Un rapport de l’Académie de médecine française vient de mettre en garde contre l’emploi de certains génériques. En cause?: la composition et les conditions de production de ces médicaments « low cost ». Eclairages.
S’ils baissent de 40 à 70 % le coût de notre armoire à pharmacie, pas sûr que les fameux génériques soient tous de si belles et fidèles copies de nos médicaments usuels… A en croire le dernier rapport de l’Académie de médecine française, certains pourraient révéler de troublantes variations par rapport à leurs versions d’origine quand on regarde de près conditions de production et composition. La controverse n’est pas nouvelle et la survenue d’effets secondaires inappropriés avait déjà sonné l’alerte ces dernières années. Il y a trois ans, la Ligue française contre l’épilepsie avait mis en garde contre les dosages « modifiés » des génériques d’un des traitements phares de la maladie, la Dépakine. Des médecins s’étaient également inquiétés des effets secondaires de versions low cost du Plavix, conçus avec un sel entraînant des réactions allergiques soudaines, ou de la copie de l’hormone thyroïdienne, le Levothyrox. Signe des temps?? Les ventes de génériques ont d’ailleurs connu leur première baisse de chiffres de ventes en France en 2011…
Plus de transparence
S’ils rappellent qu’il n’y a « pas lieu de douter de leur sécurité », les sages de l’Académie de médecine réclament néanmoins plus de transparence et de surveillance sur la composition des copies. A priori, tout générique doit présenter la même composition qualitative et quantitative que son princeps — autrement dit son médicament d’origine. La règle est garantie par des séries de tests dits de bioéquivalence censés assurer des bénéfices équivalents à ceux de l’original. Ces contrôles font pourtant aujourd’hui l’objet de critiques. D’une part, la composition des génériques est en réalité susceptible de relatives variations dans la concentration de principes actifs, du moment que les effets ne sont pas altérés chez le patients. Or certains spécialistes prescripteurs de médicaments dits « sensibles » (antiépileptiques, anticoagulants, antibiotiques…) s’inquiètent de ces « marges » tolérées dans la formulation des génériques et refusent d’y recourir, de peur de diminuer l’efficacité des traitements. Par ailleurs, les contrôles effectués sur les génériques ne concernent que les principes actifs, et pas les excipients — autrement dit l’ensemble des composants qui assurent texture, forme, parfum ou solubilité du produit. « C’est le vrai problème car les laboratoires de génériques font souvent fabriquer ces excipients dans des usines low cost pour comprimer leurs coûts, sans qu’il n’y ait de contrôle, explique le docteur Julien Blain, qui bataille depuis 2008 déjà contre les risques des génériques. Beaucoup d’effets secondaires viennent de la mauvaise qualité de ces excipients. »
Le risque à terme est de voir un nombre croissant de praticiens se détourner des génériques, fautes de garanties suffisantes, et remplir leurs ordonnances avec les mentions « NS » pour « non substituable » Selon la Caisse d’assurance maladie, si le taux moyen de substitution reste de 80 % en France, il aurait déjà baissé de 68 % à 62 % pour les médicaments cardio vasculaires entre 2010 et 2011…
Une vraie traçabilité
Pour mettre un peu d’ordre dans ce marché, l’Union européenne a programmé la mise en place d’une directive sur les génériques d’ici la fin 2013. « Le véritable enjeu sera d’assurer une vraie traçabilité, commente le docteur Blain. Aujourd’hui, les circuits de fabrication des génériques passent par tellement d’intermédiaires pour réduire les coûts qu’il n’est pas facile de savoir qui fait quoi. » Plusieurs laboratoires de génériques ont d’ores et déjà affiché et revendiqué le « Made in France », voire le « Made in Europe », pour rassurer patients et médecins. Certains se mettent également à copier les couleurs et formes des médicaments d’origine pour éviter les confusions dans la prise des traitements par les patients. Selon une étude de la Caisse d’assurance maladie en France, certains patients voulaient se voir prescrire en un an jusqu’à trois génériques différents d’un même produit?!