bruit. Ce sont des montages, des démontages intermédiaires pour permettre aux ouvriers de travailler tout de suite en arrivant le matin. Mais même quand il y a ces opérations, il y a des coups de marteau, un petit manque de discipline de la part de certains ouvriers, corps d’état ou de consignes qui ne sont pas assez passées. C’est un vrai souci et on y est très vigilant ». Enfin, des mesures ont également été prises pour préserver pendant la durée des travaux l’accessibilité à l’hôpital, desservi par une seule et unique route, l’avenue Pasteur. Pour cela, « nous avons détruit le parking et dévoyé Pasteur bas. Nous avons aussi dévoyé Pasteur haut… Comme il n’y a qu’une route pour accéder à l’hôpital, à partir du moment où elle est bouchée, on a du mal à faire sortir les SMUR… On est sûrement pénible avec le chantier, mais c’est une condition de base. On a besoin que les patients puissent accéder à l’hôpital », a expliqué Benoîte de Sevelinges. Des autorisations ont également été données pour quelques alternats afin de permettre l’avancement des travaux sans perturber l’accessibilité.

La gestion du risque sismique

Autre sujet largement évoqué au cours de ce tour du propriétaire : la gestion du risque sismique. Le chantier se situant dans une zone sismique moyenne, les ingénieurs et architectes en charge de la reconstruction de l’hôpital ont dû faire preuve d’ingéniosité pour gérer ce risque, comme le confirme Jérôme Bataille : « Faire du parasismique est déjà compliqué, mais le faire en trois phases est encore plus compliqué. On essaie de moduler tout ça […]. Les études étaient sur la base de la réglementation monégasque. Monaco nous a demandé de passer en Eurocode qui est la norme européenne de calcul des structures ». Pour cette partie extrêmement sensible du chantier, le directeur des travaux publics, Jean-Luc Nguyen, n’a d’ailleurs pas hésité à faire appel à un consultant en génie sismique de renom : « Nous avons un expert qui est bien connu dans le milieu qui est Victor Davidovici. Il a travaillé sur un grand nombre de projets, et il est aussi intervenu dans des configurations de territoire post-séisme pour auditer des bâtiments. Même si c’est un expert de grand renom, ce n’est pas seulement sa contribution qui a été décisive, on a tout un dispositif réglementaire avec des bureaux d’étude habitués à calculer les bâtiments. Aujourd’hui, à Monaco, on maîtrise bien le risque sismique ». Plusieurs dispositifs ont donc été mis en place pour prévenir ce risque. Les quatre ailes du nouvel hôpital ont tout d’abord été séparées. Une désolidarisation des parties basse et haute des bâtis et de l’ouvrage d’art par un joint horizontal en polyéthylène a ensuite été prévue de telle sorte que « si le socle bouge, le haut ne subira pas les vibrations de la terre », a expliqué Jérôme Bataille architecte du cabinet AIA Life Designers. Enfin, pour éviter que les bâtiments, indépendants les uns des autres, ne s’entrechoquent en cas de tremblement de terre, « on a un mis un système de vérins hydrauliques qui vont empêcher que les bâtiments entrent en collision », a détaillé Jérôme Bataille. Les ingénieurs, architectes et ouvriers du chantier ont encore du pain sur la planche. Si les deux premières ailes, d’une hauteur de dix étages, devraient en principe être livrées fin 2024, la mise en service globale du nouvel hôpital est, elle, prévue pour 2032. Les premiers patients sont, quant à eux, attendus fin 2025… si tout se passe bien.