samedi 20 avril 2024
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Le Truvada, efficace contre le VIH, mais…

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Une étude française démontre que la prise de ce médicament permet de réduire de 86 % le risque d’infection par le virus du sida. Tout en se félicitant de ces avancées, l’association Fight Aids Monaco rappelle l’intérêt de la prévention.

 

Utilisé de manière curative, le Truvada, combinaison de ténofovir et d’emtricitabine, a prouvé son efficacité. En France, environ un patient sur deux atteint du VIH est déjà traité avec ce médicament. Du coup, la question qui se pose aujourd’hui est la suivante : le traitement peut-il être préventif ? C’était l’objet d’une étude dont les résultats ont été présentés le 23 févier dernier à Seattle (Etats-Unis).

L’essai ANRS Ipergay a été mené auprès de 414 homosexuels âgés de 35 ans en moyenne en France et au Canada, dont la moitié ont pris un placebo et l’autre du Truvada au moment des rapports sexuels, deux comprimés 24 heures avant et deux de 24 à 48 heures après. Résultat : le Truvada diminuerait les risques d’infection d’au moins 86 %. Faisant d’ores et déjà de ce médicament une solution utile pour les populations masculines à haut risque.

 

« Coût »

« On sait aujourd’hui comment se protéger du sida. Mais on a encore des personnes contaminées : 7 000 par an en France. Il est donc important et intéressant d’explorer d’autres pistes. Et quand on voit les résultats de Truvada qui est quand même à 86 % de réduction de risque pour ce type de population, c’est peut-être intéressant de mettre à disposition ce type de prévention », estime Hervé Aeschbach, coordinateur de l’association Fight Aids Monaco. Le comprimé coûte environ 18 euros. Et il faut en prendre 4 à 5 avant et après un rapport sexuel à risque. « Il n’est pas question de dire que le Truvada va être disponible pour tout le monde. Cela représente un coût financier. Donc il y a un risque d’inégalité par rapport aux pays qui peuvent le financer et ceux qui ne le peuvent pas » ajoute Hervé Aeschbach.

 

« Préventif »

A la pointe en matière de prévention, Fight Aids Monaco a un rôle important d’information et d’écoute auprès de ses 130 affiliés. « A Fight Aids, nous suivons forcément tout ce qui touche à la prévention. Car nous nous devons de suivre l’actualité pour que les personnes qui nous contactent puissent être informées. » Même si le Truvada semble efficace, il ne se substitue pas au préservatif et reste une arme supplémentaire. « Il est un fait que le Truvada est une avancée dans le traitement préventif vis-à-vis du VIH. En particulier auprès d’une population particulière, peu ou pas tournée vers une prévention classique. Toutefois, sa libéralisation serait une erreur. Car sa prescription doit s’accompagner d’un conseil, avec de l’information et une éducation sur les pratiques à risques et sur la nécessité d’une observance parfaite, sous peine d’une absence d’efficacité » souligne le docteur du centre hospitalier Princesse Grace (CHPG), Bruno Taillan.

 

IST

« C’est une avancée dans le sens où c’est un outil complémentaire. Mais il faut que ce soit bien adapté au public qui entre dans cette tranche de demande confronté à un risque élevé face au VIH », tempère à son tour Hervé Aeschbach. Si ce médicament protège du VIH, les infections sexuellement transmissibles (IST) restent un vrai problème. « Le Truvada ne se substitue en aucune façon au préservatif qui protège contre les autres IST potentiellement mortelles à terme, comme les hépatites B et C ou le papillomavirus. Sans oublier les sources de complications cardiaques ou neurologiques graves ou de stérilité, avec la syphilis, la gonococcie, la chlamydiae », poursuit le docteur Taillan. « Par ailleurs, l’innocuité à terme de ce traitement chez des patients sains n’est pas certaine. En particulier pour la toxicité rénale et osseuse. Et il existe un risque, au moins théorique, de favoriser la résistance du virus vis-à-vis de ces traitements chez des patients qui se contamineraient quand même » ajoute ce médecin du CHPG.

 

Complémentaire

Plusieurs associations s’accordent à dire que le Truvada constitue un outil complémentaire de prévention. « Bien entendu, nous restons sur la recommandation du préservatif, qui reste le meilleur moyen de protection. Dans les cas où des personnes ne pourraient pas utiliser le préservatif et auraient une sexualité avec de multiples partenaires, le Truvada pourra être une solution, quand il sera accessible », poursuit le coordinateur de Fight Aids Monaco. De là à modifier les stratégies de prévention ? « Dans ces populations, ce n’est pas qu’ils n’ont pas entendu le message. C’est qu’ils ont envie d’essayer autre chose. Ou qu’ils sont dans une impasse par rapport à la prévention », rappelle Hervé Aeschbach.

 

Dépistage

Au contact des affiliés, ce coordinateur a pu recueillir de nombreux témoignages. « Ce qu’on a pu entendre, c’est cette difficulté de devoir utiliser certaines fois le préservatif. Il est une contrainte. Le devoir de la prévention, c’est de pouvoir répondre aux personnes qui sont dans ces difficultés-là. Ce qui ne veut pas dire qu’on oublie de parler du préservatif : il ne va pas devenir obsolète. Le préservatif reste le moyen le plus fréquent et le plus commode à utiliser », insiste Hervé Aeschbach. « Ce médicament ne change en rien la stratégie de prévention classique qui passe par de l’information, de l’éducation, la trithérapie des sujets infectés par le VIH, la trithérapie post exposition, le dépistage élargi et cible en promouvant les TROD, les préservatifs, la circoncision… C’est un outil supplémentaire », confirme le docteur Taillan.