Mésothérapie, ultrasons, lasers… Popularisées ces dernières années, ces techniques esthétiques destinées à lutter contre les kilos en trop sont mises sur la sellette. Jusqu’où se méfier?? Eclairages avec le docteur François Perrogon, président de l’Association pour l’information médicale en esthétique (1).
Monaco Hebdo?: La Haute autorité de santé (HAS) vient de mettre en cause plusieurs techniques de médecine esthétique qui présenteraient une « suspicion de danger grave pour la santé humaine ». Comment expliquer une telle accusation portée aujourd’hui alors que ces techniques existent depuis longtemps déjà??
François Perrogon?: Elles existent depuis longtemps en effet, mais les suspicions également. Il y a dix huit mois, des dizaines de patients se sont retrouvés avec des infections cutanées nécessitant plusieurs interventions pour certains patients, suite à un traitement de mésothérapie. D’autres incidents du même type se sont produits récemment. Ces alertes ont conduit le Ministère à ordonner une expertise approfondie sur ces techniques très en vogue. Expertise que nous souhaitions depuis longtemps…
M.H.?: Quel est le principal danger lié à ces techniques??
F.P.?: Disons que le problème est avant tout lié au cadre dans lequel elles sont pratiquées. Ces techniques se multiplient depuis une dizaine d’années en suscitant un réel engouement. Elles promettent des soins plus simples, moins coûteux et presque aussi efficaces que la chirurgie traditionnelle. Le problème est que cet essor s’est fait sans vrai contrôle. Beaucoup des techniques proposées ne sont validées par aucune étude sérieuse – qu’il s’agisse des effets « supposés » des ultrasons ou de la mésothérapie sur la cellulite… Et les pratiques peuvent donner lieu à des dérives inquiétantes. Il y a encore peu, on voyait certains praticiens injecter des produits interdits à la vente mais qu’ils se procuraient sur le net, comme le Lipostabil®. Ils en faisaient des piqûres aux patientes alors même que la notice proscrit l’emploi en sous-cutané.
M.H.?: L’ensemble des techniques d’interventions dites « douces » sont-elles en cause??
F.P.?: Non, et le rapport de la HAS spécifie bien certaines pratiques liées à la destruction des cellules graisseuses?: la mésothérapie, les ultrasons, infrarouges, lasers transcutanés… Les techniques validées comme les injections de Botox® (en fait Vistabel® en esthétique) ou certaines utilisations du laser marchent – pour peu qu’elles soient bien pratiquées.
M.H.?: Justement, l’enjeu n’est-il pas de mettre en place une réglementation qui permette de mieux reconnaître les techniques validées et d’éviter de telles dérives??
F.P.?: Tout à fait, et cela devrait se faire de la même manière que pour les médicaments. En décrétant par exemple que toute technique faisant appel à un appareillage ou des produits d’injection non validés par des études ne devrait pas avoir droit de cité, à moins d’être proposée sous forme de protocole avec consentement des patients. Certes, il s’agit d’une médecine de confort, mais l’engouement est tel que l’on est bel et bien dans une problématique de santé publique. D’autant que la Sécu doit prendre à sa charge les effets secondaires toujours plus nombreux de ces interventions.
M.H.?: Un cadre réglementaire suppose de mieux réglementer les techniques, mais aussi les praticiens qui les emploient??
F.P.?: C’est juste et c’est un problème encore épineux. Un diplôme universitaire a été récemment promu, mais il a dû être arrêté car certains enseignements faisaient la promotion de techniques non validées et étaient sponsorisés par des fabricants. Il faut pouvoir établir une formation basée sur les techniques validées. C’est un chantier à venir…