mardi 23 avril 2024
AccueilActualitésCovid-19 : Pourquoi Monaco encourage la vaccination des femmes enceintes

Covid-19 : Pourquoi Monaco encourage la vaccination des femmes enceintes

Publié le

Depuis plusieurs semaines, les cas de contamination par le coronavirus se multiplient chez les femmes enceintes. Le phénomène inquiète les gynécologues, qui appellent cette population plus vulnérable face au virus à se faire vacciner.

« Aujourd’hui, nous avons en permanence deux ou trois femmes enceintes hospitalisées avec le coronavirus. Elles n’ont pas forcément des formes graves, mais nous avons actuellement une explosion du nombre de femmes enceintes infectées par le virus », déplore le professeur Bruno Carbonne. Depuis plusieurs semaines, le chef de service gynécologie-obstétrique du Centre hospitalier princesse Grace (CHPG) voit défiler des patientes touchées par le coronavirus. Et si, bien souvent, leur état de santé et celui de leur bébé n’inspirent heureusement aucune inquiétude, les conséquences de l’infection peuvent dans de rares cas être dramatiques.

« Plus de 100 000 femmes enceintes ont été vaccinées dans le monde, et même bien plus maintenant. Nous savons aujourd’hui qu’il n’y a pas plus d’effets secondaires du vaccin, ni plus de risque de complications lorsqu’on est enceinte, qu’en dehors de la grossesse. Et pour le bébé, aucun effet n’a été identifié par l’administration du vaccin à la mère »

Les femmes enceintes plus vulnérables face au Covid

Cette résurgence des cas de contamination chez les femmes enceintes n’a rien de surprenant face à un variant Omicron, bien plus contagieux que ses prédécesseurs. Les femmes enceintes, au même titre que le reste de la population, peuvent attraper le Covid-19 et ce, d’autant plus facilement, que la grossesse les rend plus vulnérables face au virus, comme l’explique le professeur Carbonne : « Le système immunitaire de la femme enceinte subit de grandes modifications. On ne parle pas d’immunodépression, mais on sait que les femmes enceintes sont plus sensibles à certaines infections qu’en dehors de la grossesse. C’est le cas, par exemple, pour la listériose et le coronavirus. Cela est lié à des phénomènes immunitaires ». Une autre explication à cette fragilité tient au fait que le coronavirus atteint essentiellement le système respiratoire. « Et pendant la grossesse, du fait de l’augmentation du volume de l’utérus, la capacité respiratoire des femmes enceintes est diminuée. Elles ont donc une sensibilité plus importante aux infections respiratoires et peuvent potentiellement faire des formes graves sur le plan respiratoire ». Ce risque augmente d’autant plus si les futures mères présentent des facteurs de risque (âge, obésité, hypertension artérielle, diabète). « Tous ces facteurs de comorbidité augmentent la gravité chez les femmes enceintes. Ces complications ne sont pas exceptionnelles, elles existent pendant la grossesse, donc il faut être particulièrement vigilant ». Car, si la grande majorité des femmes enceintes infectées ne développent heureusement qu’une forme légère, voire asymptomatique de la maladie, certaines peuvent présenter des formes de gravité différentes : « Les femmes enceintes ne sont pas des personnes comme les autres par certains aspects. Elles ont quand même un risque plus élevé que le reste de la population, que les femmes non enceintes du même âge, d’avoir une forme grave. Y compris en l’absence de facteurs de risque. Les études montrent qu’il y a, grosso modo, deux à trois fois plus de risque d’avoir une forme grave de coronavirus quand on est enceinte ».

« Le principal risque, c’est d’être obligé de faire naître le bébé, quel que soit l’âge de la grossesse. Nous sommes parfois amenés à faire des accouchements très prématurés, parce que l’état de la mère l’impose »

Un risque d’accouchement prématuré

Et les conséquences d’une infection par le coronavirus peuvent potentiellement être dramatiques, aussi bien pour la mère que pour son enfant. « Le risque, ce n’est pas que le bébé attrape le coronavirus, parce que le passage à travers le placenta est très peu fréquent. Et dans les quelques rares cas où cela a été démontré, il n’y a pas eu de conséquence grave pour l’enfant, remarque le professeur Carbonne. Ce n’est pas le virus lui-même qui est dangereux pour le bébé, mais c’est le fait que la maman fasse une forme grave ». Car, quand une femme enceinte développe une forme grave de la maladie, elle encourt une hospitalisation en soins intensifs, avec mise en place d’une assistance respiratoire. Une prise en charge particulièrement délicate au moment de la grossesse : « Lorsque la femme est enceinte, cette ventilation artificielle ne va pas être efficace, parce que l’utérus et le bébé vont gêner la ventilation. Et il y a des risques de décès du bébé quand il y a une baisse de saturation en oxygène chez la mère. Donc, le principal risque, c’est d’être obligé de faire naître le bébé, quel que soit l’âge de la grossesse. De ce fait, nous sommes parfois amenés à faire des accouchements très prématurés, parfois même avant la viabilité de l’enfant parce que l’état de la mère l’impose », précise le chef de service gynécologie-obstétrique du CHPG. Selon le professeur Carbonne, à ce jour, aucune intervention du genre n’a été pratiquée à Monaco. « Ces situations sont peu fréquentes. Nous n’en avons pas encore eu. Mais cela a failli se produire il y a deux ou trois semaines avec une femme qui s’est retrouvée sous oxygène. Nous avons dû surveiller sa saturation de manière rapprochée parce que s’il y avait eu une désaturation en oxygène malgré l’oxygénation, nous aurions été obligés de faire naître son bébé prématurément ». Cette délivrance avant le terme de la grossesse présente bien évidemment un risque pour la survie du bébé. « Si nous prenons l’ensemble des cas d’infection par le Covid-19 chez les femmes enceintes, la mortalité périnatale est deux à trois fois plus élevée que dans le reste de la population. Les risques sont faibles, mais ils sont tout de même plus élevés qu’en l’absence de coronavirus ».

« Nous n’allons pas leur courir après avec une seringue. Notre rôle n’est pas de forcer les gens à se faire vacciner. Les informations que je donne sont très en faveur de la vaccination, mais nous ne pouvons pas empêcher les gens d’avoir leurs propres inquiétudes »

Appel à la vaccination

Pour prévenir ces risques, les gynécologues recommandent donc aux femmes enceintes de se faire vacciner. « Ces formes graves sont, de manière très claire, diminuées par le vaccin », insiste le professeur Carbonne, tout en précisant que la vaccination « diminue également un peu le risque de transmission du virus ». « Les données de sécurité du vaccin chez les femmes enceintes sont excellentes. Plus de 100 000 femmes ont été vaccinées dans le monde, et même bien plus maintenant. Nous savons aujourd’hui qu’il n’y a pas plus d’effets secondaires du vaccin, ni plus de risque de complications lorsqu’on est enceinte qu’en dehors de la grossesse. Et pour le bébé, aucun effet n’a été identifié par l’administration du vaccin à la maman », affirme le chef de service. Autre argument en faveur de la vaccination, et non des moindres, le bébé pourrait, lui aussi, profiter de cette protection : « Le vaccin permet à la patiente de développer des anticorps contre le Covid. Et ces anticorps vont être transmis au bébé pendant la grossesse et l’allaitement. Et de fait, cela lui confère certainement une protection vis-à-vis du Covid alors que les femmes non vaccinées, qui n’ont pas d’anticorps, ne transmettent pas cette protection à leur enfant », rapporte Bruno Carbonne. Pour ce médecin, pas de doute, la balance bénéfice/risque est assurément favorable. « À Monaco, nous avons toujours utilisé le vaccin de Pfizer, qui est le sérum pour lequel nous avons de très loin le plus de recul, et le plus de données rassurantes en termes de sécurité, en dehors et pendant la grossesse. Résultat, les inquiétudes que les médecins pouvaient avoir au départ sont désormais levées. Nous sommes beaucoup moins préoccupés, et c’est la raison pour laquelle la vaccination a été élargie. D’autant que nous avons montré, dans le même temps, que les femmes enceintes étaient plus à risque de complications ».

« En réalité, les inquiétudes sont très alimentées par les propos antivax et les lectures sur certains blogs ou sur certains sites Internet. Des choses qui sont parfois détournées de la vérité scientifique, car si on regarde les données scientifiques, elles sont hyper rassurantes »

Défiance

Malgré toutes ces données et ce recul, la défiance des femmes enceintes vis-à-vis du vaccin demeure importante en principauté : « Les femmes enceintes sont encore très réticentes à se faire vacciner, constate le professeur Carbonne. Les inquiétudes des femmes enceintes, je les comprends et je les admets. Mais par le mécanisme des vaccins, nous n’avons aucune raison de penser qu’il y aurait des effets secondaires à long terme qui pourraient apparaître », assure-t-il. D’après lui, les campagnes de communication ne seraient aujourd’hui plus suffisantes pour convaincre les plus récalcitrantes : « Si une femme enceinte n’a pas fait son vaccin alors qu’elle est déjà au milieu de sa grossesse, je sais que malgré toute la pédagogie que je peux employer, il y a assez peu de chance qu’elle décide de se faire vacciner, regrette Bruno Carbonne. Nous n’allons pas leur courir après avec une seringue. Cela fait partie de la décision des gens, ou de la décision des politiques, de la rendre obligatoire. Mais, nous médecins, notre rôle n’est pas de forcer les gens à se faire vacciner. Les informations que je donne sont très en faveur de la vaccination. Mais nous ne pouvons pas empêcher les gens d’avoir leurs propres inquiétudes ». Le chef du service gynécologie-obstétrique du CHPG pointe à ce sujet les mouvements antivax coupables, selon lui, de nourrir les peurs : « En réalité, les inquiétudes sont très alimentées par les propos antivax et les lectures sur certains blogs ou sur certains sites Internet. Des choses qui sont parfois détournées de la vérité scientifique, car si on regarde les données scientifiques, elles sont hyper rassurantes ». D’ailleurs, précise-t-il, « nous n’avons aucun décès, ni aucune complication grave ou mortelle liée au vaccin ». À en croire le professeur Carbonne, la vaccination ferait aujourd’hui les frais d’« erreurs de communication » qui ont provoqué une certaine confusion, dont ont su profiter les antivax : « Le problème, c’est que la valeur de ma parole n’est pas plus forte que celle de n’importe qui. On a interrogé des gens qui n’avaient aucune compétence sur certains sujets. Au lieu de s’autocensurer, ces personnes ont dit tout ce qui leur passait par la tête. On a donc entendu tout et n’importe quoi, alors qu’il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous n’avons pas de certitude. Moi, ma seule compétence, c’est d’analyser les articles publiés sur la sécurité du vaccin. Et la sécurité du vaccin chez la femme enceinte et les données sont excessivement rassurantes, aussi rassurantes que celles sur la population en dehors de la grossesse ». Le message du professeur Bruno Carbonne est donc clair : « Chez la femme enceinte, la proportion des personnes qui vont avoir des formes graves est très faible. Mais lorsque ça se produit, les conséquences peuvent être dramatiques. Les complications graves ne sont pas fréquentes, mais elles sont évitables si on se fait vacciner ». À bon entendeur.